La faiblesse de la monnaie européenne rend bien heureuses quelques grosses entreprises. Mais pour la majorité des autres agents économiques, les pertes effacent les gains.
“Réjouissons-nous de la baisse de l’euro”, martelaitJean-Michel Six, chef économiste de Standard & Poor’sil y a un peu moins d’un an, de concert avec nombre d’analystes. La perte de valeur de la monnaie communautaire est considérée comme bénéfique à l’économie parce qu’elle profite -beaucoup- à quelques entreprises, certes peu nombreuses, mais très grosses et donc très visibles. En contrepartie, elle pénalise tous les autres agents économiques. Et d’une manière pas aussi indolore qu’il n’y paraît.
Bien sûr, les effets positifs existent. L’impact de la baisse des euros est sans ambiguïté positif pour les exportations françaises de biens et services. Quand l’euro baisse de 10% face aux grandes monnaies, la zone monétaire gagne 7 à 8% de hausse de ses ventes en dehors de la zone euro dans l’aéronautique, l’automobile, les appareils électriques, l’agro-alimentaire, le luxe et les machines-outils. En somme, tous les secteurs qui fabriquent en euros et vendent en dollars.
Un groupe comme Airbus gagne 1 milliard quand l’euro perd 10 centimes face à la monnaie américaine. Quand l’euro baisse de 1 centime par rapport au dollar, le chiffre d’affaires grimpe de 0,57 % en base annuelle. Et ce, sans charge supplémentaire, ce qui gonfle la marge de 2 millions d’euros, se plaît à rappeler la direction du géant européen de l’aéronautique.
Les Américains viennent, les Européens restent
Le bilan est positif aussi pour la balance commerciale: les exportations françaises ont progressé plus vite que le commerce mondial depuis que l’euro a faibli. Le tourisme aussi, puisque plus d’Américains viennent profiter de leur dollar fort en France et dans les autres pays de la zone euro. De même que plus d’Européens choisissent de rester au sein de l’Union pour leurs vacances. Un secteur qui génère quand même 7,5% du PIB français.
Considérant l’ensemble biens et services, 10% de baisse de l’euro face à toutes les monnaies équivaut à 0,75 point de PIB en plus. Mais les effets négatifs annihilent ce gain. Par exemple, sur le prix des importations, l’impact est automatiquement négatif. Hors énergie, la valeur de nos importations est passée de 19 à 20% du PIB. Soit un coût d’un point de PIB en plus, qui efface le gain en importation d’énergie (lié au pétrole peu cher) également d’un point de PIB.
Les vêtements sont plus chers
Or le volume des importations ne baisse pas car on ne trouve aucun substitut aux marchandises produites dans les pays où la main d”oeuvre est peu chère. Les 25 grands produits de consommation les plus achetés par les Français ne sont pour ainsi dire plus fabriqués dans l’Hexagone. Plus aucun équipement électroménager ou d’électronique grand public, d’informatique, de téléphonie mobile, aucun meuble non plus et de moins en moins de voitures.
Résultat: pour le consommateur, l’euro faible se traduit en un coup de rabot sur leur pouvoir d’achat. Il suffit pour s’en convaincre de regarder ce qui se passe dans les grandes enseignes de textile. Kiabi et Zara ont annoncé une hausse de 5% de leurs prix en 2016, car la baisse de l’euro augmente leurs coûts d’approvisionnement en Asie.
La faiblesse de la monnaie unique atténue aussi les gains que pourrait tirer l’automobiliste de la baisse des prix du pétrole. Si l’euro était resté stable, les ménages auraient bénéficié de 6 à 7 milliards d’euros de pouvoir d’achat supplémentaire.
Un impact positif sur l’export à relativiser
Par ailleurs, une grande partie des échanges entre la France et ses grands partenaires commerciaux passent par le biais de filiales. C’est le cas de 70% de l’import-export vers et depuis les États-Unis par exemple, selon Ubifrance. Parfois les produits sont seulement assemblés par des prestataires étrangers, parfois complètements fabriqués par eux. L’impact positif de la baisse de l’euro sur les exportations se relativise alors d’autant. Et pour noircir encore le tableau, l’euro faible freine les investissements des sociétés françaises à l’étranger.
Au final, le gain net pour l’économie française de cette dévaluation rampante de l’euro est quasiment nul. D’autant que la baisse de l’euro n’est en aucune manière la solution aux problèmes de compétitivité et d’emploi de l’économie française. Des problèmes auxquels ne sont pas confrontés nos voisins, qui partagent pourtant la même monnaie. Nos difficultés viennent principalement de blocages domestiques, tels qu’un manque de concurrence, un marché du travail trop rigide, sur lesquels la valeur de l’euro n’a pas d’effet
avec bfmbusiness