Sécurité, réconciliation, corruption, filière cacao, justice, diplomatie… Les candidats à la présidentielle qui affronteront Alassane Dramane Ouattara (ADO) le 25 octobre dévoilent leur programme à Jeune Afrique. Premier à se lancer : Kacou Gbango, député et candidat indépendant.
Jeune Afrique : La Côte d’Ivoire est-elle plus sûre aujourd’hui qu’il y a cinq ans ?
Kacou Gnangbo : Il y a eu des avancées, mais c’est une sécurité apparente. On n’est toujours pas libre de s’exprimer démocratiquement. Aussi, tous les salariés du secteur public sont sous l’emprise du gouvernement. Toute critique peut entraîner la perte de son emploi. Cela explique pourquoi tout le secteur public a pu être réquisitionné pour faire la campagne du président Alassane Ouattara.
Faut-il réviser l’article 35 de la Constitution selon lequel un candidat à la présidentielle « doit être ivoirien d’origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d’origine » ?
Cet article ne pose pas de problème, il appartient à la Côte d’Ivoire. Il faut même l’appliquer. Le problème est que c’est au Conseil constitutionnel de faire respecter la constitution. Mais son président et ses six conseillers sont désignés par le chef de l’État actuel. Tant qu’on n’aura pas coupé ce cordon ombilical, le Conseil ne prendra aucune décision allant à l’encontre du président et n’appliquera jamais l’article 35.
Que signifierait un fort taux d’abstention lors du scrutin présidentiel ?
Le pouvoir sera désavoué. Si ce taux avoisine les 60%, il faudra que ces élections soient reprises.
Quelles modifications apporteriez-vous au système d’indemnisation des victimes de la crise postélectorale ?
Les dégâts sont énormes. Mais, il faut tourner la page, que les Ivoiriens et Ivoiriennes acceptent de passer à autre chose. L’important n’est pas l’indemnisation, mais l’emploi.
Faut-il reprendre le processus de désarmement ?
Cela s’impose. En dehors de l’armée régulière, il ne doit pas y avoir d’éléments armés en Côte d’Ivoire. Mais cela ressemble à une stratégie : ceux qui ont pris les armes essaient d’entretenir ce phénomène pour pouvoir faire peur aux Ivoiriens. C’est pour cela qu’il ne faut pas craindre d’aller voter pour faire sauter ce gouvernement.
La corruption est-elle toujours un problème en Côte d’Ivoire ?
C’est criant. La corruption gangrène même le budget de l’État. L’action publique n’est pas au service des Ivoiriens.
La filière cacao vous paraît-elle plus saine aujourd’hui qu’il y a cinq ans ?
Elle a besoin d’une réforme. Il faut la réorganiser. Il y a trop d’intermédiaires. Il faut les supprimer pour augmenter la rémunération des planteurs.
L’endettement du pays est-il trop important ? Peut-il constituer un frein au développement ?
La Côte d’Ivoire a bénéficié du programme d’allègement de la dette. Cependant, le gouvernement actuel a repris l’endettement à un rythme assez élevé. On peut proposer des budgets élevés avec un déficit avoisinant les 0%. Car si on continue de la sorte, cela empêchera notre développement.
Si vous êtes élu, allez-vous augmenter les budgets accordés aux secteurs de la santé et de l’éducation ? Dans quels postes couperez-vous pour financer ces augmentations ?
Je compte augmenter la TVA de 2% pour financer la prise en charge des femmes enceintes sans revenu pour faire baisser le taux de mortalité infantile. Elles seront prises en charge jusqu’au sixième anniversaire de leur enfant. Donc le budget de la santé augmentera, mais sans conséquence sur le coût de la vie que je compte faire baisser.
La Cour pénale internationale (CPI) est-elle légitime pour juger Laurent Gbagbo ? Où doit-être jugée Simone Gbagbo ?
C’est une honte pour la Côte d’Ivoire que son ancien président soit emprisonné à l’étranger. J’estime que Laurent Gbagbo doit être libéré. À défaut, il faut prendre des mesures pour voir si notre pays doit rester dans cette organisation.
Quant à Simone, il faut aussi qu’elle soit libérée. Nous avons traversé une grave crise, il y a énormément de circonstances atténuantes de part et d’autre.
Pourquoi les partisans du président Ouattara suspectés de crimes commis pendant la crise postélectorale n’ont-ils pas encore été jugés ? La justice ivoirienne est-elle indépendante ?
Notre justice est aux ordres du pouvoir. C’est la justice des vainqueurs. C’est pourquoi il faut changer de président. Sinon, nous ne réussirons pas à tourner la page de la crise. ADO ne veut pas la réconciliation.
Fallait-il accueillir Blaise Compaoré en Côte d’Ivoire après son départ du Burkina Faso ?
Je n’ai pas d’avis sur la question.
La France doit-elle garder une place à part parmi les partenaires de la Côte d’Ivoire ? Pourquoi ?
La France n’a pas de place à part. Notre relation doit être d’égal à égal. La Côte d’Ivoire est aujourd’hui acteur d’un marché mondial.
Avec JeuneAfrique