Face à la chute brutale de 30% des cours internationaux de cacao causée entre autres par le désinvestissement massif des fonds spéculatifs, Abidjan et Accra adoptent des attitudes divergentes. L’idée d’un même système de production et de fixation des prix, développée dans les discours, fait face à la réalité du terrain. Alors qu’Abidjan a décidé de réduire de 41% le prix garanti aux producteurs et, au passage, de 5% les budgets des ministères, Accra envisage de l’augmenter. Ainsi, les prix ont baissée de 1.100 francs CFA (1,67 euros) par kg à 700 F CFA (1,06 euros) en Côte d’Ivoire selon un système d’indexation fixant le plancher à 60% du cours international.
Pour sa part, Accra qui avait fixé la tonne métrique à 7 600 cedis (1 794 dollars) lors du démarrage de la présente campagne en octobre 2016, refuse d’envisager une baisse qui fragiliserait la base d’un président nouvellement élu et prisonnier de ses promesses électorales. En maintenant les prix élevés, le Ghana encouragerait la contrebande de la fève ivoirienne vers son territoire. Les contrats futurs du cacao à Londres cotent à 1 857 la tonne, soit leur plus bas depuis cinq ans.
Face aux enjeux nationaux, les résolutions prises le 12 avril, lors de la petite rencontre de concertation entre les ministères de l’Agriculture des deux Etats, ne sont plus de mises. Chaque pays tient à sa spécificité. Abidjan mise sur un Conseil du café-cacao (CCC) à la légitimité entamée. En principe, le CCC dirigé par Massandjé Touré-Litsé a, parmi ses rôles, de faire respecter le prix bord champ, de réguler le secteur tout en veillant sur le fonds de stabilité (les syndicats des planteurs réclament l’audit de ce fonds sur la période 2013-2016) qui risque de fondre vite si la tendance baissière actuelle se poursuit.
Quant à Accra, elle mise sur le Ghana Cocoa Board (à la recherche de 400 millions de dollars pour équilibrer ses engagements et ses recettes) et des contrats de préfinancement qui ont l’inconvénient d’exposer le budget publique sur des transformateurs fragilisés par le cours à l’international. Le GCB avait mobilisé 1,8 milliard de dollars en septembre dernier pour la campagne cacaoyère 2016-2017. En six mois, le pays accuserait un déficit de 1 milliard de dollars. Aussi, tout comme la Côte d’Ivoire, le Ghana a sollicité l’aide du FMI pour un programme triennal de 981 millions de dollars.
D’aucuns parmi les experts jugent le système ivoirien plus solide car ne répercutant pas – du moins directement- les risques financiers du secteur sur le budget. Ce qui n’est pas le cas de l’Etat ghanéen exposé au premier chef. En dépit de cette exposition de l’Etat, Joseph Boahen Aidoo, directeur général du Ghana Cococa Board, reste catégorique: “nous allons maintenir les prix. Le Ghana ne descend jamais ».
Pour rappel, les deux pays assurent 60% de la production mondiale pour des productions respectives de 1,8 million de tonnes et 889 000 tonnes lors de la dernière campagne. Le cacao représente 15% du PIB et 43% des exportations ivoiriennes, selon Moody’s. Au Ghana, la fève représente 24% des exportations selon les chiffres de 2015. Selon l’agence de notation, dans un rapport publié début avril, la chute du cacao devrait faire aggraver le déficit du compte courant de la Côte d’Ivoire de 0,6% du PIB en 2016 à 2,7% en 2017. Chez le voisin anglophone, le déficit de compte courant ira s’améliorant, à 6,3% du PIB en 2017 contre 6,6% en 2016.
Fait positif à signaler, alors que les deux pays peinent à se concerter du fait des enjeux politiques et économiques à court terme, l’Organisation internationale du cacao vient de s’établir officiellement à Abidjan après 44 ans de présence à Londres. Signe du déclic de quelque chose?
Avec financialafrik