En Ouganda beaucoup de femmes cultivent le café, mais peu sont propriétaires de leurs terres et perçoivent directement leurs revenus. Depuis trois ans, certaines, à l’image de Jennifer Waetteka, ont décidé de se soustraire à la loi coutumière et de s’émanciper. À travers le Café des femmes.
Sourire et regard francs, Jennifer Waetteka, productrice de café de 42 ans, sait ce qu’elle veut. “J’ai travaillé dix-huit ans avec mon mari. Mais lorsqu’il est mort en 2010, ma belle-famille a voulu me marier à son frère et récupérer les terres.” Pour cette mère de six enfants, il était “hors de question” de se plier à cette tradition ancestrale.
En Ouganda, alors que la loi autorise les femmes à devenir propriétaires des terres qu’elles cultivent et à percevoir directement leur salaire, la réalité est toute autre. À la mort de leur mari ou après un divorce, la plupart perdent tous leurs biens, qui reviennent alors à leur belle-famille. La coutume prend le pas sur la loi et beaucoup de femmes se font spolier.
Même si 80% des Ougandaises sont travailleuses agricoles, seulement 7% sont aujourd’hui propriétaires de leurs terres.
Le Café des femmes pour faire valoir ses droits
Pour contrer ce système, Jennifer a décidé de créer un regroupement de productrices en 2011, dans sa région montagneuse de Mbale. Membre depuis 2005 de la coopérative ougandaise Gumutindo pour de ne plus être soumise à la fluctuation des prix sur le café, elle s’est appuyée sur cette structure afin de créer le Café des femmes.
L’initiative voit le jour en 2013. Le Café des femmes permet aux productrices de café membres de Gumutindo de percevoir directement le fruit de leur travail, sans avoir besoin de l’accord de leur mari. Pour Jennifer, derrière ce projet se cache un vrai travail de fond : mettre fin aux inégalités entre les hommes et les femmes.
Au contact des productrices depuis 2011, elle s’est indignée de leurs conditions. “Il y a un vrai problème de coopération entre hommes et femmes ! Tant au niveau de la manière de travailler, qu’au niveau du partage des revenus.”
Travaillant à ses côtés au sein de la coopérative, Tabitha Namaromi partage cet avis : “Les femmes n’ont plus besoin de rester silencieuses aujourd’hui. Elle doivent faire valoir leurs droits. Favoriser l’émancipation par le café est un bon début, mais il faudra aller plus loin.”
Elle évoque la création récente des “GALS” (Gender Action Learning System) par Gumutindo. “Il s’agit d’ateliers proposés aux producteurs, hommes comme femmes, pour favoriser un travail plus équitable entre les sexes.”
Aujourd’hui, seule la société Alter Eco vend leur café en France depuis le mois de mars dernier. Commercialisé en Europe, le Café des femmes semble être un succès. En trois ans, sa production représente désormais un conteneur entier sur les 40 exportés chaque année par Gumutindo.
avec Jeune Afrique