C’est une contestation électorale dont le Libéria se serait passé. Alors que les électeurs sont convoqués le 7 novembre prochain pour le second tour de la présidentielle, trois partis ont saisi la Commission électorale d’une requête en annulation du premier tour en raison d’«irrégularités» qui auraient entaché le premier tour qualificatif pour la succession d’Ellen Johnson. Dans ce pays qui panse encore les stigmates de deux guerres civiles meurtrières, la première transition démocratique pacifique se fait dans la controverse. Le duel au second tour entre George Weah et Joseph Boakai en est même remis en cause.
Après deux sixtennats à la tête du Libéria, Ellen Johnson s’apprête à passer la main à son successeur désigné par les urnes. Si le premier tour s’est joué le 10 octobre dans le calme entre 20 candidats en lice, le passage de relais risque d’être compromis avec cette requête adressée à la Commission électorale nationale (NEC) pour annuler les résultats du premier tour en raison d’irrégularités et de fraudes supposées.
Trois plaintes pour faire annuler le premier tour
A la manœuvre pour renvoyer les électeurs à la case départ électorale, Charles Brumskine, arrivé troisième au premier tour avec ses 9,6% des suffrages. L’avocat de 65 ans, candidat du Parti de la Liberté (LP), souhaite annuler ce premier tour «pour s’assurer qu’une élection libre et transparente soit organisée conformément à la Constitution», selon une plainte déposée sur la table de la Commission électorale.
[LIRE AUSSI] : Georges Weah et les autres favoris à la succession d’Ellen Johnson…
En aval, deux puissants hommes d’affaires : Alexander Cummings, ancien directeur Afrique de Coca-Cola et Urey Benoni, le magnat de la téléphonie, lui ont emboîté le pas. Respectivement candidats du Congrès pour une alternative nationale (ANC) et du Parti de tous les Libériens (ALP), les deux hommes ont également saisi la NEC d’une requête pour faire annuler les résultats du premier tour.
Ils dénoncent tous des bourrages d’urnes, mais aussi le fait que des électeurs dûment inscrits soient écartés du vote au premier tour. Ils enjoignent la Commission électorale de republier de nouvelles listes électorales pour permettre d’identifier les électeurs avec des cartes valides.
Dilemme entre une facture électorale salée et l’équilibre démocratique
Suffisant pour que Joseph Boakai, le vice-président sortant, demande l’ouverture d’une enquête sur les irrégularités pointées par les trois partis d’opposition. Une position en trompe-l’œil, puisque l’héritier politique d’Ellen Johnson n’a pas saisi la Nec d’une requête formelle. Comment le ferait-il ? Il doit affronter la star footballistique devenue sénateur, George Weah, lors d’un duel au second tour prévu le 7 novembre, qui le rapproche de l’Executive Mansion, le palais présidentiel de Monrovia.
Pour autant, ces plaintes peuvent-elles faire annuler le premier tour ? Même si l’éventualité est à prendre très au sérieux au vu de la détermination (et de l’influence) des plaignants, le Libéria qui vit sous la perfusion des aides internationales se passerait bien du luxe de cette dépense supplémentaire pour renvoyer vingt candidats dans les starting-blocks et deux millions d’électeurs aux urnes.
Par contre, dans le cas où la requête de l’opposition est avalisée, c’est la démocratie en construction du Libéria qui en prendrait un sérieux coup de massue. Après deux guerres civiles, le pays raterait alors sa première transition démocratique pacifique au pouvoir de son histoire moderne. Un dilemme de choisir entre l’équilibre du jeu démocratique et l’économie d’une facture salée que serait la reprise d’une élection, fût-elle présidentielle.
Avec latribuneafrique