Les spéculations sont allées dans tous les sens, à la veille de la célébration du 56me anniversaire de l’indépendance, au sujet de l’intention de Joseph Kabila de ne pas se représenter pour un troisième mandat. Cela paraissait d’autant acquis qu’en fin de semaine dernière, lors d’un meeting populaire dans la ville de Kalemie, il a semblé prendre publiquement ses distances vis-à-vis des « faucons » de sa famille politique qui le poussent à rempiler à travers des slogans flatteurs.
Aussi son message du 30 juin 2016 était-il fiévreusement attendu non seulement au sein de la classe politique, mais aussi au niveau du commun de Congolais. Mais, à l’arrivée, Joseph Kabila a choisi de prolonger le suspense, en début de soirée du 29 juin 2016. Il a certes confirmé la tenue des élections mais il a donné l’impression de ne pas faire cas de leur chronogramme. Pourtant, le grand débat de l’heure se focalise sur l’organisation ou non de l’élection présidentielle en novembre 2016, pour laquelle il est constitutionnellement non partant.
A défaut de désigner son « dauphin » ou d’en esquisser le profil au sein de la Majorité Présidentielle ou en dehors de celle-ci, Kabila a préféré s’appesantir sur l’enrôlement des électeurs, un processus à inscrire en droite ligne du « glissement », car sa matérialisation exige au moins 18 mois de travail, selon la CENI (Commission Electorale Nationale Indépendante) ainsi que plusieurs experts en questions électorales. En clair, la présidentielle ne peut se tenir techniquement d’ici 5 mois.
Dialogue : toujours l’incertitude
L’autre équivoque du message de Joseph Kabila concerne le Dialogue, un forum annoncé depuis plus d’une année mais toujours bloqué par la peur de ceux qui sont aux affaires – membres de la Majorité présidentielle comme opposants – d’être sanctionnés par le souverain primaire en cas de scrutins réellement transparents et démocratiques. La CENI va-t-elle se lancer dans des opérations d’enrôlement sans attendre les conclusions de ce fameux Dialogue, qui devrait traiter, entre entres matières, de la recomposition de cette institution, de la révision du fichier électoral et du calendrier électoral ? Combien de fois va-t-on inviter le Facilitateur Edem Kodjo à accélérer les préparatifs ? Combien de fois ce dernier va-t-il consulter Aubin Minaku (Secrétaire général de la MP) à Kinshasa et Etienne Tshisekedi (président de l’UDPS) à Bruxelles pour convenir des termes de référence ? Qu’est devenu le fameux Comité préparatoire essentiellement composé des représentants de la Société Civile, alors que sans politiciens, il n’y a pas Dialogue ? Enfin, lorsque Kabila parle du Dialogue, s’agit-il du forum qu’il avait convoqué par une ordonnance fortement contestée par une large frange de l’Opposition ou de celui défini par la Résolution 2277 du Conseil de Sécurité des Nations Unies ?
Bref, le chemin devant conduire les Congolais aux élections est parsemé de contraintes politiques, techniques et financières, sur fond de querelles de conservation et de conquête du pouvoir par des voies qui semblent relever d’agendas cachés. Joseph Kabila lui-même est soupçonné de ne pas vouloir abattre ses cartes et de chercher à placer ses amis comme ses adversaires politiques devant le fait accompli du « glissement ».
Ceux qui pensent qu’il va s’accrocher avec bec et ongles à l’Avis de la Cour Constitutionnelle l’autorisant à rester au pouvoir jusqu’à l’élection et l’investiture de son successeur, à une échéance impossible à déterminer dans le temps, ne sont pas surpris de le voir égrener des projets de développement et des mesures de stabilisation de l’économie nationale propres à un candidat à sa propre succession.
S’il est quasi certain que les cours des matières premières ne vont pas se redresser en six mois et que l’émergence ne peut être atteinte à la fin de 2016, l’on peut se demander s’il s’agit de son héritage politique ou de la continuité de sa « Révolution de la Modernité », avec lui-même comme maître d’œuvre.
S’il y a une leçon à tirer du message du 30 juin 2016, c’est entre autres la certitude que l’élection présidentielle n’est pas pour demain, ni le Dialogue politique. Au lieu de recréer la confiance au sein d’une classe politique toujours méfiante à son égard, Joseph Kabila a conforté les doutes dans les esprits. Par conséquent, des millions de Congolaises et Congolais vont continuer à vivre dans la peur du lendemain, car le décor de l’implosion de la cohésion nationale semble solidement planté.
Avec Le Congolais