Dans un rapport publié ce jeudi 12 octobre, l’OCDE a analysé les grandes tendances des recettes fiscales et non-fiscales dans une quinzaine de pays africains sur la période 1990 à 2015. Si la mobilisation des recettes a connu une sensible et constante augmentation sur la période d’évaluation, les gouvernements africains ont encore de la marge pour améliorer la contribution des ressources fiscales à la croissance de leur PIB. C’est selon l’OCDE, un des principaux enjeux pour les pays africains qui peuvent ainsi compter sur leurs ressources internes pour absorber certains chocs et financer leur stratégie de développement.
C’est un rapport qui tombe à point nommé et qui confortera bien des gouvernements africains qui peinent à mobiliser les ressources internes et principalement fiscales pour faire face à la conjoncture économique difficile de ces dernières années. Dans la seconde édition de son rapport sur « les statistiques des recettes publiques en Afrique » qui a été publié aujourd’hui à Addis Abeba au siège de l’UA, l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) a souligné que « la mobilisation des ressources domestiques progresse de façon constante dans les pays africains ». Les données compilées par le rapport offre une vue d’ensemble des grandes tendances des recettes dans seize pays d’Afrique et examine par la même occasion, les variations des niveaux de recettes fiscales et non fiscales en pourcentage du PIB ainsi que leurs composantes entre 1990 et 2015.
En 2015, par exemple, le ratio moyen des recettes fiscales rapportées au PIB pour les 16 pays couverts par cette seconde édition du rapport ressortait à 19,1%, soit une hausse de 0,4 point par rapport à 2014. Tous les pays analysés ont par exemple vu leurs recettes fiscales croître en pourcentage du PIB depuis 2000, avec une progression annuelle de 5 points en moyenne.
Les compilations des données officielles recueillies confirment ainsi la moyenne des 16 pays couverts par le rapport et qui s’approche de celle qu’on met généralement en avant sur le ratio moyen impôts-PIB, lequel s’estimait à 19,1% en 2015. Avec des disparités en fonction des pays puisque exprimé en pourcentage du PIB, ce ration va de 10,8% RDC à 30,3% en Tunisie. A titre de comparaison, il était à la même année de 22,8% en moyenne dans les pays d’Amérique latine et des Caraïbes qui s’élevait à 22,8% et de 34,3% dans les pays de l’OCDE.
Des disparités en fonction des pays et des sources des recettes
Bien qu’il reste encore faible par rapport à la moyenne mondiale et surtout au vu des marges pour les pays africains, l’OCDE a noté une progression sensible du ratio impôts-PIB qui a par exemple cru de 0,4 points entre 2014 et 2015. Une hausse certes légèrement inférieure à la moyenne des pays d’Amérique latine et des Caraïbes mais supérieure à la moyenne des pays de l’OCDE. Tous les pays analysés dans le rapport, à l’exception du Kenya, de la Tunisie et du Maroc ont ainsi connu des hausses de leur ratio impôts-PIB sur cette période. La palme d’or en la matière revient au Cap-Vert suivi de l’Afrique du Sud et de l’Ouganda même si leurs efforts ne s’expliquent pas par les mêmes facteurs. L’augmentation enregistrée par exemple au Cap Vert s’explique par des réformes fiscales et une modernisation de l’administration fiscale alors qu’en Afrique du Sud, elle s’explique par la hausse des recettes provenant de l’impôt sur le revenu, suite à une réforme fiscale mis en œuvre dans le pays.
De manière générale et en extrapolant à partir des données du rapport, l’OCDE confirme la tendance observable que depuis 2000, le ratio moyen impôts-PIB des pays d’Afrique a augmenté de 5 points de pourcentage, une hausse similaire à la moyenne des pays d’Amérique latine et Caraïbes et plus rigide que celles des pays de l’OCDE. Ce qui prend, dans une moindre mesure, le contre-pied de certaines estimations qui font cas d’une faiblesse des pays africains à s’atteler à mobiliser plus de recettes fiscales.
Les moteurs principaux de la croissance du ratio moyen impôts-PIB ont été les hausses des recettes provenant de la TVA et des impôts sur le revenu et les alors que les variations observées au niveau des cotisations de sécurité sociale, des recettes des impôts sur le patrimoine et des autres impôts sur la consommation s’avèrent plus modestes. Dans les détails, il ressort que la part principale du total des recettes fiscales dans la moyenne des pays d’Afrique était attribuable aux recettes provenant des taxes sur les biens et les services (57,2%) et particulièrement à la TVA (31,5% des recettes fiscales totales). La part des recettes provenant des impôts sur le revenu et les bénéfices s’élevait à 32,4 % et hors cotisations de sécurité sociale, la structure fiscale de la moyenne des pays d’Afrique ressemble à celle de la moyenne des pays d’Amérique latine et Caraïbes. Cependant, pour les cotisations de sécurité sociale, la moyenne des pays d’Amérique latine et Caraïbes était deux fois supérieure à celle de la moyenne des pays d’Afrique.
