Comme il fallait s’y attente, la ministre des affaires étrangères rwandaises a été élue au poste de secrétaire général de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF), ce vendredi 12 octobre, au second et dernier jour du 17 sommet de l’organisation qui se tient à Erevan en Arménie. Favorite après les multiples soutiens qu’elle a reçu dès le départ, elle était en lice avec la secrétaire générale de l’OIF, la canadienne Michaelle Jean. A la tête de l’OIF, Louise Mushikiwabo va devoir taire par les actes, la controverse qui a émaillé son sacre à la tête d’une organisation décidément en crise de valeurs.
C’est par consensus et par acclamation que la chef de la diplomatie rwandaise, Louise Mushikiwabo, a été élue, ce vendredi 12 octobre, comme nouvelle secrétaire générale de l’OIF. Au second et dernier jour du 17e Sommet de l’organisation, les chefs d’Etats des pays membres ont plébiscité, à l’issue de leur huis-clos, celle qui était déjà favorite pour succéder à la secrétaire générale sortante, la canadienne Michaelle Jean, qui s’est pourtant accrochée jusqu’au bout pour un second mandat.
Aussitôt entérinée la désignation de la nouvelle secrétaire générale, la deuxième femme a dirigé l’organisation, les messages de félicitations n’ont pas tardé pour mettre en exergue le parcours ainsi que les qualités de Louise Mushikabo.
« Je suis ravi que la candidate africaine Louise Mushikiwabo soit élue par consensus et par acclamation. Cela démontre ses qualités, son expérience, et son leadership qui sont ainsi unanimement reconnus par la famille francophone. Je la félicite », a déclaré le président de la Commission de l’UA, Moussa Faki-Mahamat.
Lors du passage de témoin, la nouvelle secrétaire générale de l’OIF s’est dit émue tout en saluant le travail fait par sa prédécesseur, qui a elle aussi tenue à la saluer.
« Je suis arrivée comme africaine et rwandaise je repars comme francophone », a déclaré Louise Mushikiwabo, la nouvelle secrétaire générale de l’OIF.
Michaelle Jean, un mandat puis s’en va !
Le sacre de la rwandaise était tout sauf une surprise au regard des soutiens dont a bénéficié sa candidature, porté d’abord par son pays avec le soutien de la France, et endossé ensuite par l’Union africaine (UA) ainsi que plusieurs pays européens membres de l’Organisation. Même le Canada et le Québec, avaient retiré, la veille du sommet leur soutien à Michaelle Jean qui n’avait donc pratiquement aucune chance face à Louise Mushikiwabo. La secrétaire générale sortante a pourtant tenté jusqu’à l’étape finale de défendre son bilan et de plaider sa cause auprès des chefs d’Etat. Dans une sorte de baroud d’honneur, lors du discours qu’elle a prononcé la veille lors de l’ouverture officielle du sommet, elle n’a pas manqué de dire tout ce qu’elle pensait du processus ayant conduit à organiser sa sortie de piste alors qu’elle estimait avoir des arguments à faire valoir. « Sommes-nous prêts à accepter que la démocratie, les droits et les libertés soient réduits à de simples mots que l’on vide de leur sens au nom de la réal politique, de petits arrangements entre États, ou d’intérêts particuliers ? », s’est interrogée Michaelle Jean à la tribune du sommet. En signe presque d’au revoir, elle a estimé nécessaire d’ajouter, « que l’immobilisme, l’atermoiement et les compromis sont déjà une forme de régression, car une organisation qui ruse avec les valeurs et les principes est déjà une organisation moribonde ».
Des propos certes d’une candidate qui savait que les jeux sont faits en sa défaveur, et en la matière, Michaelle Jean n’a pas tort. La candidature de Louise Mushikiwabo, officialisée à l’issue d’un entretien entre le président rwandais Paul Kagamé, et son homologue français Emmanuel Macron, le 12 mai dernier à l’Elysée, a été vraiment surprenante. Cependant, la canadienne a tôt fait d’oublier que ce sont « les mêmes arrangements » et « compromis » qui ont présidés sa désignation comme susscesseure d’Abdou Diouf, lors du 15e Sommet de l’OIF à Dakar, en décembre 2014. On se rappelle qu’à l’époque, c’était le chef de l’Etat français en poste, François Hollande, qui a mené les tractations en coulisses pour faire endosser la candidature de la canadienne par les pays africains membres, alors qu’elle était en lice, avec quatre autres prétendants, tous issues du continent. Il s’agissait notamment de l’ex-président burundais Pierre Buyoya, de l’écrivain et diplomate congolais Henri Lopes, de l’ex-Premier ministre mauricien Jean-Claude de l’Estrac, et de l’ancien ministre équato-guinéen Agustin Nze Nfumu.
A sa prise de fonction, le 5 janvier 2015, Michaelle Jean était d’ailleurs la première SG de l’OIF issue d’un pays non-africain, après le passage de l’égyptien Boutros-Boutros Ghali et du sénégalais Abdou Diouf, alors qu’il règle tacite voudrait que le poste soit dévolu à un ressortissant du sud, et celui d’administrateur de l’OIF, réservé à un ressortissant du nord.
Controverses et défis
Autant dire qu’avec l’élection de la rwandaise Louise Mushikiwabo, c’est presque un retour au berceau pour l’OIF dont l’avenir se joue sur le continent. Il reste que les défis sont immenses pour la nouvelle secrétaire générale dont le chemin pour le plus haut poste de l’organisation a été parsemée d’embûches. Sa candidature ainsi que le rôle joué par la France, ont soulevé une valse de critiques sur le continent mais aussi dans l’hexagone. En Afrique, beaucoup ont critiqué, « un retour de la Françafrique » avec l’activisme dont a fait montre Emmanuel Macron pour soutenir sa candidature, alors qu’en France et dans plusieurs autres pays africains, elle a été surtout critiqué pour l’Etat des droits humains et des libertés publiques dans son pays, le Rwanda, du président Paul Kagamé.
C’est justement sur ces questions que sera attendue la nouvelle patronne de la Francophonie, une organisation en pleine crise de valeurs. Si Louise Mushikiwabo s’est engagée à « redorer le blason » de l’organisation et à faire de la jeunesse ses priorités, elle sera plus attendue sur les questions de droits humains et de promotion de la bonne gouvernance, là où l’OIF a fait preuve ses dernières années, de son leadership, tout en veillant à renforcer l’émergence d’une francophonie économique, l’une des alternatives qui permettra aux pays membres de l’organisation de s’adapter aux mutations mondiales contemporaines.
Avec la tribune afrique