La Côte d’Ivoire a axé son développement sur l’agriculture dès son accession à l’indépendance. Le secteur agricole s’est organisé, pour les principales productions, par filières structurées en activités de recherche, d’encadrement des producteurs et de commercialisation de la production. Cette stratégie qui a permis de développer certaines filières telles que le café, le cacao, le palmier à huile, l’hévéa, le coton etc., n’a pu être étendue à des produits tels que la cola, qui avaient cependant une intense activité informelle. La Côte d’Ivoire produit annuellement 80 000 tonnes de noix fraîches dans un système de production dominé par la cueillette (CNRA, 2012).
- HISTOIRE DE LA COLA EN COTE D’IVOIRE
L’activité de la cola est très ancienne en Côte d’Ivoire. Longtemps avant la colonisation, Danané était la zone de production par excellence de la cola. Les populations du nord de la Côte d’Ivoire en provenance de Tengrela, de Boundiali, de Korhogo assuraient l’approvisionnement en cola des territoires de l’actuel Mali, son voisin du Nord à partir de Danané. Des populations originaires de Séguéla, de Touba et de Mankono en feront, par la suite, une activité commerciale importante et florissante aussi bien en direction des zones sahéliennes qu’au niveau de l’auto approvisionnement de la zone de savane de la Côte d’Ivoire. Depuis cette période, ces régions de savane du nord ont acquis la dénomination de «région du Worodougou » (ALOKO N’GUESSAN, 2000). Progressivement, deux localités vont émerger et s’affirmer dans le commerce de la cola: Bouaké dans la ré- gion baoulé, au centre du V baoulé, Anyama, à la porte du pays akyé, au sud-est de la Côte d’Ivoire, et qui fait figure de capitale actuelle de la cola. (ALOKO N’GUESSAN, 2000).
- LA PRODUCTION
- les espèces cultivées
Le colatier ou kolatier est originaire de la forêt Ouest africaine et de l’Afrique Centrale où il pousse à l’état naturel. Il peut atteindre en moyenne 10 à 15 mètres de haut. On distingue plusieurs espèces : – Cola acuminata, Cola ballayi, Cola gabonensis, Cola nitida, Cola simiarum, Cola verticilata
De toutes ces espèces, seules Cola nitida et Cola acuminata font l’objet de culture et fournissent la noix de cola connue (Aloko, 2000). En Côte d’Ivoire, la quasi totalité des noix provient de Cola nitida dont les variétés les plus connues sont la cola blanche ordinaire (couleur ivoire) et la cola rouge.
- Les zones de production et les productions réalisées
- Les zones de production
Toute la zone cacaoyère de Côte d’Ivoire comporte des pieds de cola susceptibles de fournir des noix aux commerçants. L’essentiel de la production de cola provient de pieds disséminés dans les plantations de cacao. La cola est rarement produite en culture pure ; au cours de l’abattage de la forêt pour la mise en place d’une parcelle de café ou de cacao, les pieds de cola rencontrés sont laissés en l’état et permettent aux producteurs d’avoir un revenu d’appoint. La plupart des plantations de cola (en culture pure) se concentrent dans cinq principales régions. Il s’agit des ré- gions des Lagunes (Sikensi), de l’Agneby-Tiassa (Azaguié, Agboville), de l’Indénié (Abengourou et Bettié), du Sud-Comoé (Maféré et Bianouan) et du Bas Sassandra (San-Pédro). La plus grande plantation localisée à Bécédi s’étale sur 50 hectares. Les autres varient entre 2 et 7 hectares. (Kama, 2009).
- Les productions réalisées
La Côte d’Ivoire est le premier pays exportateur avec 35 000 tonnes par an. La production nationale oscille entre 50 000 à 75 000 tonnes par an. En 1995, nous avions une production de 74 700 tonnes de noix.
- LA COMMERCIALISATION DES PRODUITS DE LA COLA
- La commercialisation intérieure
Au niveau local, la commercialisation des noix de cola se fait par les petits commerçants qui achètent aux planteurs qui possèdent quelques arbres soit proches des villages, soit au milieu de leurs plantations. Les noix sont conditionnées dans des paniers et conservées. La fixation de prix se fait selon la qualité (taille, couleur) des noix, les blanches et les plus grosses sont appréciées et sont les plus chères. Le prix pratiqué est généralement compris entre 100 F et 150 F/kg selon les périodes. Pendant la période de récolte, les prix baissent sensiblement (Aloko, 2000). Les principaux marchés sont localisés à Bouaké et Anyama. A Bouaké, les opérateurs sont organisés en coopératives et installés au sein du marché de gros. La consommation locale varie de 20 300 tonnes à 54 400 tonnes.
