Certains médias occidentaux ont-ils traité les élections présidentielles russes de manière partiale? L’exemple d’un journaliste de la RTBF est parlant: d’après une source, il souhaitait réaliser un reportage en Russie, mais cherchait surtout des informations sur les failles qui pouvaient compromettre la légitimité du scrutin. Journalisme neutre?
La neutralité des médias mainstream semble décidément à géométrie variable, notamment sur le traitement des élections présidentielles en Russie. Volonté délibérée de délégitimer le scrutin? On peut se poser la question. Ce traitement médiatique démontre surtout, une nouvelle fois, que la frontière est ténue entre l’envie d’informer et le parti pris idéologique. En témoigne, la préparation d’un reportage consacré à l’élection présidentielle par un journaliste de la Radio Télévision Belge Francophone (RTBF).
Comme tout reportage à l’étranger, un journaliste recherche des contacts sur place pour en faciliter la réalisation. Dans le cadre des élections présidentielles russes, il fallait une personne russophone pouvant traduire les propos exprimés par les citoyens en interviews ou dans les «micros-trottoirs». Une traductrice que l’on nommera Vera a donc proposé son aide au journaliste, car, pour elle, «cela représentait une très bonne opportunité».
Lors de leur conversation téléphonique, celle-ci prend une tournure «inattendue», comme elle le confie à Sputnik. Le journaliste de la RTBF lui explique dans un premier temps, les modalités du tournage, mais très vite, à la grande stupéfaction de Vera, il lui demande si elle sait comment se déroule le comptage des voix, si elle a des idées sur les différentes failles qui pourraient compromettre le scrutin. Ou encore, si elle connaît les nuances de la procédure électorale russe qui pourraient être interprétées comme des entraves au droit de vote des citoyens. Vera refuse catégoriquement d’aller sur ce terrain. Pour elle, son rôle ne consiste qu’à prodiguer une assistance linguistique.
L’histoire voudra qu’une autre personne ait eu la préférence du journaliste pour réaliser la mission de «traduction». Selon Vera, il est clair que sa réponse n’a pas plu au journaliste et lui a été défavorable.
Sputnik a contacté le journaliste qui n’a pas souhaité répondre à nos questions. Néanmoins, peu importe l’angle du reportage, qui reste à la discrétion de chaque journaliste. On peut se demander de quoi ce biais idéologique envers la Russie est-il le nom.
Méconnaissance de la politique russe?
Si le résultat de l’élection ne faisait effectivement aucun doute, les arguments avancés pour démontrer cet état de fait restent discutables: propagande et régime autocratique. Les prévisions de certains médias ont été parfois pour le moins hasardeuses et ont souligné une méconnaissance de l’échiquier politique russe. On pourrait citer l’exemple de France Infos qui décrivait Ksénia Sobtchak comme la candidate la plus dangereuse. Elle terminera 4e avec 1,68% des voix…
On pourrait également mentionner le cas d’Alexeï Navalny, présenté de manière très unanime comme la principale figure de l’opposition face à Poutine, mais qui n’aurait été crédité, selon les sondages, que d’un très petit score s’il avait pu se présenter.
Il faut dire que concernant Alexeï Navalny, l’AFP avait donné le ton et que la plupart des médias français se sont contentés de répéter la dépêche d’agence, sans même chercher à la vérifier.
Peu d’intérêt pour l’opinion de ses habitants?
Peu de médias se sont intéressés à l’expression du point de vue du peuple russe, sauf pour trouver des voix expliquant que les «élections étaient une mascarade» ou une «vaste blague», etc. Pourtant, 56 millions de Russes ont voté pour Vladimir Poutine; avec 76,69% des voix, il réalise son plus gros score, avec une participation de près de 67%, qui ôte tout doute quant à la légitimité du scrutin. En outre, le vote des jeunes est très rarement analysé. Comment expliquer que d’après certains sondages officiels publiés avant l’élection, 70% des 18-24 ans déclaraient vouloir voter pour Vladimir Poutine? Une génération acquise à la cause d’Internet, temple de l’information alternative, donc plus éloignée d’une éventuelle propagande des médias d’État traditionnels Russes.
On pourrait aussi se concentrer sur le cas des Russes installés à Londres. Ils ont très largement plébiscité Vladimir Poutine avec 52% des voix contre 27% en 2012. Dans ce cas de figure, les répercussions de l’affaire Skripal sur le sentiment patriotique des Russes ont très certainement profité au Président sortant. En outre, les médias «mainstream» n’ont pas pris en compte la vision des Russes sur le monde. Et pour cause, comme nous le rappelait François-Bernard Huygues, directeur de recherche à l’IRIS et spécialisé en communication,
«Si vous additionnez le score de Poutine, de Groudinine [candidat communiste, ndlr] et celui de Jirinovski [candidat nationaliste, ndlr], vous arrivez à un score important de candidats [plus de 94%, ndlr] qui, tout en ayant des idéologies différentes, ne sont pas pro-occidentaux, pro-libéraux, etc. Donc, l’influence du modèle de société ouverte, libérale, multipartite à l’occidentale, ne semble pas beaucoup tenter les Russes.»
Comportement grégaire ou biais idéologique?
Certains médias ont donc, que ce soit par comportement grégaire ou tout simplement par biais idéologique, traité la présentielle russe uniquement sous l’angle de la fraude. Tous les points énoncés ne méritaient-ils pas de s’y attarder un tant soit peu ailleurs que sur Sputnik? Le scrutin quant à lui a bien connu des cas irrégularités (2.300 ont été répertoriés par l’ONG russe Golos). Or le recensement de ces irrégularités a été facilité par la présence, dans chaque bureau de vote, de caméras installées par… le gouvernement russe, un dispositif unique au monde à notre connaissance, ce qu’aucun de nos confrères n’a jugé utile de souligner.
Avec sputnik