La Chine, qui a déjà réduit ses investissements dans la dette publique américaine jusqu’à son minimum depuis six mois, est prête à prendre des mesures supplémentaires.
Selon le Wall Street Journal, Pékin compte se débarrasser en octobre de 3 milliards de dollars d’obligations américaines supplémentaires, ce qui constituera l’une des plus grandes ventes depuis 2004. En cause: la dégradation des relations avec Washington à cause de la guerre commerciale. Qu’arriverait-il si les Chinois utilisaient l’arme de la dette à pleine puissance?
Vous étiez prévenus
La Chine est le plus grand créancier étranger de l’économie américaine. La Banque centrale chinoise possède actuellement plus de 1.000 milliards de dollars de bons du Trésor, soit presque 20% de toute la dette publique de Washington possédée par des étrangers.
Fin 2016-début 2017, les Chinois avaient réduit leurs placements dans ces titres pour compenser le renforcement du yuan, avant de rétablir leur portefeuille d’obligations.
L’économie chinoise est affectée par les agissements des USA: le préjudice de la guerre commerciale déclenchée par Washington se chiffre déjà en milliards de dollars. Depuis le début de l’année, l’indice de la bourse chinoise Shanghai Composite a chuté de 15%.
Pékin a averti plusieurs fois que si cette situation perdurait, la Chine devrait se débarrasser de la dette publique américaine pour des raisons économiques. Elle est aujourd’hui passée des paroles aux actes.
En six mois la Chine, a déjà réduit ses investissements dans les obligations américaines de 7,7 milliards de dollars. Une vente plus massive pourrait déstabiliser le cours du dollar et de ralentir l’économie des USA.
Mais Washington ne comprend visiblement pas les insinuations de Pékin. Fin septembre, le président américain Donald Trump a décrété de nouvelles taxes de 10% sur 200 milliards de dollars de produits chinois et promis d’augmenter ces taxes jusqu’à 25% en 2019.
La riposte
De son côté, la Chine est déterminée. «Lors de la prochaine vente de dette publique américaine qui devrait commencer la semaine prochaine, les investissements dans les obligations américaines sur 5, 10 et 30 ans seront réduits de 3 milliards de dollars», note le Wall Street Journal.
Les experts financiers craignent que cela coûte cher à l’économie américaine. Si Pékin vendait une grande partie de ses obligations américaines, leur valeur chuterait et leur rendement monterait en flèche. Cela augmenterait automatiquement le prix des emprunts pour les USA — aussi bien pour les compagnies que pour les consommateurs — et porterait un coup dur à la croissance économique. L’émission d’obligations deviendrait plus difficile pour la Maison blanche.
«L’économie serait bouleversée par les taux d’intérêts élevés, ce qui aurait un puissant effet de ralentissement», explique Jeff Mills, stratège d’investissement chez PNC Financial Services Group.
Le Japon en approche
Les craintes des observateurs sont également liées aux positions du deuxième plus grand créancier des États-Unis: le Japon. En juin, le portefeuille de bons du Trésor japonais a baissé jusqu’à 1.030 milliards de dollars, son niveau le plus bas depuis sept ans.
La Chine et le Japon ne sont pas les seuls à vendre leurs obligations américaines. La Russie et la Turquie, visées par la pression économique de Washington, ont déjà quitté le top-30 des détenteurs d’obligations américaines.
D’ailleurs, Moscou s’est débarrassé de pratiquement tout son portefeuille: en avril-mai, la Banque centrale russe a réduit ses investissements dans la dette américaine à la somme dérisoire de 15 milliards de dollars (alors qu’elle dépassait 100 milliards de dollars début 2018).
Des détenteurs plus modestes comme le Mexique, l’Inde et Taïwan vendent également leurs obligations américaines.
«Les créanciers étrangers sont cruciaux pour l’économie américaine. Nous ne pouvons pas exister avec une telle croissance économique et les pronostics affligeants sur le déficit budgétaire sans capital étranger», indiquent les responsables de la société de gestion américaine Loomis, Sayles & Company.
Pendant ce temps, la tendance générale à la vente des obligations se renforce. Selon les estimations de l’agence de presse Reuters, le rythme auquel les investisseurs se débarrassent actuellement des obligations américaines est le plus intensif depuis octobre 2016.
Et pour cause: la politique agressive de Washington réduit le nombre de volontaires désireux d’investir dans l’économie américaine, et incite de plus en plus de pays à exclure le dollar de leurs paiements.
La «tyrannie» du dollar
L’agence Bloomberg écrit que le rôle dominant du dollar touche à sa fin, que le statut actuel de la monnaie américaine est une «tyrannie» et qu’il est «temps de changer de régime».
Bloomberg indique qu’à l’heure actuelle, la situation du système financier est paradoxale. D’un côté, le dollar est une monnaie mondiale qui représente plus de la moitié des paiements, et de l’autre, le Président américain affirme l’exclusivité de son pays. C’est pourquoi les autres acteurs internationaux revoient rapidement leur attitude par rapport au dollar.
La Russie réduit notamment ses actifs en dollars à cause des risques croissants liés aux virements internationaux, tandis que la Chine lance un défi au dollar sur les marchés énergétiques mondiaux en signant des contrats en yuans.
Avec sputnik