Le 25 octobre, les Ivoiriens se rendront aux urnes pour la première élection présidentielle depuis novembre 2010.
À l’époque, le refus du président Laurent Gbagbo de céder le pouvoir à l’actuel président Alassane Ouattara a déclenché un conflit de cinq mois au cours duquel les deux parties ont commis d’innombrables atrocités à l’encontre de civils. L’élection à venir sera un test important de la capacité de la Côte d’Ivoire, qui souffre de longue date de violences électorales, d’organiser des élections pacifiques et démocratiques.
Une nouvelle vague d’atrocités comme celles perpétrées lors de la crise postélectorale de 2010-2011, lors de laquelle plus de 3 000 civils ont été tués et 150 femmes violées, est peu probable. Cependant, depuis le mois de mai, des affrontements de rue intermittents entre partisans du gouvernement et de l’opposition – et en particulier des sympathisants de Gbagbo – ont fait au moins trois morts et des dizaines de blessés. Les forces de sécurité ont tiré des bombes lacrymogènes pour disperser des manifestants de l’opposition qui protestaient contre la manière dont le gouvernement organisait les élections, mais elles ont dans certains cas omis d’intervenir pour séparer les partisans du gouvernement et de l’opposition, et d’empêcher ainsi la violence.
Les autorités ont arrêté des dizaines de dirigeants et de partisans de l’opposition en raison de leur rôle dans les manifestations, suscitant les critiques d’organisations de défense des droits humains tant ivoiriennes qu’internationales. Plusieurs dirigeants de l’opposition qui auraient été à l’origine de manifestations « non autorisées », dont certaines ont donné lieu à des actes de violence, ont été détenus dans des lieux non autorisés et sans possibilité d’obtenir une assistance juridique.
Minimiser la violence
Au cours des prochaines semaines, le gouvernement et les dirigeants de l’opposition devraient se concentrer sur quatre points pour minimiser la violence et respecter les droits de tous les manifestants en toute impartialité :
Premièrement, les juges ivoiriens devraient immédiatement réexaminer les motifs d’arrestation et de placement en détention de dirigeants de l’opposition. Ils devraient libérer tous les détenus, sauf si les autorités ivoiriennes ont démontré le fondement juridique et la nécessité de la détention. Si le droit ivoirien exige des manifestants qu’ils notifient les autorités de leur intention de manifester, exigence pouvant être considérée comme raisonnable, le fait de contraindre les manifestants à obtenir à l’avance la permission des autorités est susceptible de constituer une atteinte au droit international relatif aux droits humains. Toute personne arrêtée à l’avenir devrait rapidement comparaître devant un juge afin que la légalité et la nécessité de sa détention puissent être examinées.
Deuxièmement, le gouvernement devrait s’assurer que tous les groupes de l’opposition, y compris les sympathisants de l’ancien président Gbagbo, puissent exercer leur droit à la liberté de réunion. En vertu du droit international, les restrictions à la liberté de réunion ne sont justifiées que lorsqu’elles sont absolument nécessaires, de sorte que la restriction soit proportionnelle au risque. Avant d’arrêter des manifestants et de disperser des manifestations – même celles qui n’étaient pas prévues ou se sont déclenchées de manière spontanée – le gouvernement devrait envisager des solutions alternatives, par exemple le déploiement de policiers et de gendarmes pour protéger les manifestants de tous bords.
Tous les partis politiques devraient demander publiquement à leurs partisans de s’abstenir de toute violence et de coopérer pleinement aux éventuelles enquêtes sur un tel délit
Troisièmement, les représentants du gouvernement, les partis politiques progouvernementaux et les dirigeants de l’opposition devraient collaborer étroitement avant les manifestations afin de débattre des dispositions acceptables pouvant être mises en œuvre pour assurer la sécurité des événements, y compris l’identification des itinéraires que les manifestations devront emprunter. Plusieurs manifestations pacifiques de l’opposition ont eu lieu à Abidjan avec l’accord du gouvernement et de l’opposition quant à leur lieu et à leur itinéraire. Des stratégies similaires devraient être employées pour les manifestations en dehors d’Abidjan, y compris dans les zones où les partisans de Gbagbo sont très nombreux.
Enfin, tous les partis politiques devraient demander publiquement à leurs partisans de s’abstenir de toute violence et de coopérer pleinement aux éventuelles enquêtes sur un tel délit.
Dernière campagne présidentielle de Ouattara
Il est peu probable que les élections d’octobre provoquent une violence à grande échelle, mais cela ne veut pas dire pour autant qu’elles constituent une réussite en termes de stabilité future du pays et de respect des droits humains.
Qu’il gagne ou qu’il perde, il s’agira de la dernière campagne présidentielle du président Ouattara. Nombre d’observateurs s’intéressent d’ores et déjà à l’élection présidentielle de 2020, qui verra de nouveaux dirigeants politiques s’affronter pour le pouvoir, considérant que celle-ci sera un véritable test de la sécurité du pays à long terme.
En se penchant dès maintenant sur ces problématiques, les dirigeants actuels de la Côte d’Ivoire – au sein du gouvernement comme de l’opposition – ont la possibilité de montrer aux générations futures que les élections peuvent et doivent être menées dans le respect des droits humains.
Avec JeuneAfrique