L’Iran se prépare à renforcer sa capacité d’enrichissement de l’uranium. Cette décision découle du retrait des États-Unis de l’accord sur le nucléaire (Plan d’action global commun ou JPCOA). Les Iraniens ont commencé à adapter l’infrastructure pour installer des centrifugeuses avancées dans leur centrale de Natanz. Ils prévoient aussi de sécuriser le combustible nucléaire de la centrale de Bushehr. L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) de l’ONU, a été informée de leur intention de pousser l’enrichissement dans les limites de l’accord de 2015, conclu avec les puissances mondiales.
Ces préparatifs montrent que l’Iran ne se conformera pas au JPCOA s’il est annulé. Téhéran veut que les banques européennes prennent le risque de protéger les affaires en Iran. Les ventes de pétrole doivent être garanties et les pertes dues aux sanctions doivent être compensées par Bruxelles. La demande de nouvelles négociations incluant le programme de missiles balistiques et la politique régionale, doit être abandonnée, car ces questions n’ont rien à voir avec le JPCOA.
L’Union européenne s’efforce de maintenir l’accord, mais il est improbable que des entreprises privées puissent être incitées à travailler avec Téhéran, si elles risquent des mesures punitives de la part des États-Unis. Peugeot, Total et l’Italien Danieli ont déjà abandonné ou s’apprêtent à rompre leurs liens avec l’Iran.
En fait, les chances que les Européens puissent protéger leurs entreprises travaillant en Iran des sanctions, sont, au mieux, minces. Puisqu’il en est ainsi, l’Iran n’a aucune raison de se conformer à l’accord. Pourquoi le devrait-il ? Ce n’est pas l’Iran qui l’a déchiré. S’il n’est plus valide, pourquoi Téhéran devrait-il respecter sa part du marché ? Certes, officiellement l’accord est toujours en vigueur. Les Iraniens ont fait savoir que l’enrichissement se ferait dans les limites convenues, mais les États-Unis et Israël prétendront sans doute que c’est faux. Washington et Jérusalem feront un tollé sur l’enrichissement annoncé, et le qualifier de violation du JPCOA, que les limites stipulées dans l’accord soient ou non dépassées. Ils citeront des « sources de renseignement » ou inventeront quelques mensonges pour justifier leurs dires, sans tenir compte de l’avis de l’AIEA.
Le problème est que la décision des États-Unis de se retirer de l’accord ne faisait pas partie d’une politique bien définie, il n’y avait pas de plan B. L’espoir de renégocier le JCPOA était utopique dès le début. Un accord est un accord. L’Iran l’a respecté. Les autres questions controversées, comme les missiles balistiques, auraient pu faire l’objet de discussions à part. Sinon, il est toujours préférable de maintenir le JPCOA en vigueur, pour s’assurer qu’il n’y aura pas d’ogives nucléaires installées sur les vecteurs de livraison. Mais Washington a choisi la langue des ultimatums pour tout gâcher.
En avril, le président Trump a menacé l’Iran de « gros problèmes » s’il relançait le programme nucléaire. Des systèmes de défense antiaérienne Bavar-373 iraniens ont déjà été déployés pour protéger l’infrastructure connexe. Fin mai, le commandant général de l’armée de l’air israélienne, le général de division Amikam Norkin, a fait savoir qu’Israël est le premier pays du monde a avoir effectué une mission opérationnelle avec le chasseur furtif F-35 qui a survolé Beyrouth sans être détecté. En mars, ni vus, ni connus, deux F-35 israéliens auraient survolé l’espace aérien iranien. Il s’agissait là d’un avertissement clair pour l’Iran : La reprise du programme nucléaire sera réprimée par la force.
En 2012, Israël était prêt à attaquer mais a été retenu par les États-Unis. Avec la position dure du président Trump sur l’Iran, cela pourrait être différent ce coup-ci. Il se pourrait que les États-Unis trouvent cette idée fort tentante, avant le sommet du 12 juin avec le dirigeant nord-coréen à Singapour.
En fait, la guerre entre Israël et l’Iran est déjà en cours, puisque l’aviation des Israéliens attaque régulièrement ce qu’ils prétendent être des forces iraniennes en Syrie. Le conflit armé est rendu plus probable avec le récent succès du Hezbollah pro-iranien au Liban. Ce conflit est pratiquement inéluctable à cause du différend maritime non réglé sur les gisements de gaz naturel en Méditerranée, car la manne qu’en récoltera le gouvernement libanais enrichira inévitablement le Hezbollah. Pour Israël, les attaques du Hamas à Gaza sont aussi un conflit attisé par l’Iran. Il est frappant de voir qu’Israël a changé de ton en exigeant le retrait complet des Iraniens de Syrie, au lieu de simplement leur éloignement des hauteurs du Golan.
D’après des informations non confirmées, l’armée étasunienne aménage un avant-poste dans les montagnes du Sinjar, dans la province de Ninawa. Ils sécuriseraient la frontière entre la Syrie et l’Irak pour empêcher l’Iran d’établir un corridor terrestre reliant la frontière occidentale de l’Iran à la Méditerranée. Si cette information est vraie, les États-Unis préparent manifestement une opération militaire. Ils n’auront pas l’OTAN à leurs côtés. Les États-Unis et Israël seront seuls. Ils pourront être appuyés directement ou indirectement par certaines nations arabes sunnites.
Ainsi, la menace des Saoudiens d’user de force contre le Qatar, montre que plusieurs nations préparent la guerre contre l’Iran. L’accord d’achat de systèmes de défense antiaériens russes S-400 sert de prétexte, mais il est dur de comprendre comment des armes de défense pourraient constituer une menace pour le royaume. Riyad est en pourparlers avec Moscou sur l’achat de ces systèmes, pourquoi Doha ne ferait-il pas pareil ? La vraie raison est probablement le refus du Qatar de rompre ses liens avec l’Iran.
Des signes très inquiétants montrent l’imminence d’une guerre conduite par Israël, les États-Unis et probablement leurs alliés du Golfe persique. Les tensions pourraient être atténuées en donnant sa chance à la diplomatie, mais il apparaît que le retrait unilatéral des États-Unis du JPCOA fait de ce scénario une éventualité très improbable.
Strategic Culture Foundation, Peter Korzun