Alors que le Nigeria a tenté ces dernières années d’affronter à bras le corps le trafic illégal de l’or noir, ce puissant pays pétrolier reste en proie aux réseaux mafieux en Afrique de l’Ouest. Les derniers chiffres et enquêtes sur la situation font un appel à l’urgence, car les pertes annuelles se chiffrent en milliards de dollars.
Ce n’est certainement pas avec gaieté de cœur que la Nigerian National Petroleum Corporation (NNPC – la compagnie pétrolière nationale du Nigéria) a révélé au grand public ce week-end l’état des lieux de l’industrie pétrolière. Celle-ci a perdu près de 773 100 barils par jour au mois de mai, en raison d’un arrêt de la production au niveau de cinq terminaux (Yoho, Forcados, Qua Iboe, Bonga, Akpo). En cause : vol de pétrole et vandalisme des pipelines.
40 millions de dollars de pertes par jour
En considérant le prix international du Brent à 52 dollars, le pays a perdu environ 40 millions de dollars par jour. Une donne qui, considérée annuellement rappelle les chiffres avancés récemment lors de l’African Modular Refinery forum par le ministre du Pétrole du Nigeria, Ibe Kachikwu. D’après lui, le Nigéria a perdu environ 6 milliards de dollars suite au vandalisme d’infrastructures pétrolières et gazière au cours des cinq dernières années.
Selon la NNPC, cette « dure réalité » affecte de plus en plus sa performance, plombant la compétitivité de la compagnie nationale face à ses homologues privées (et souvent étrangères), surtout en ces temps où le cours de l’or noir piétine.
Vieille gangrène se veut persistante
Historiquement, le pétrole détourné au Nigeria sert, en grande partie, à alimenter le trafic illicite vers le Bénin et le Togo. En 2013, les chiffres officiels évoquent près de 150 000 barils d’or noir quotidiennement pillés (sur une production journalière actuelle d’environ 1,7 million de barils). Le phénomène avait pris une telle ampleur que les gouvernements des trois pays avaient fait montre d’une volonté ferme de l’endiguer.
Cependant, une enquête du journal nigérian Thisdaylive dévoilée ce mardi, révèle qu’outre les tenants du trafic, « certaines compagnies pétrolières opérant dans le pays » introduiraient dans leurs chaines d’approvisionnement le pétrole issu des circuits alimentés grâce à l’or noir volé au niveau des pipelines vandalisés. Et rien que cette pratique ferait perdre au Nigeria près de 1 milliard de dollars par an. L’enquête ne cite nommément aucune entreprise, mais ce n’est pas la première fois que l’implication d’entreprises dans le trafic illégal de pétrole est évoqué. En 2003, la NNPC alertait quant à la circulation de faux contrats pétroliers contenant les signatures falsifiées des autorités du pays dont le président de la République de l’époque, Olesegun Obasandjo.
Challenge
Dans sa démarche de lutte contre le détournement et la vente au noir de pétrole, le gouvernement via la NNPC a mis en lumière, la semaine dernière, de nouvelles manœuvres répandues au sein des réseaux mafieux pour délivrer des faux contrats aux entreprises.
« Certains d’entre eux vont même jusqu’à attirer leurs victimes dans les hôtels pour leur proposer ces contrats frauduleux de pétrole brut. Tout le public devrait savoir que la NNPC ne fait pas affaire avec le marché du pétrole brut dans les chambres d’hôtels », s’offusque le Directeur général en charge du marketing du pétrole brut chez NNPC, Mele Kyari, dans un communiqué rendu public le 27 août dernier. Et d’ajouter : « Il existe des normes très élevées que nous avons fixées et ceux qui ne les respectent pas, ne peuvent pas être nos clients. Et une fois qu’une entreprise devient notre client, nous signons avec elle un contrat annuel unique ».
Depuis les années 70 (1976 plus précisément), le pétrole nigérian attise énormément l’appétit des réseaux mafieux. Et malgré l’engagement d’Abuja dans la lutte contre le trafic illégal de son or noir, une partie importante de sa production échappe encore au circuit légal. C’est dire les efforts que le pays de Muhammadu Buhari devrait fournir pour mettre un terme à cette situation, surtout en ce moment où il doit composer avec les opportunités d’une plus grande activité (comme en Afrique du Sud où il est sollicité pour remplacer les livraisons pétrolières iraniennes) et les pressions actuelles de l’Opep pour plafonner sa production.
Avec latribuneafrique