L’engouement des investisseurs internationaux pour l’Afrique ne se dément pas, selon une étude publiée fin juillet dernier par Havas Horizons, un service de conseil dédié aux pays émergents, issu du rapprochement des expertises de l’agence Havas Paris, leader français en communication d’influence, et de l’Institut Choiseul, think tank spécialisé dans les questions économiques internationales.
Intitulée «Financer la croissance africaine à l’horizon 2023: perception des investisseurs internationaux», cette étude révèle que 92% des investisseurs internationaux réaffirment leur optimisme et renouvellent leur confiance quant aux perspectives économiques du continent durant les cinq prochaines années. Ils sont aussi 80% à envisager de renforcer leurs positions en Afrique, d’après cette enquête réalisée auprès d’un panel de dirigeants (CEO, directeurs Afrique, directeurs financiers, analystes senior, etc.) de 50 grands groupes mondiaux opérant en Afrique dans divers secteurs d’activité, dont Goldman Sachs, Rothschild & Co, Saint-Gobain, Sanofi, Gold and General, Société Générale, CFAO Retail et Quilvest Private Equity.
L’optimisme béat des dirigeants interrogés et leur volonté d’accroître leur exposition à l’Afrique, que ni le terrorisme, ni les conflits politiques et militaires, ne semblent ébranler, s’inscrivent dans la lignée de la hausse des investissements qu’a connu le continent depuis le début des années 2000.
Selon la Banque africaine de développement (BAD), le montant des flux financiers externes à destination du continent s’est chiffré en 2017 à près de 180 milliards de dollars, dont 49 milliards de dollars d’investissements directs étrangers (IDE). La bonne perception de l’Afrique par les investisseurs étrangers est portée par le retour à un rythme de croissance appréciable, dans un contexte marqué par l’amélioration de la conjoncture économique internationale et le redressement des cours des matières premières. «La dynamique économique s’appuie aussi sur des atouts spécifiquement africains. Elle est stimulée par une demande intérieure soutenue et par la mise en œuvre de grands projets d’infrastructure aux quatre coins du continent», explique Jean-Philippe Dorent, directeur général de Havas Horizons.
L’optimisme des investisseurs quant aux perspectives économiques du continent repose d’autre part sur des paramètres structurels qui conditionnent l’attractivité du continent. 58% des dirigeants sondés citent l’émergence d’une importante classe moyenne en tête des motivations qui les incitent à investir, devant l’amélioration du climat des affaires (49%) et le dynamisme démographique (47%). L’Afrique compte 1,1 milliard d’habitants aujourd’hui et devrait, selon les prévisions citées par l’enquête, abriter un quart de la population mondiale en 2050. La diversification économique croissante (37 %), l’amélioration des infrastructures (33 %), les efforts portés sur l’innovation (30%) et l’urbanisation galopante (28%) sont également cités comme des tendances incitant à l’investissement.
Par zones géographiques, c’est l’Afrique de l’Ouest qui attire le plus les investisseurs internationaux: 64 % d’entre eux désirent y renforcer leurs investissements, contre 9 % voulant les y réduire. Cette sous-région enregistre une croissance en hausse constante depuis 2016, en dépit des mauvaises performances du Nigeria. Selon la BAD, cette croissance devrait atteindre 3,8 % en 2018 et 3,9 % en 2019.
En Afrique de l’Est, 49 % des investisseurs souhaitent renforcer leurs positions, contre un score de 67 % dans l’édition 2017 du baromètre. La sous-région enregistre le taux de croissance du PIB le plus important du continent (5,9 % en 2017 et supérieur à 6 % en 2018 et 2019), mais sa perception pâtit des guerres civiles et de l’insécurité qui prévalent dans certains pays comme la Somalie et le Soudan.
Avec 38% des investisseurs sondés qui souhaitent y renforcer leurs activités, l’Afrique du Nord arrive en troisième position, devant l’Afrique australe (31%). L’Afrique centrale est, quant à elle, la lanterne rouge de l’attractivité. Il s’agit de la seule sous-région du continent où les répondants souhaitent davantage réduire leur volume d’investissements (20 %) que l’accroître (16 %). «L’Afrique centrale reste toujours un peu en panne et l’on a plutôt des pronostics de désinvestissement, au moins à court terme», souligne Jean-Philippe Dorent.
Bien que l’influence des sous-régions dans lesquelles les économies africaines évoluent soit forte, chacune de ces économies a ses propres spécificités et suit une dynamique unique. Cette année, les pays jugés les plus prometteurs par les investisseurs se concentrent majoritairement en Afrique de l’Ouest et en Afrique de l’Est. Il s’agit, dans l’ordre, de la Côte d’Ivoire (63%), du Kenya (61%), du Nigéria (39%) et du Ghana (37%). L’Afrique du Sud (34%) complète le Top 5. La Côte d’Ivoire (63%) grimpe ainsi en tête du peloton, après une entrée dans le Top 5 en 2017 (2ème position), grâce notamment à sa forte croissance économique.
