Pour la toute première fois, les superficies plantées en cultures biotechnologiques, notamment en organismes génétiquement modifiés (OGM), ont diminué en 2015, selon un rapport de l’International Service for the Acquisition of Agri-biotech Applications (ISAA) publié hier. Mais cette baisse serait essentiellement le fait d’une réduction globale des superficies agricoles, toutes cultures confondues, suite à la chute quasi générale des cours sur le marché mondial l’année dernière, estime l’association.
Rappelons que, selon l’ISAA, les cultures biotech sont génétiquement modifiées afin de résister aux insectes ou maladies, aux sécheresses ou encore aux désherbants comme le glyphosate, l’ingrédient actif de l’herbicide la plus vendue au monde, le Roundup de Monsanto, permettant ainsi leur usage.
Ainsi, 179,7 millions d’hectares (Mha) en cultures biotech (maïs, coton, soja, colza, entre autres) ont été recensés l’année dernière par l’ONG contre 181,5 Mha en 2014. C’est la première baisse enregistrée en deux décennies, soit depuis l’apparition des OGM.
Les superficies cultivées en biotech n’ont pas progressé, voire ont même baissé, dans 8 des 10 principaux pays ayant recours à ces cultures avec, en tête de ligne, les Etats-Unis où une chute de 2,2 Mha a été enregistrée par l’ISAA. En Chine, ces cultures ont été ensemencées sur 3,7 Mha, en baisse de 0,2 Mha sur 2014, essentiellement dans le coton. A noter que, malgré la forte hausse de la consommation chinoise en céréales et oléagineux, la culture du maïs et du soja biotech est interdite en Chine. Une réglementation qui pourrait évoluer, selon certains analystes, suite à l’accord de rachat en février dernier du suisse Syngenta par la société étatique ChemChina.
En revanche, les superficies ont augmenté au Brésil (+2 Mha) et en Argentine (+0,2 Mha), les seuls deux pays enregistrant une hausse parmi les 10 premiers pays au niveau mondial ayant recours aux biotech.
Rupture de tendance ?
2015 est-elle l’amorce d’une tendance lourde ou une simple parenthèse dans la progression année après année des biotech? Difficiles à dire. L’Union européenne (UE) hésite quant à l’usage ou non du glysophate, le principal élément actif du fameux Roundup, classé “cancérogène probable” en mars 2015 par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé. Hier, les eurodéputés ont opté pour une position plutôt molle, renouvelant l’autorisation d’utiliser le glysophate pour une durée de 7 au lieu des 15 ans que proposait la Commission, et limitant son utilisation exclusivement à l’agriculture. Le Parlement a demandé à ce que soit interdit son usage par les particuliers et les collectivités. Une prise de position par les parlementaires qui est importante car si elle est juridiquement non contraignante, c’est la première fois qu’ils se saisissent d’un dossier d’autorisation de mise sur le marché d’un produit phytosanitaire, souligne le Monde.
Aux Etats-Unis, le mois dernier, le Sénat a bloqué la loi Biotech Labelling Solutions et ce, malgré le puissant lobbying des agro-industriels. Le Biotech Labelling Solutions Act entendait interdire aux Etats d’obliger les agroindustriels à préciser sur l’étiquetage de leurs produits le recours à des produits OGM. Une telle loi devrait entrer en vigueur au Vermont le 1er juillet prochain. Le Connecticut et le Maine ont également de telles législations sous le coude. Au total, des projets de loi dans ce sens existent dans 31 des 50 Etats que comptent els Etats–Unis.
En Afrique, le Burkina Faso a décidé hier en Conseil des ministres de réduire graduellement mais significativement les superficies emblavées en coton génétiquement modifié au profit du coton conventionnel Bt car il aurait “dégradé” la longueur de la soie issue de l’égrainage du coton Bt et “ne répond plus aux besoins du marché” (lire nos informations). Ceci est considérér comme étant à l’origine de la perte du « label coton burkinabè » sur le marché mondial de la fibre et des difficultés financières de toute la filière (lire nos informations).
En Indonésie, il a été fait appel d’une récente décision de la Cour suprême sur les cultures GM, alors que le pays est sur le point d’autoriser une canne à sucre tolérante à la sécheresse.
Enfin, un groupe russe, mené par l’institut de recherche Sysin de l’écologie humaine et santé environnementale (ministère russe de la Santé) a annoncé mardi à Londres lancer en 2017 une étude “Facteur OGM” sur les effets sanitaires des aliments génétiquement modifiés à long terme et les pesticides associés. Ce serait “une étude sans précédent” sur 3 ans coûtant € 20,4 millions et portant sur des milliers de rats nourris au maïs de Monsanto cultivé avec glyphosate.
Les pays en développement en tête de liste des OGM
Ceci dit, faisant le point sur les 20 dernières années, ISAAA note l’extraordinaire développement de l’utilisation des produits biotech, les superficies passant de 1,7 Mha en 1996 à 179,7 Mha en 2015. En 2015, et pour la 4ème année consécutive, les pays en développement ont planté davantage de superficies en OGM que les pays développés ; actuellement, 54% des superficies mondiale se trouvent en Amérique latine, Asie et Afrique. Le coton figure en bonne place, notamment en Chine et en Inde. L’Inde qui est aujourd’hui le plus important pays cotonnier biotech au monde avec 11,6 Mha plantés en 2015 par 7,7 millions de cotonculteurs. En 2014 et 2015, 95% du coton indien était planté en semences biotech. En Chine, ce taux est de 96%…
En Afrique, 3,5 Mha sont cultivés en OGM. De ce total, l’Afrique du Sud compte 2,3 Mha, le Burkina Faso 350 000 ha et le Soudan 120 000 ha quasi-exclusivement en coton Bt. Huit pays, dont le Ghana, leBurkina Faso et le Nigeria en Afrique de l’Ouest, ont lancé l’année dernière des études sur les biotechnologies en matière notamment de banane, de manioc, de sorgho, de maïs, de niébé, de riz, de pomme de terre, de patate douce.
avec commodafrica