- La commercialisation extérieure
La commercialisation extérieure est assurée par les commerçants grossistes qui exportent vers les pays sahéliens tels le Mali, le Burkina Faso, le Niger etc. qui constituent les principaux marchés. Il faut noter que l’Etat n’intervient pas dans la commercialisation extérieure de la noix de cola (Aloko, 2000). Les exportateurs s’approvisionnent au niveau des magasins d’Anyama et de Bouaké. Bien que regroupés en association ou en coopérative, les producteurs exportent individuellement leur noix. En fonction de ses capacités financières et de ses relations à l’extérieur, chacun peut décider à tout moment de vendre sa production sur place ou à l’étranger (Kama, 2009).
- UTILISATION DE LA COLA
- Dans l’industrie moderne
L’exploitation de ce produit dans l’industrie est diverse. Ainsi, la noix de cola est utilisée : • En pharmacie moderne pour la fabrication des médicaments • Dans le textile pour la confection de la teinture • Dans la cosmétologie pour la fabrication des produits cosmétiques • Pour la fabrication des boissons tonifiantes, des vins, des liqueurs, etc.
- Dans la vie sociale et religieuse
notamment dans les communautés soudano-sahéliennes à dominante musulmane. L’on peut citer quelques usages : – pour les mariages et la vie sociale – pour les sacrifices – dans la médecine traditionnelle, comme moyen d’agir sur la toux ou pour soigner la fontanelle, etc. – pour calmer la faim et pour se maintenir en éveil – pour le règlement des conflits et l’intermédiation sociale.
- ORGANISATIONS DES ACTEURS
La Filière Cola reste confrontée à une absence de professionnalisation des acteurs. Nonobstant cet état de fait, plusieurs organisations opèrent dans la filière. Depuis Octobre 2011, est née une faitière de ces associations dénommée, la FENAPROCOCI (Fé- dération Nationale des Professionnels de la filière Cola de Côte d’Ivoire) qui regroupe des organisations telles que l’Association Professionnelle des Producteurs et Exportateurs de la noix de Cola en Côte d’Ivoire (APPEXCO-CI), l’Association Nationale des Planteurs, Producteurs et Magasiniers de Cola de Côte d’Ivoire (ANAPPROMACOCI), l’Association Nationale des Producteurs, Acheteurs et Assimilés de la Cola de Côte d’Ivoire (ANAPROACOCI), l’Association Nationale des Planteurs, Producteurs, Importateurs et Exportateurs de colas de Côte d’Ivoire, l’ANAPPIEXCOCI.
- LES CONTRAINTES ET LES FAIBLESSES
En dépit de son importance socio- économique, la production de cola en Côte d’Ivoire est confrontée à plusieurs difficultés tant au niveau de la production, de la commercialisation que de la qualité dont : – l’absence d’encadrement et d’assistance technique des producteurs (Aloko-N’Guessan J., 2000 ; Berté K. 2009) – le vieillissement du verger – la disparition progressive de la forêt, réservoir d’arbres sylvestres – la substitution des plantations de colatiers par des plantations d’hévéa et de palmier à huile – l’absence de matériel végétal amé- lioré – l’insuffisance de semences et plants – les fréquentes attaques des pieds de colatiers par le loranthus et autres parasites, qui font peser des menaces sur la durabilité de la production de la noix de cola en Côte d’Ivoire (Aloko-N’Guessan J., 2000) – l’absence de norme de qualité formelle établie – le faible prix d’achat aux producteurs – la faible utilisation industrielle de la cola en Côte d’Ivoire – la méconnaissance des techniques de récolte – la méconnaissance des techniques post-récolte.
- PERSPECTIVES
Bien qu’étant une filière encore marginale, la Filière Cola est une filière d’avenir qui demande peu d’efforts pour la production. Cependant, la collecte, le traitement, le transport, le conditionnement et la gestion commerciale de la cola posent d’énormes problèmes aux acteurs; certes, ceuxci ont acquis une relative maîtrise de ce processus, mais des contraintes et des insuffisances freinent le fonctionnement optimum de cette filière. Pour ce faire, quelques axes straté- giques de développement peuvent être identifiés pour son émergence (Kama, 2009, CNRA , 2012, Aloko, 2000). Ainsi, la mise en place d’une interprofession forte est un élément catalyseur afin de pouvoir mener des actions constructives en direction des acteurs de la filière. En outre, l’accent devra être mis sur la recherche par la mise en place d’itinéraires techniques performants et de semences sélectionnées en quantité et en qualité pour les producteurs à l’effet de maitriser la production et faciliter la commercialisation de la production, la réduction des pertes post récolte et l’amélioration de la conservation et du stockage des productions.