Le Kenya se maintient au même niveau d’attractivité pour les investisseurs. Cette stabilité s’explique essentiellement par une grande résilience liée à la diversification de son économie.
Le Nigéria attire autant qu’il repousse. Ce pays, dont l’économie demeure très dépendante des hydrocarbures, enregistre un fort taux de défiance. 19% des dirigeants d’entreprise sondés le considèrent comme un pays risqué pour les investissements, en raison d’un certain nombre difficultés (pénuries de devises, perturbations dans l’approvisionnement en carburant, insécurité dans certaines parties du pays, etc.). Après une année d’absence, le Ghana fait son come-back dans le Top 5, tandis que l’Afrique du Sud y fait son entrée pour la première fois. Le Maroc arrive en 6è position dans le classement des pays africains les plus attractifs pour les investisseurs, devant le Sénégal, l’Ethiopie, l’Egypte et le Rwanda.
En bas du tableau, on trouve le Soudan, le Zimbabwe, la Zambie et la République démocratique du Congo. Globalement, ces pays considérés comme les plus risqués, semblent pénalisés par des inerties découlant avant tout d’une instabilité politique chronique ou d’une situation sécuritaire préoccupante.
Les secteurs d’activité jugés les plus porteurs par les investisseurs sont, comme l’an dernier, les services financiers, la grande distribution et l’énergie. Porté par les efforts d’amélioration du taux de bancarisation et le dynamisme des principales places boursières du continent, le secteur des services financiers occupe cette année la première marche du podium. 23% des sondés estiment que ce secteur, qui occupait la 3è place dans la précédente édition du baromètre de Havas Horizons, est au cœur des enjeux d’avenir.
La grande distribution occupe le 2è rang (16%), bénéficiant de l’émergence d’une classe moyenne et de l’augmentation de la demande intérieure. L’énergie (14%) s’en trouve ainsi reléguée à la 3è position.
L’engouement des investisseurs pour ces secteurs se couple d’un intérêt croissant pour l’innovation et les nouvelles technologies qui recèleraient un important potentiel sur le continent. 98 % des sondés s’accordent à qualifier de «prometteur» le secteur de l’innovation et des nouvelles technologies partout en Afrique. 68 % d’entre eux comptent investir ou renforcer leurs investissements dans ce domaine durant les cinq prochaines années prochaines, et 76 % croient en l’apparition d’un «modèle typiquement africain» de l’innovation. Selon les personnes interrogées, le modèle africain d’innovation se concentre principalement autour des domaines du numérique, en particulier les technologies liées aux services financiers et aux télécommunications. «Le mobile est l’instrument principal d’accès à Internet et aux services en Afrique. C’est grâce à lui que l’Afrique se développe et c’est une vraie particularité du continent par rapport aux pays développés», explique Serge Ntamack, Directeur de Programmes, Corporate External & Legal Affairs de Microsoft Middle East & Africa, cité dans l’étude.
Le modèle africain de l’innovation se caractérise aussi par une grande flexibilité et une forte adaptabilité aux réalités locales. D’autant plus qu’il est animé par une double volonté de créer plus de valeur économique à forte composante sociale, tout en limitant la consommation de ressources. Le concept du «leapfrogging» (littéralement saut de grenouille) est au cœur de ce modèle d’innovation «à l’africaine». Ce concept renvoie à un processus d’évolution technologique rapide, qui permet de sauter les étapes intermédiaires et de franchir en une seule fois plusieurs paliers de développement dans un domaine bien déterminé. Cette dynamique transforme souvent un retard en un avantage et permet de contourner un manque d’infrastructures, comme ce fut le cas du développement rapide de la téléphonie mobile, qui a dispensé une grande partie du continent africain de se doter d’un réseau de téléphonie filaire, ou encore du mobile banking, qui a permis à des centaines de millions d’Africains de zapper la case agence bancaire.
Dans ce chapitre, 87% des investisseurs sondés par Havas Horizon classent le Kenya comme étant le champion incontesté de l’innovation en Afrique. Ce pays d’Afrique de l’Est, où l’équivalent de 40 % du PIB transite par le portefeuille de monnaie électronique M-Pesa, accueille un grand nombre d’incubateurs qui stimulent l’éclosion de start-up à succès, principalement basées dans la Savannah Valley. Viennent ensuite l’Afrique du Sud, le Rwanda, le Maroc, le Nigeria et le Sénégal.
Avec algerie-eco