Loin, très loin de la réserve traditionnelle à laquelle s’astreignent les anciens présidents. Olesegun Obasanjo vient peut-être d’activer une bombe dans le paysage politique nigérian. A une année de la présidentielle à laquelle Muhammadu Buhari n’a pas encore clarifié la question de sa candidature, l’ancien président nigérian a exhorté son lointain successeur de ne pas rempiler à la tête du pays. Une position hors norme qui risque d’alimenter les débats et peut-être même secouer l’Aso Rock Villa.
«Nous ne ferons pas de commentaire maintenant !». Dans les couloirs de l’Aso Rock Villa, les mots d’Olusegun Obasanjo ont dû être un coup de massue politique. Il faut dire que la charge de l’ancien président est portée au mauvais moment. Alors que dans les rangs de l’All Progressives Congress (APC, au pouvoir) l’on pousse pour la formation d’un bloc autour de la candidature de Muhammadu Buhari, une longue lettre ouverte au vitriol d’Olusegun Obansanjo se dresse en obstacle.
Les «poux de la mauvaise performance» du gouvernement Buhari
Dans une tribune très imagée, mais assez critique, «Baba» dénonce les «poux de la mauvaise performance gouvernementale» que sont «la pauvreté, l’insécurité, le manquement grave au devoir», mais aussi «l’absence d’espoir, de progrès, le manque de cohésion nationale et une mauvaise gestion des dynamiques politiques».
Un diagnostic sévère contre le régime de Muhammadu Buhari dont Obansanjo dénonce l’inexpérience en économie et en relations internationales, avant de lui demander de ne pas envisager la possibilité de porter sa candidature pour la prochaine élection à la présidence, prévue en février 2019.
«Je ne fais qu’appeler le frère Buhari à considérer un repos mérité à ce moment et à cet âge. Je continue de lui souhaiter une bonne santé pour profiter de sa retraite. Le président Buhari n’a pas nécessairement besoin de suivre mon conseil. Mais qu’il l’écoute ou non, le Nigeria doit aller de l’avant et aller de l’avant», assène Obasanjo.
L’ancien président est coutumier de cette posture moralisatrice. Malgré sa retraite de la vie politique, après avoir régné sur le Nigeria de 1976 à 1979, puis de 1999 à 2007, Olusegun Obansanjo a longuement tancé plusieurs de ses successeurs. Ses remontrances politiques, envoyées par lettre ou par communiqué, n’ont pas épargné Alhaji Shehu Shagari qui lui a succédé lors de son premier mandat, le régime du sanguinaire Babangida, celui de Sani Abacha ou encore son filleul politique, Goodluck Jonathan. L’actuel président vient lui aussi de se faire ajuster le boubou présidentiel. Là est toute la difficulté.
La réponse de Buhari attendue
Buhari continue d’entretenir le flou sur son intention de s’aligner sur la ligne de départ de la Course à l’Aso Rock Villa. Avec sa tribune, Olusegun Obasanjo met ce dernier dans la posture de devoir répondre d’un côté sur sa mauvaise gestion indexée, mais aussi sur la question de sa candidature.
Un duel épistolaire par presse interposée défavorable à Muhammadu Buhari dont la capacité à diriger le pays a été remise en cause par son séjour médical de trois mois à Londres, l’année dernière. D’un autre côté, sans Buhari, l’APC, déjà miné par des luttes de pouvoir, pourrait aller en rangs dispersés à la prochaine présidentielle et prendre le risque de se retrouver dans l’opposition. Dans l’expectative, les Nigérians attendent la réponse de leur président.
Avec latribuneafrique