L’histoire est emplie de vilains vizirs qui rêvaient d’être « calife à la place du calife ». Car dans l’impitoyable monde de la politique, les élèves veulent toujours dépasser leur maître, quitte à le trahir… ou à le tuer.
Années d’apprentissage : Le petit Nicolas a à peine 20 ans quand il rencontre pour la première fois l’impressionnant Jacques Chirac, alors Premier ministre de Valéry Giscard d’Estaing. Très rapidement, le jeune étudiant en droit – au profil de héros balzacien – s’introduit dans le clan chiraquien. Déjà ivre d’ambitions politiques, Nicolas Sarkozy sait se faire une place au soleil. Et dès 1980, il s’impose à la tête du comité de soutien des jeunes à la candidature de Jacques Chirac à la présidentielle de 1981. Son opiniâtreté le porte à la marie de Neuilly-sur-Seine où il devient, en 1983,le plus jeune édile de France. Mais l’intimité entre Sarkozy et son mentor ne se limite pas au seul cercle politique. Le jeune homme prometteur est régulièrement invité à dîner chez les Chirac, où Bernardette – l’épouse du futur président – le reçoit toujours avec plaisir.
Premières trahisons : En 1994, Jacques Chirac ne manque pas d’être étonné quand celui qu’il considérait alors comme son protégé se rallie à Edouard Balladur pour les prochaines présidentielles. D’un naturel plutôt opportuniste, Nicolas Sarkozy pensait alors avoir misé sur le bon cheval, puisque celui-ci courait déjà en tête des sondages depuis plusieurs mois. Mais le scénario espéré prend une autre tournure : Balladur n’accède même pas au second tour du scrutin, alors que Chirac, lui, l’emporte. Installé à l’Elysée, ce dernier n’oublie pas la récente trahison : il fait en sorte que Nicolas Sarkozy devienne le pestiféré du RPR et le contraint même à démissionner de la présidence du parti
Puisqu’il apprend de ses erreurs, en 2002, Sarkozy soutient publiquement (voire ostentatoirement) Chirac qui compte reconduire son mandat… ce qu’il fera. Sans oublier les rancœurs passées, Chirac décide de laisser une seconde chance à son ancien protégé. Il le nomme à l’Économie puis à l’Intérieur mais ne lui cède pas Matignon. Pendant tout son second mandat, le président se fait voler la vedette par ce ministre omniprésent. Il tente souvent de le recadrer et se permet même parfois quelques piques acerbes à son sujet : « il faut marcher sur Sarkozy du pied gauche, cela porte bonheur… », glissait-il (dit-on) à ses invités
Alors, quand Sarkozy se présente, à son tour, pour briguer la plus haute fonction en 2007, Chirac le soutient « officiellement », certes, mais du bout des lèvres… C’est surtout Bernadette qui ne manque jamais de traduire son attachement sincère – aussi bien en publique qu’en privé – à celui qu’elle a vu grandir. Et quand le candidat Sarkozy l’emporte face à Ségolène Royal, Chirac ne peut pas vraiment cacher sa déception. Sur le perron de l’Elysée – lors de la traditionnelle passation de pouvoirs –il sert chaleureusement la main à son successeur mais n’en pense pas moins… Prêt à monter dans sa voiture aux vitres teintées, Chirac aurait suggéré à Sarkozy de ne surtout pas prendre Bernard Kouchner dans le gouvernement. Un dernier conseil qu’il ne prendra pas en compte puisqu’il placera Kouchner aux Affaires Étrangères. En 2012 , contre l’avis de son camp, Chirac affirme publiquement qu’il préfère voter pourFrançois Hollande, candidat de la gauche, plutôt que de donner sa voix à celui qu’il semble définitivement considérer comme un usurpateur.
Avec vanityfair