Le système de parrainage à la présidentielle est né de la volonté de Charles de Gaulle de limiter les candidatures fantaisistes. C’est un filtre, comme il en est d’usage aux Usa avec les primaires. En 2012, conformément à une promesse de campagne de Hollande, la commission Jospin a proposé de passer à un parrainage citoyen. Hélas, il n’avait pas été recueilli le consentement attendu des partis politiques. Dès lors, le prédécesseur de Macron a humblement retiré le projet du circuit. Ainsi, Macky Sall doit-il, sous peine d’une polémique hostile à l’esprit affiché de sa proposition, discuter avec son opposition du bien-fondé de sa trouvaille avant de la faire passer comme lettre à la poste grâce à sa majorité mécanique, à rebours des principes du Code Kéba Mbaye.
Au Sénégal, depuis un peu plus d’une semaine, la volonté du gouvernement de faire valider, manu militari, le système de parrainage citoyen à la présidentielle est devenue la nouvelle pomme de discorde entre majorité et opposition. Pourtant, la floraison de candidatures caractéristique des locales de 2014 et des législatives de 2017 incline à admettre cette nécessité de rationalisation dans l’intérêt de toute la classe politique.
Le hic, c’est que l’empressement avec lequel le gouvernement s’y est pris, a nourri des craintes de la part de l’opposition, dans un contexte de méfiance maladive réciproquement éprouvée.
Dans l’entendement du général Charles de Gaulle, le père de ce système, il fallait instaurer ce filtre pour mettre la démocratie française, alors sauvée du désordre de la fin de la IV République, hors d’atteinte de ceux qu’il appelait caricaturalement « les candidats hurluberlus ».
Ainsi, dès le début de la Ve République, les prétendants à l’Élysée doivent être présentés par 100 citoyens titulaires d’un mandat électif (référendum du 28 octobre 1962 et loi n° 62-1292 du 6 novembre 1962).
Le parrainage citoyen a été proposé en 2012 par une Commission sur la rénovation et la déontologie de la vie publique, conformément à une promesse de campagne de François Hollande et présidé par Lionel Jospin pour donner cette faculté de parrainer les candidats aux électeurs en lieu et place des 500 signatures de grands électeurs. L’objectif était d’atteindre les 150.000 signatures populaires, qui seraient vérifiées par les préfets. Dans l’exposé des motifs, il était expliqué le souci de redonner la voix au peuple devant les innombrables deals notés pour caporaliser les élus. Malheureusement pour Hollande, non seulement l’ancien Premier ministre sous la période cohabitationniste (1997-2002) ne verra pas sa proposition adoptée par les partis politiques, mais les honoraires de 120 000 euros supposément versés à Jospin défrayeront la chronique. Il avait été aussi reproché à Lionel d’avoir embauché des proches comme consultants. A l’occasion de la cérémonie de présentation de ses vœux au Conseil constitutionnel en janvier 2013, François Hollande a retiré le projet du circuit en raison de la difficulté de sa mise en œuvre.
La première réforme ayant trait au système de parrainage date de 1976 : quand le nombre de signatures est passé de 100 à 500 dans 30 départements minimum, avec une limite fixée à cinquante signatures maximums dans chacun d’eux. Cette dernière condition vise un équilibrage régional du vote.
En 2007, au lendemain de l’accession de Nicolas Sarkozy au pouvoir, est mis sur pied un Comité de réflexion et de proposition sur la modernisation et le rééquilibrage des institutions, présidé par l’ancien Premier ministre, Édouard Balladur. Alors, il était préconisé de supprimer ce dispositif auquel on préfère un collège d’environ 100 000 élus (parlementaires, conseillers régionaux et généraux, maires et délégués des conseils municipaux). Le parrainage citoyen, que tente d’expérimenter le Sénégal, avait été aussi retenu par ce comité. Toutes propositions rejetées par la loi constitutionnelle du 23 juillet 2008.
Préserver l’esprit du Code consensuel de 1992
« Aucune réforme substantielle de la loi électorale ne doit intervenir dans les six (6) mois précédant les élections, sans le consentement d’une large majorité des acteurs politiques », préconise la CEDEAO. Certes avec cette proposition afférente au parrainage la mouvance présidentielle est dans les délais légaux à un an de la présidentielle, mais par-delà la légalité, il est question de légitimité, convaincre et non seulement vaincre par la force d’une majorité mécanique. Puisque le 23 juin 2011, la légalité était du côté de Me Abdoulaye Wade. Dans le texte, il était assigné au référendum organisé le 20 mars 2016 l’objectif de mettre la démocratie sénégalaise à l’abri d’un 23 juin-bis. Des milliards du contribuable sénégalais avaient été dépensés. On aura échoué si malgré cette débauche d’énergie l’esprit du Code consensuel de 1992 est rompu. A signaler qu’en 1992 Abdou Diouf disposait également d’une majorité confortable.
En définitive, le parrainage citoyen ne comporte pas que des défauts. En 2014 et en 2017, même la presse avait des difficultés pour couvrir les activités de tous les candidats, compte tenu de leur nombre pléthorique. Le mal est dans le fait de l’imposer…
dakaractu