Par ailleurs, le rapport de l’OCDE montre que les structures fiscales varient de façon importante entre les pays. En Afrique du Sud, au Kenya et au Swaziland, environ la moitié des recettes fiscales provenaient des impôts sur le revenu et les bénéfices, alors que cette catégorie allait de 18.6 % au Togo à 37.6 % au Rwanda. En Tunisie et au Maroc, la répartition des recettes entre les catégories d’impôts est différente de celle des 14 autres pays africains avec la part des cotisations de sécurité sociale qui est la plus élevée.
Le rapport s’est également à la structure des recettes non fiscales dont le ratio, en pourcentage du PIB, est inférieur au total des recettes fiscales dans les seize pays d’Afrique. Le total des recettes non fiscales va ainsi de 0.6 % du PIB en Afrique du Sud à 15.1 % du PIB au Swaziland, ce qui est aussi presque aussi élevé que celui des recettes fiscales, qui ressort à 15.3 % du PIB. Il convient toutefois de relever à ce niveau que comme l’a mis en évidence les données relatives aux recettes non fiscales disponibles pour les dix dernières années, que sur les 16 pays, huit ont montré une tendance à la baisse des ratios recettes non fiscales-PIB, et seulement six ont montré une tendance croissante. « Les recettes non fiscales exprimées en pourcentage du PIB varient de façon plus importante que les recettes fiscales au fil du temps » ont conclut les auteurs du rapport qui explique cette variation par la volatilité des dons et des recettes tirées des impôts sur la propriété principalement les loyers et redevances. Ces dernières sont en effet directement affectées par les variations des prix des matières premières. A titre d’exemple chiffré, les dons ont représenté 7.2 % du PIB du Niger et 6.3 % du PIB du Rwanda alors que les recettes tirées des impôts sur la propriété ont représenté 2.8 % du PIB du Cameroun, provenant principalement des loyers et redevances.
Enjeux majeurs pour le développement
« La mobilisation des ressources intérieures est une priorité cruciale pour les pays africains » estime également l’OCDE dans la droite ligne des recettes formulées par d’autres institutions financières comme le FMI. Pour l’OCDE, renforcer la mobilisation des ressources intérieures a même des avantages au-delà de la perception des recettes. « Des institutions budgétaires plus solides peuvent améliorer la résilience de l’État et la gouvernance, et une administration de l’impôt efficiente peut avoir des retombées positives en termes de productivité des entreprises », ont recommandé les auteurs du rapport pour qui aussi, une meilleure capacité à collecter l’impôt peut également réduire la dépendance à l’aide étrangère. Si les pays africains ont déployé des efforts considérables pour renforcer la mobilisation de leurs recettes intérieures en s’appuyant sur des politiques fiscales et sur une amélioration de l’administration de l’impôt, des difficultés subsistent. Parmi celles-ci, l’OCDE cite l’importance du secteur informel, qui représenterait selon les estimations 38 % du PIB de l’Afrique sub-saharienne, et l’étroitesse de la base d’imposition dans les pays riches en ressources qui les rend plus vulnérables à l’instabilité des recettes tirées de ces ressources.
Des défis auxquels les gouvernements africains devront s’atteler à prendre en charge pour renforcer leur résilience aux chocs mais aussi financer leur stratégie de développement. De manière générale en Afrique, la nouvelle stratégie de mobilisation des recettes fiscales mise en œuvre par plusieurs pays pour contenir les répercussions de la morosité économique ambiante, est perçue comme un prétexte pour amplifier davantage la pression fiscale, sus injonction des bailleurs de fonds. « Trop d’impôts, tue l’impôt » sauf que le continent en est encore loin. C’est en tout cas ce que confirme les conclusions du rapport réalisé par le Centre de politique et d’administration fiscales ainsi que le Centre de développement de l’OCDE, le Forum sur l’administration fiscale africaine (ATAF) conjointement avec la Commission de l’Union africaine et l’assistance technique de la Banque africaine de développement, de l’Organisation mondiale des douanes et du Centre de rencontres et d’études des dirigeants des administrations fiscales et le soutien financier de l’Union européenne.
Avec latribuneafrique