“Tout coule, rien n’est stable”, dit Héraclite d’Éphèse, philosophe grec. Les opposants à Alassane Ouattara croient pouvoir renverser la vapeur avec des méthodes anciennes qui ont montré leurs limites : marches, indignation, boycott, discours rugueux… Ces mêmes méthodes utilisées contre l’opposant Ouattara devenu chef de l’Etat donc détenteur de tous les moyens de coercition de l’Etat.
Comment ne pas comprendre que l’homme lui-même a changé de méthode depuis et qu’il faut aussi changer si l’on veut atteindre le but recherché ?
Comment ne pas comprendre qu’il y a 7 ans bien pleins que les rapports de force ont changé et qu’il faut changer avec ?
Aucune lutte n’avance si elle ne tient compte du contexte et des circonstances du moment.
J’ai analysé la marche du 23 mars dernier, programmée au cours d’un meeting qui a eu lieu six jours plutôt et j’ai confié à des amis qu’il ne fallait pas en attendre grand-chose, qu’elle servait à amuser la galerie, tant elle était décidée de façon hâtive sans préparation et sans plans alternatifs. Et ce qui devait arriver arriva. Elle fut étouffée avant même d’avoir commencé avec à la clé plusieurs arrestations. Et la principale revendication est devenue secondaire car maintenant, il s’agit de parler de la libération de ceux qui ont été arrêtés. Les problèmes se déplacent, on ne les résout pas. Ouattara est maître à ce jeu. Aujourd’hui, à la vérité, il faut bien plus que ces escarmouches pour ébranler Ouattara quand bien même l’homme est affaibli dans son propre camp et ne tient que parce qu’en face, il n’y a plus de répondant, toute l’expression du “Ya rien en face”.
Depuis qu’il prend des décisions, Ouattara n’a jamais été contrarié et arrive toujours à mettre à exécution ses plans : Les législatives de 2011, la réforme constitutionnelle en 2016, l’emprisonnement des opposants les plus gênants, le maintien en l’état de la déséquilibrée CEI et tout récemment le sénat. Hormis l’application de l’annexe fiscale 2018 non pas parce que les Ivoiriens n’en voulaient pas mais par la seule volonté de ceux à qui il peut obéir.
Demain encore, il voudra un 3e mandat et il l’obtiendra, du moins tant que les choses resteront en l’état, c’est à dire tant qu’en face on continuera dans ce qui ne marche pas et dans les palabres.
Dans une lutte politique, il ne faut jamais perdre de vue la cause. C’est elle qui inspire la stratégie. Or quel combat mène aujourd’hui cette opposition ? Est-ce celui du peuple entier de Côte d’Ivoire ? Est-ce celui du retour de Laurent Gbagbo dans son pays ? Je ne crois pas. Il y a bien longtemps qu’elle s’est écartée de l’aspiration des Ivoiriens à un pays développé, démocratique, libre et fraternel. Au lieu et place elle nous sert des querelles qui bien que faisant partie de la vie des hommes devaient être laissées de côté pour une unicité d’actions.
C’est dans le compromis dynamique, le combat des idées et les propositions fortes que Gbagbo dont nous reconnaissons ici le leadership a bâti toute sa notoriété politique. On veut que ce soit encore lui qui vienne indiquer la marche à suivre alors qu’il n’est vraiment plus maître de sa situation.
Comment peut-on vouloir faire du problème de la seule Cei une cause nationale là où la prise en compte des problèmes sociaux des Ivoiriens (santé, éducation, corruption, chômage…) suffiraient à les rallier ? Comment comprendre qu’on ne puisse pas changer ce discours passéiste pour emboucher un nouveau discours rassembleur qui éloigne la peur et l’inquiétude ?
Assurément plusieurs partisans du ouattarisme déchantent à présent mais leur brave tchè d’hier constitue encore à leurs yeux le moindre mal entre deux maux. Par conséquent, ils sont encore réticents à le lâcher définitivement. Il faut les rassurer, les amener à soi et mener le combat de la liberté et de la réconciliation avec eux. Il faut parler de leurs problèmes, il faut leur proposer des solutions, les faire rêver à nouveau. Il ne s’agira pas de les conquérir tous, c’est impossible, mais de savoir qu’on ne gagne pas un combat politique avec ses seuls partisans.
Les temps ont changé et il faut changer avec. Il ne faut surtout pas croire que les soutiens de Ouattara l’ont lâché pour les beaux yeux des opposants. Bien au contraire. Trop de contrats les lient pour qu’ils l’abandonnent en si bon chemin. Il y a le métro d’Abidjan, le pétrole, le chantier de l’extension des ports d’Abidjan et de San Pedro, l’endettement massif, les ponts à réaliser à Abidjan, les stades de la CAN 2021, l’OPA sur le café et le cacao ivoiriens, les autoroutes à réaliser. Ce sont des centaines de milliards de nos francs qui sont en jeu.
Donc chers opposants changez de méthode. L’adage dit ‘’on ne change pas une équipe qui gagne’’ mais on change une méthode qui ne marche pas. C’est de l’esprit cartésien.