Malgré les amours et désamours outre-atlantiques, pour les Français, Hollywood reste “the land of opportunities”. Et certains y connaissent des succès remarquables, en particulier dans l’industrie du cinéma.
Certes, les films français n’envahissent pas le marché américain. Mais quelques grands titres font exception et ponctuent tout de même le paysage. Ainsi, Le Cinquième Élément, avec ses 63 millions de dollars au box-office, est longtemps resté la meilleure performance française. Plus récemment, l’engouement pour Amélie Poulain s’est chiffré à 33 millions, tandis que La Môme raflait quelque 10 millions de dollars. Les succès plus modérés, comme ceux des Choristes (4 millions) ou, dernier à l’affiche, de La Fille coupée en deux (280000 dollars le premier mois), vont et viennent au gré des tentaculaires multiplexes. À ce jour, c’est La Marche de l’empereur, documentaire de Luc Jacquet sorti en 2005 qui, avec son Oscar du meilleur documentaire et ses 78 millions de dollars au box-office, reste le film français le plus successful de Hollywood.
Renforcer l’influence française
Derrière ces chiffres et ces réussites, il n’y a pourtant pas que des paillettes. Il y a aussi les efforts de la France pour promouvoir son cinéma. Laurent Morlet, à la tête du Bureau du film de Los Angeles, explique que son rôle est de “veiller à ce que le patrimoine français continue d’avoir une influence, faciliter les sorties de nouveaux films français en DVD ou en salles, et mettre en relation des talents français avec des producteurs et des réalisateurs hollywoodiens”. En clair, des rétrospectives à l’American Cinémathèque ou au Los Angeles County Museum of Art (Lacma), des conférences données par de grands noms du cinéma français (Patrice Leconte, Laurent Cantet, Bertrand Tavernier, Cédric Klapisch ou Jean-Pierre Jeunet…) à Ucla ou à l’University of Southern California.
Mais il y a également le festival du film français Colcoa (City Of Lights, City of Angels), sponsorisé des deux côtés de l’Atlantique par Netflix, Variety, Air France ou TV5. Ce festival qui a lieu en avril dans les prestigieux locaux du Directors Guild of America, sur Sunset Boulevard, présente chaque année une cinquantaine de films. “Il s’agit du plus grand festival dédié au cinéma étranger à Hollywood, et aussi l’un des plus grands événements de culture française aux États-Unis”, explique son directeur.
La France, troisième industrie du cinéma après les États-Unis et l’Inde, peut bien s’offrir un événement de cette envergure, qui attire un public composé à 70 % des Américains travaillant dans l’industrie du cinéma. “Cela permet de mettre en relation des talents avec d’éventuels producteurs ou réalisateurs”, continue François Truffart. Ce fut le cas pour Alfred Lot, le réalisateur de La Chambre des morts, qui a vendu les droits de son film à Colcoa et signé un contrat avec un agent américain. Mais c’est là aussi qu’ont été rachetés les droits de remake pour Bienvenue chez les Ch’tis. Pourtant, certains ont tracé tout seuls leur chemin au travers de la jungle hollywoodienne. C’est le cas de Marc Frydman, le premier – et jusqu’à maintenant le seul – Français à avoir produit des séries américaines sur l’un des trois networks (ABC, CBS et NBC). “Hollywood est un univers très difficile à infiltrer. La compétition y est beaucoup plus féroce qu’en France, et le milieu beaucoup plus vaste”, explique ce producteur arrivé à Los Angeles au début des années 90, après une collaboration à Canal+. “J’ai voulu me battre, faire une carrière américaine, ouvrir ma propre boîte de production”, ajoute-t-il. Ce qui l’a aidé, c’est sa capacité à sentir le potentiel d’une idée, d’un scénariste ou d’un réalisateur. Et aussi sa… différence culturelle qui lui a également servi. Ainsi, en choisissant de travailler avec un réalisateur comme Rod Lurie, ancien critique de cinéma, il a fait ses débuts avec des films qu’aucun Américain n’aurait jamais produits. “Passer de critique à réalisateur est une chose très rare aux États-Unis, poursuit-il. En France, au contraire, c’est presque une tradition. François Truffaut en est le meilleur exemple.” Et cette “spécialité française” l’a conduit à faire des films à succès comme The Contender (Manipulations) ou Resurrecting the Champ. “Personne ne faisait confiance à Lurie, mais j’étais sûr qu’il ferait un excellent metteur en scène et réalisateur. En ce moment, nous préparons un nouveau film, Nothing but the Truth, avec Matt Dillon et Alan Alda.” Pour Marc Frydman, la manière dont les Américains conçoivent le cinéma est sans égale, “non seulement ils possèdent les meilleurs talents, mais ils ont aussi les meilleurs avocats et les meilleurs financiers. C’est sur le plan culturel et intellectuel, dans leur différence, que les Français ont un vrai atout”.
Cosmopolitisme et ouverture
Yves Dessca, parolier, compositeur, scénariste et producteur, partage ce point de vue. Après quelques chansons phares qui l’ont rapidement conduit au succès en France (Le Gentleman cambrioleur, La Maladie d’amour), Yves Dessca traverse l’Atlantique pour devenir président de Carrère International (aujourd’hui Sony), produire I Will Survive de Gloria Gaynor, composer la musique du film The Bourne Identity, avec Matt Damon. “Ici, tant qu’on a quelque chose d’intéressant à dire, les gens vous écoutent, explique-t-il, venir d’ailleurs n’a que peu d’importance. Surtout qu’à Hollywood, une grande partie des producteurs et des réalisateurs ne sont pas américains. C’est un lieu extrêmement cosmopolite et ouvert.”
Pourtant, son pays d’adoption lui a tout de même réservé quelques déceptions. “J’ai appris la nouvelle de la mort du King à la radio, alors que j’étais dans ma voiture pour aller le rencontrer à Memphis !”, raconte-t-il, car le compositeur du célèbre My Boy, chanté par Elvis Presley, c’était lui. Malgré ses succès américains et sa double nationalité, ce parolier et compositeur à succès continue de fréquenter la communauté française de Los Angeles. Un de ses proches, Philippe Ney, propriétaire de la Surf Channel, collabore actuellement avec lui pour l’écriture d’un scénario. “Lorsqu’on est français et qu’on écrit en anglais, mieux vaut changer son nom, ironise cet ancien de la School of Film d’Ucla, et pourtant, rédiger dans sa langue d’adoption n’est pas un problème, car un scénario s’écrit à l’oreille.” Malgré leurs nombreux succès, ces Français de Los Angeles continuent d’être stimulés par la constante ébullition créative qui règne dans la Cité des Anges.
Echanges transatlantiques
Mais pendant que ceux-là ont des paillettes hollywoodiennes dans les yeux, de leur côté, certains Américains rêvent à la France. Sandrine Cassidy, expatriée elle aussi, l’a bien compris qui exerce le métier de “directrice des festivals et de la distribution” du département des films de l’University of Southern California. Son rôle est d’aider les jeunes réalisateurs américains fraîchement sortis de l’école à vendre leurs films. Notamment… au festival du court-métrage de Clermont-Ferrand.
Avec : voyages-d-affaires