Le marché du café génère 200 milliards de dollars de chiffre d’affaires annuel dans le monde et les producteurs n’en perçoivent que 10%. La Colombie voudrait s’allier avec d’autres pays producteurs de café pour créer sa propre place de marché et en tirer le meilleur prix.
Le café de Colombie est réputé le meilleur du monde, mais cette renommée ne garantit pas aux producteurs d’en obtenir le meilleur prix. Et ces derniers sont résolus à ce que cela change. “Nous voulons vendre notre café à un prix équitable, qui couvre les coûts de production et dégage un profit raisonnable”, explique José Sierra, le directeur de la Fédération nationale des producteurs de café (FNC). Dans le secteur depuis un quart de siècle, ce professionnel assure n’avoir “jamais vu une situation aussi dramatique”. “On nous paye 640.000 pesos (204 euros) pour chaque lot de 125 kg, et les coûts de production nous reviennent à 790.000 pesos (251 dollars)”, soit un manque à gagner équivalent à une cinquantaine d’euros, explique-t-il.
Comme pour d’autres matières premières ou produits agricoles, l’achat du café se fait par des contrats à termes, censés protéger l’acheteur et le vendeur des fluctuations des cours. Mais le précieux grain fait aussi l’objet de spéculations.
Un prix de référence tombé à moins d’un dollar
“Les spéculateurs boursiers qui achètent des titres du café (…) les revendent au moment où cela leur paraît opportun, et font chuter le cours. C’est pourquoi nous ne voulons plus utiliser le prix fixé sur la place de New York comme référence”, explique José Sierra.
La Colombie est, après le Brésil et le Vietnam, le troisième plus grand producteur de café au monde. Les Colombiens sont même les premiers pour le café doux, considéré comme de meilleure qualité. Le prix de référence est passé de 1,5 dollars la livre de café en 2016 à moins d’un dollar en février 2019. Les producteurs locaux reçoivent bien une prime jusqu’à 20 cents supplémentaires pour la qualité de leur café, mais cela ne suffit pas.
L’importance de l’offre mondiale est aussi responsable de la chute des cours. Selon l’Organisation internationale du Café (OIC), la récolte de 2018/2019 devrait s’établir à 167,47 millions de sacs, soit plus que la consommation mondiale estimée à 165,18 millions de sacs.
Le prix actuel est ainsi en-dessous de celui de 1983 qui avoisinait les 1,4 dollar, rappelle Fernando Morales-De La Cruz, de l’organisation Café for Change, une entreprise de commercialisation qui aide les caféiculteurs des régions pauvres. Il rappelle qu’avec une livre de café vert, il est possible d’obtenir 55 tasses de café. “Le consommateur paye de 1 à 3 dollars, selon les pays, pour une tasse de café, pendant que le producteur sacrifie la valeur de sa terre”, estime-t-il.
Selon la FNC, le marché du café génère chaque année environ 200 milliards de dollars de chiffre d’affaires dans le monde et les producteurs n’en perçoivent que 10%. Elle propose que la Colombie s’allie avec d’autres pays producteurs de café doux, en Amérique centrale et en Afrique, pour se détacher de la place new-yorkaise, d’autant que la qualité de leur production donne aux caféiculteurs de ces pays une marge de négociation.
Trois millions de personnes financièrement concernées
Pour cela, il faut que les producteurs colombiens donnent leur accord sur une telle proposition. Une fois acceptée, elle pourrait être proposée fin mars au Kenya, à l’occasion de la réunion de l’OIC. Puis en juillet, à une réunion de producteurs au Brésil.
En Colombie, plus de 540.000 familles travaillent dans la production de café et les revenus de trois millions de personnes dépendent de ce secteur. Le café est l’un des principaux produits d’exportation du pays, après le pétrole et les minerais. Le gouvernement a bien annoncé un plan d’aide, qui comprend notamment des subventions pour l’achat d’engrais et le renouvellement des plantations, ainsi que la réactivation d’un fonds d’appui.
Mais pour les producteurs, ces efforts sont insuffisants. “Il faut payer aux caféiculteurs plus du triple du prix actuel”, insiste Fernando Morales-De La Cruz, de Café For Change. Il faudrait, selon lui, que les pays producteurs de café s’organisent à l’image de l’Organisation des pays producteurs de pétrole (OPEP) afin de fixer les prix et de coordonner la production.
Avec AFP