La publication, ce lundi à Bali, d’un “engagement mondial de la nouvelle économie des plastiques”, signé par 250 entreprises, gouvernements et organisation, n’est que le dernier des défis qui se multiplient pour les industriels du plastique. La semaine dernière en a enregistré encore deux : l’adoption par le Parlement européen d’un projet de directive européenne encadrant la commercialisation des produits jetables, et l’approbation par le Conseil constitutionnel français d’une extension de la liste des ustensiles en plastique interdits à compter du 1er janvier 2020.
Une dizaine de gouvernements dont la France et le Royaume-Uni, mais aussi des investisseurs, des recycleurs comme Veolia, et surtout un panel de sociétés représentant 20% des emballages en plastique mis sur le marché à travers le monde, telles que Danone, H&M, L’Oréal, PepsiCo, Coca-Cola et Unilever… Ce sont les 250 signataires de l'”engagement mondial de la nouvelle économie des plastiques” présenté ce lundi 29 octobre à Bali, à l’occasion de la conférence “Our Ocean” et à l’initiative de la fondation Ellen MacArthur comme de UN Environment.
Soutenu également par le WWF, le World Economic Forum, une quarantaine d’universités et centres de recherche ainsi que des institutions financières “ayant plus de 2,5 billions de dollars d’actifs sous gestion”, cet ‘”engagement mondial” implique l’adhésion de chaque signataire à un objectif général : celui de mettre en place progressivement une économie circulaire de ce matériau dont 8 millions de tonnes sont déversées chaque années dans les mers de la planète. Une ambition qui implique non seulement la mise sur le marché de plastique 100% recyclable, compostable, ou réutilisable avant 2025, ainsi qu’intégrant davantage de matière recyclée, mais également la réduction des objets à usage unique et l’“élimination des emballages en plastique problématiques ou non nécessaires”,à travers le développement de l’éco-conception et de “nouveaux modèles de livraison”, expliquent la fondation Ellen MacArthur et UN Environment.
Des objectifs revus tous les 18 mois
Parmi les exemples des promesses des entreprises, le 24 octobre, Unilever – qui s’est fixé comme objectif de n’utiliser que des emballages en plastique entièrement réutilisables, recyclables ou compostables d’ici 2025, et d’augmenter la teneur en plastique recyclé de ses emballages d’au moins 25% à cet horizon – a ainsi annoncé avoir conclu un partenariat avec Veolia. Les deux entreprises, qui pour l’instant ne détaillent pas d’actions concrètes, affirment vouloir travailler ensemble à la “mise en oeuvre de solutions de collecte d’emballages usagés, à l’augmentation de la capacité de recyclage et au développement de nouveaux process et modèles économiques”, notamment en Inde et en Indonésie, “clients importants d’Unilever“ particulièrement concernés par l’enjeu de gestion des déchets plastiques.
“Plus de 200 millions de dollars ont été promis par cinq fonds de capital risque” au soutien de la transition, ajoutent la fondation Ellen MacArthur et UN Environment, avant de préciser:
“Les objectifs seront revus tous les 18 mois, et deviendront de plus en plus ambitieux. Les entreprises qui signent l’engagement publieront des données annuelles sur leurs progrès afin de maintenir l’élan et garantir la transparence”.
Une pression des gouvernement comme des investisseurs
Cet “engagement mondial”, qui vise, in fine, une importante réduction du plastique vierge comme recyclé mis sur le marché, vient donc s’ajouter aux nombreuses pressions subies depuis quelques mois par les industriels de l’emballage, en raison de la prise de conscience par l’opinion publique du problème de la pollution marine. Les restrictions voire les interdictions portant sur la commercialisation d’objets jetables se multiplient en effet à travers le monde, y compris dans les pays émergents ou en voie de développement. Les gouvernements demandent aussi aux industriels davantage d’efforts en matière de recyclage et de matière recyclée : tout en pariant aussi sur leurs engagements volontaires, la France a par exemple annoncé la mise en place d’un système de bonus-malus privilégiant les produits fabriqués à partir de plastique recyclé dès 2019.
Les investisseurs s’y mettent aussi : en septembre, ce n’est rien de moins que le fonds souverain norvégien à s’être saisi de l’enjeu du plastique dans les mers, en enjoignant aux quelque 900 sociétés dans lesquelles il a investi de l’intégrer dans leurs stratégies. Quelques jours plus tard, la banque britannique HSBC publiait pour sa part une note où elle suggérait à Coca-Cola de revenir aux bouteilles réutilisables.
Pas d'”atteinte injustifiée à la liberté d’entreprendre”
Signe que le mouvement s’accélère, deux importants revers ont été essuyés par l’industrie de l’emballage en mois d’une semaine il y a quelques jours. Mercredi 24 octobre, le Parlement européen a adopté un projet de directive européenne visant à encadrer ou interdire la commercialisation d’une dizaine de produits en plastique à usage unique. Il a ainsi ouvert la voie à la négociation finale de la directive entre les Etats membres, la Commission européenne et le Parlement, en vue d’une adoption définitive prévue pour début 2019. Les eurodéputés ont même élargi la liste des produits en plastique interdits par rapport à la proposition initiale de la Commission européenne et supprimé la la référence à “la liberté de placer sur le marché des emballages”, souligne l’ONG Zero Waste.
Par ailleurs, jeudi 25 octobre, le Conseil constitutionnel français a pour sa part jugé conforme à la Constitution une disposition contestée par des sénateurs concernant la toute récente Loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous (loi “Egalim) : l’article 28, qui modifie le Code de l’environnement pour étendre la liste des ustensiles en matière plastique dont la mise à disposition sera interdite à compter du 1er janvier 2020. Le Conseil constitutionnel écarte notamment la critique d’“atteinte injustifiée à la liberté d’entreprendre”, en estimant que l’interdiction, limitée aux ustensiles en plastique à usage unique, et excluant les ustensiles jetables compostables et biosourcés, est justifiée par l’objectif poursuivi de protection de l’environnement et de la santé publique.
Tout en se plaignant de “plastic bashing” et en maintenant ses anciennes tactiques de lobbying et de contentieux juridique,l’industrie se voit ainsi contrainte aussi à changer de stratégie et à s’adapter. L'”engagement mondial” publié lundi compte d’ailleurs parmi ses signataires aussi des producteurs d’emballages comme Amcor, et une dizaines de producteurs de matière première vierge.
Avec la tribune