De nombreux experts pensent que la fin de la période d’une forte croissance africaine tirée par la Chine a été marquée par la chute des cours des matières premières et le ralentissement de l’économie chinoise.
Nous devons tirer des leçons de ce qui se passe. Sans la transformation structurelle, par le biais de l’industrialisation, il sera difficile à l’Afrique de maintenir sa croissance et de créer des emplois sur la base des seules matières premières.
Et, au-delà de l’industrialisation, nous devons diversifier notre base économique en nous appuyant sur des facteurs plus stables : la croissance démographique, l’augmentation de la population jeune, une classe moyenne émergente, l’urbanisation rapide, le développement des infrastructures, ainsi que l’expansion du commerce intra-africain.
Tout ce qui précède exige une agriculture moderne, des services concurrentiels à l’échelle mondiale, l’expansion de notre base manufacturière et de nos capacités de production dans tous les secteurs, des investissements dans notre capital humain, ainsi que des institutions fortes.
« État développementiste »
Les institutions sont la clé du changement qui permettrait de créer une Afrique solidaire, résiliente, compétitive et transformée. Par institution, je ne parle pas des seules structures organisationnelles, mais aussi des règles formelles (constitutions, lois, droits de propriété) et des normes informelles (coutumes, croyances, pratiques et codes de conduite) qui régissent les interactions politiques, sociales et économiques, façonnent les comportements, structurent l’élaboration et les décisions.
Au sein de la Commission économique des Nations unies pour l’Afrique (CEA), nous plaidons pour un « État développementiste ». Nous recommandons le retour à la planification, mais avec un gouvernement centré sur une société capable d’élaborer un plan de développement et de l’appliquer.
Les chercheurs ont depuis longtemps souligné que le climat tropical, l’enclavement, les risques environnementaux ou l’histoire du colonialisme entravent le développement durable du continent. Mais ces freins ont été surmontés dans de nombreux pays africains. Par exemple, malgré l’enclavement, l’Éthiopie et le Rwanda, disposant par ailleurs de peu de ressources naturelles, connaissent une croissance économique soutenue depuis plus de dix ans. Le secteur manufacturier, la consommation et les services, le développement des infrastructures et l’urbanisation rapide en sont les principaux moteurs.
L’Afrique a besoin d’une croissance inclusive qui profite à toutes les populations
Il reste toutefois de sérieux défis à relever. Une partie non négligeable de la population vit encore dans la pauvreté, en particulier en zone rurale et à la périphérie des centres urbains. Dans de nombreux pays du continent, les inégalités de revenus entraînent une détérioration de la cohésion sociale et parfois des conflits et de la violence.
Exploiter le potentiel de la jeunesse
L’Afrique a besoin d’une croissance inclusive qui profite à toutes les populations, qui lutte contre l’exclusion et offre à tous la possibilité d’une ascension sociale. Le changement que nous visons ne saurait être atteint par les gouvernements seuls, ni par les multinationales. Transformer nos sociétés exigera des visions largement partagées, où les voix de tous seront prises en compte. Il sera indispensable d’exploiter le potentiel de nos citoyens, et de donner des perspectives aux jeunes générations.
Nous devons également renforcer la cohésion politique et la coordination interministérielle.
Il est impérieux de reconnaître la nécessité d’une appropriation à la fois personnelle et collective ainsi que d’une prise de décision concertée. Il faut donc créer un espace politique de pensée transformatrice et des plateformes pour une participation efficace et créative des multiples parties prenantes dans la prise de décisions et la mise en œuvre des politiques. Nous devons également renforcer la cohésion politique et la coordination interministérielle.
Il n’existe pas suffisamment d’études de cas et d’expériences comparatives sur la transformation structurelle. Certains universitaires soutiennent qu’avec la mondialisation les succès enregistrés par les pays d’Asie de l’Est dans les années 1970 et 1980 ne sont pas pertinents pour les pays africains en développement. L’examen approfondi, par la CEA, des expériences nationales et sectorielles aboutit à des pistes, mais il n’existe pas de modèle universel. Chaque pays devra concevoir sa propre voie. À la CEA, nous voulons pousser à approfondir ce débat crucial sur la nécessaire transformation structurelle du continent.
Avec jeuneafrique