Développer un test universel de dépistage du cancer à la fois simple, rapide et peu coûteux est un rêve qui améliorerait la prévention de cette maladie. Grâce à une équipe de chercheurs américains de l’Université Johns Hopkins à Baltimore, ce rêve se rapproche de plus en plus de la réalité.
Un texte de Renaud Manuguerra-Gagné
Personne ne souhaite recevoir un diagnostic de cancer, mais malheureusement, un Canadien sur deux souffrira de la maladie, et un sur quatre en mourra.
Même s’il existe des types de cancers héréditaires, qui permettent un suivi relativement tôt, ou d’autres pour lesquels on offre déjà des tests de dépistage, le cancer n’est trop souvent découvert qu’au moment de l’apparition de premiers symptômes.
Pourtant, dans une bonne partie des cas, la maladie prend plusieurs années à se développer. Donc, plus on la détecte à des stades précoces, plus on augmente les chances de sauver des vies.
C’est la raison pour laquelle la découverte d’une équipe de chercheurs américains, publiée dans la revue Science, suscite autant d’espoir. Leur test, appelé CancerSEEK, réussit à détecter correctement un cancer dans environ 70 % des cas.
Désamorcer la bombe
Détecter une tumeur de quelques millimètres, lorsqu’on n’a pas le moindre indice de sa présence, n’est pas une mince affaire. Cependant, même à ses débuts, chaque cancer possède des mutations qui lui sont propres. Lorsqu’une cellule tumorale meurt, ses débris, formés de protéines mutées ou de morceaux d’ADN, vont se retrouver dans la circulation sanguine pendant un certain temps.
Ce sont ces fragments que les scientifiques essaient de trouver. En faisant une prise de sang, il est possible de détecter ces protéines ou cet ADN et de confirmer ainsi la présence d’un cancer.
Bien qu’en apparence simple, cette détection ne se fait pas sans embûches. Jusqu’à maintenant, bien des chercheurs ont travaillé sur des prises de sang pour trouver des signes non spécifiques d’un cancer ou pour détecter les risques d’une rechute et vérifier si un traitement en cours fonctionne.
Cependant, ces tests ne permettent pas d’identifier spécifiquement quel cancer se cache dans le corps, ou alors, les médecins doivent déjà connaître les caractéristiques de la maladie pour laquelle on craint une rechute. Détecter un cancer à ses débuts, quand des centaines de mutations sont possibles, est beaucoup plus difficile.
Pour éviter un test trop complexe, les chercheurs se sont concentrés sur 16 gènes souvent impliqués dans la progression des tumeurs ainsi que sur huit protéines caractéristiques de certains types de cancer. Le résultat est un test qui réussit à détecter correctement la maladie dans environ 70 % des cas pour huit types de cancers communs, et ce, avec moins de 1 % de faux positifs.
Ce taux de réussite est une moyenne, dont l’efficacité varie entre 98 % et 33 %. Le cancer le mieux détecté est celui de l’ovaire, suivi des cancers du foie, de l’estomac, du pancréas et de l’œsophage, des cancers pour lesquels il n’existe aucun test de dépistage à l’heure actuelle. Il évalue aussi la présence des cancers des poumons et du sein.
Cette méthode ravive l’espoir de repérer des tumeurs alors qu’elles sont facilement traitables, longtemps avant de premières métastases. L’équipe estime aussi que le coût d’un futur test serait de moins de 500 $ par échantillon.
Encore du chemin à faire
Jusqu’à maintenant, le test n’a été évalué que sur des personnes chez qui on avait déjà diagnostiqué un cancer. Il reste beaucoup d’améliorations à y apporter pour l’appliquer sur des populations hospitalisées, chez lesquelles on peut retrouver plusieurs problèmes de santé en même temps.
De plus, un tel test soulève aussi les craintes de surtraitement, car il n’indique en rien la vitesse à laquelle une tumeur va progresser ou si, au contraire, elle restera inchangée.
La situation peut rappeler ce qui se passe dans le cas du cancer de la prostate, où de plus en plus de chercheurs mettent en doute l’utilité du dépistage de routine, qui ne change pas la mortalité à long terme, mais pour lequel les traitements diminuent la qualité de vie des personnes atteintes.
Malgré tout, les avantages d’un tel test dépassent les craintes. L’équipe américaine s’est maintenant associée avec une organisation de santé en Pennsylvanie pour réaliser une étude de 50 millions de dollars sur cinq ans, au cours de laquelle on testera des échantillons sanguins de 50 000 femmes de 65 à 75 ans qui n’ont jamais eu le cancer.
Avec les années qui passent et les cancers qui apparaissent, il sera possible de confirmer à quel point le test est correctement prédictif.
Avec weforum