La Cour de cassation vient de porter à cinq ans le délai limite pour intenter une action en indemnisation en matière de transport aérien – en tout cas en France. Les autres pays l’ont pas forcément les mêmes règles de droit commun.
La plus haute juridiction française a jugé le 17 mai 2017 que le droit local l’emporte face aux conventions internationales en matière de prescription pour réclamer des indemnités. La question était de savoir si le délai était déterminé par les conventions de Montréal et de Varsovie (2 ans), ou par les règles de chaque État membre en matière de prescription (prescription de droit commun de 5 ans en France). Selon Flightright, Les faits étudiés remontent à 2011, quand un couple ayant réservé un vol le 11 aout entre les aéroports de La Havane et Paris (sur une compagnie seulement connue sous le nom de X). Le décollage avait finalement eu lieu le 12 août, avec un retard de plus de 14h à l’arrivée. En octobre 2013, soit 2 ans et deux mois après le vol problématique, Monsieur S. avait formé un recours devant la justice afin de réclamer l’indemnisation de 1200 euros à laquelle sa compagne et lui pouvaient prétendre, à titre de réparation du dommage subi en raison du retard du vol litigieux. La compagnie aérienne X a fait valoir que l’action était prescrite, le délai de deux ans pour introduire des actions en responsabilité à l’encontre des transporteurs aériens, prévu dans les conventions de Varsovie et de Montréal et auquel il est fait référence dans le Code des transports, ayant expiré. La juridiction de proximité d’Aulnay-Sous-Bois, dans son jugement en date du 12 novembre 2015, avait déclaré irrecevable l’action des demandeurs, la prescription étant acquise. Monsieur S. avait alors décidé de former un pourvoi.
La Cour de cassation a donc « cassé et annulé » le jugement d’Aulnay-sous-Bois, au motif que le délai pour intenter des actions visant à obtenir le versement d’une indemnité pour un retard, un refus d’embarquement ou une annulation de vol, en vertu du droit de l’Union, est déterminé conformément aux règles de chaque État membre en “matière de prescription d’action”. En France, l’action en paiement de l’indemnité forfaitaire est donc soumise à la prescription quinquennale de droit commun, prévue à l’article 2224 du code civil. Les passagers aériens disposent donc bien de 5 ans pour réclamer leur indemnité et assigner la compagnie aérienne en justice.
Flightright rappelle que la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE), à l’occasion de l’affaire Moré contre KLM le 22 novembre 2012, renvoyait non pas aux règles nationales applicables à l’action en responsabilité du transporteur aérien, mais aux seules règles nationales « en matière de prescription d’action ». Elle affirmait que la spécificité du mécanisme d’indemnisation forfaitaire prévu par le Règlement européen n°261/2004 et son autonomie par rapport aux mécanismes prévus par les conventions de Montréal et Varsovie auxquelles renvoie le Code des transports, justifiait que l’action destinée à la mettre en œuvre soit soumise aux règles de prescription de droit commun. La Cour de Cassation s’était également prononcée en ce sens à l’occasion de l’arrêt Nelson du 23 octobre 2012.
En France en 2005, la Cour de Cassation avait déjà jugé, à propos des règles de compétence gouvernant l’application du règlement européen, qu’elles n’obéissaient pas aux mêmes règles que celles de l’action en responsabilité du transporteur aérien régie par la convention de Montréal. Par analogie, il était alors possible de soutenir que les règles qui s’appliquaient étaient celles de droit commun, voire même d’envisager de transposer cette solution à la question de la prescription.
Cette décision est accueillie comme une bonne nouvelle qui vient renforcer un peu plus les droits des particuliers et consommateurs en matière de droit aérien. Flightright se félicite dans un communiqué de cette position adoptée par la Cour de Cassation, qui clarifie la jurisprudence antérieure et uniformise les droits français et européen, pour jouer en faveur des passagers aériens. « Grâce à l’extension du délai de prescription, de très nombreux passagers pourront continuer à faire valoir leurs droits auprès des compagnies aériennes et réclamer une indemnisation », confirme Philipp Kadelbach, cofondateur et directeur de Flightright.