Dans le contexte actuel marqué par l’instabilité économique, les voix des Allemands, exigeant que les réserves allemandes d’or stockées à l’étranger retournent au pays, deviennent de plus en plus nombreuses. Dans leur commentaire à Sputnik, des experts allemands et autrichien en expliquent les raisons.
À l’issue de la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne a perdu toutes ses réserves d’or. Toutefois, à partir des années 1950, l’économie de la RFA a commencé à croître à un rythme important et, les exportations allant croissant, le pays s’est mis à acquérir ce métal précieux. Toutefois, pour des raisons de sécurité, l’Allemagne ne pouvait stocker ses réserves qu’à l’étranger: aux États-Unis, en France et au Royaume-Uni. Depuis la fin la guerre froide, Berlin mène un travail conséquent pour récupérer toutes ses réserves d’or de l’étranger et non sans succès étant donné que quelque 1.700 des 3.300 tonnes qu’il possède ont déjà été transmises à Francfort. Or, dans le contexte actuel marqué par l’instabilité économique globale, le retour de l’ensemble de ces réserves s’avère indispensable, estiment de nombreux experts interrogés par Sputnik. Même une campagne placée sous le slogan «Rapatriez notre or» a vu le jour.
Pour l’auteur de cette initiative, Peter Boehringer, la question ne se limite pas au rapatriement de ce métal. «Nous ne voulons pas faire revenir nos réserves d’or, mais pour la première fois les entreposer sur le territoire allemand», explique-t-il.
L’or allemand est confié à un système financier atteint d’un cancer
«Ce métal noble est la garantie de la Banque centrale, c’est la raison pour laquelle j’ai signé cette initiative», explique pour sa part Folker Hellmeyer, économiste en chef de la Landesbank de Brême. L’or est la valeur la plus résistante aux effets de la crise, estime-t-il. «Lorsque l’or m’est nécessaire, soit pendant la crise, il affiche son pouvoir d’achat réel. Pour cela, si nous regardons l’histoire, les banques centrales ne s’en dessaisissaient jamais».
Dès 2001, l’expert mettait en garde contre une crise sur le marché de l’or: «Alors, je disais que le prix de l’or serait de quatre chiffres car le système financier occidental est atteint d’un cancer. Il est centré sur les États-Unis. Et puisque la République fédérale d’Allemagne, avec ses quelque 3.300 tonnes, possède la deuxième réserve d’or au monde, il est important que l’État effectue un contrôle physique sur cet or dans ses frontières au lieu de le confier à des parties tierces».
D’autant plus que le centre de ce système financier, les États-Unis, se caractérise par une faiblesse structurelle, souligne l’expert. Les systèmes économique et financier mondiaux traversent une transformation, estime-t-il: «Aujourd’hui, la Chine et la Russie jouent incontestablement un rôle crucial, et en fait, dans le contexte de la faiblesse relative des États-Unis, ce sont elles qui rythment l’économie mondiale».
L’expert Dimitri Speck trouve pour sa part que l’emplacement des réserves allemandes est une composante d’«un marché de l’or opaque»: «Depuis août 1993, le grandes banques centrales ont manipulé les cours de l’or pour baisser des anticipations d’inflation. […] Ceci a conduit à l’avenir à la formation d’une bulle financière», ce qui prouve encore une fois que l’or est une réserve idéale qui doit être stockée à l’intérieur des frontières nationales.
Inaction de la Bundesbank?
Comme le pointe M.Hellmeyer, lorsque l’initiative «Rapatriez notre or» a vu le jour, la Bundesbank a préféré garder une attitude expectante et répondait avec son «silence hautain» à toutes les discussions sur la nécessité de rapatrier les réserves.
Cette question est sans alternative, confirme à Sputnik Philip Klinkmüller, cofondateur et gérant de la société d’investissement et de conseil Hopf-Klinkmüller Capital Management. «D’ailleurs je ne comprends pas ce que les réserves allemandes peuvent faire dans la Réserve fédérale des États-Unis ou ailleurs», insiste-t-il.
Et si dans sa réponse à la requête de Sputnik, le service de presse de la Banque fédérale d’Allemagne évoque le retour de 216 tonnes d’or allemand depuis les États-Unis et la France en 2016, le qualifiant d’«accomplissement réussi», Peter Boehringer s’indigne, rappelant que la moitié de l’or allemand reste encore à l’étranger et la banque évoque un «succès».
Et si les coffres de banques étaient vides?
Comme le pointe M.Boehringer, sa campagne est soutenue par des économistes de renom et des personnalités célèbres, si bien que personne n’a jamais pu leur coller sur le dos l’étiquette d’amateurs des théories du complot.
«Nous nous sommes toujours basés sur les faits. Comme, par exemple, la Réserve fédérale des États-Unis n’a pas d’audit clair, nous ne pouvons ni le prouver, ni réfuter. Cette non-transparence est toujours sujette à des critiques de la part des experts indépendants», estime-t-il.
Walter Eichelburg, expert en finances autrichien, n’exclut pas que les coffres où l’or allemand était conservé sont déjà vides.
«Au cours des 20 dernières années, les banques centrales ont jeté sur le marché toutes leurs réserves d’or pour réduire le prix du marché», estime-t-il. «Les coffres sont vides», ajoute l’expert pour qui le monde connaîtrait prochainement un effondrement financier majeur qui touchera aussi bien les systèmes monétaires que les marchés des métaux précieux et les États-nations.
Avec sputnik