Conséquence de la vague des nouvelles technologies, le secteur manufacturier se métamorphose. Les entreprises doivent toutefois réussir à se maintenir à flot, et pour réussir, le modèle d’affaires est plus important que jamais. Survol des modèles d’affaires qui fonctionnent en 2019.
Les nouveaux procédés et les nouvelles technologies de fabrication ne changent pas seulement la façon de produire, mais aussi les modèles d’affaires. Les entreprises manufacturières qui intègrent les nouvelles technologies doivent donc savoir s’adapter en conséquence. Comment y arriver ?
Elaine Mosconi en sait quelque chose. Professeure à l’École de gestion de l’Université de Sherbrooke, elle est aussi cofondatrice du Centre d’excellence en gestion de l’entreprise manufacturière innovante (CEGEMI). Il s’agit d’un organisme mis sur pied l’an dernier dont la mission est d’aider les fabricants québécois à déterminer les technologies appropriées à leur processus de fabrication, mais aussi à cerner les occasions d’affaires que pourraient engendrer ces technologies.
Mme Mosconi a notamment travaillé avec une entreprise de la région de Sherbrooke dont elle doit garder le nom confidentiel, spécialisée en fabrication d’équipements pour le secteur automobile. Cette firme, qui vend des millions de dollars d’équipement partout dans le monde, a récemment intégré différentes technologies dans les machines qu’elle fabrique, comme des capteurs, pour les rendre intelligentes.
«Ça a complètement transformé son modèle de création de valeur», dit Mme Mosconi. Pourquoi ? Parce que la firme peut maintenant se servir des données qu’elle récolte sur ses machines réparties dans plusieurs usines dans le monde pour mieux conseiller ses clients quant à la manière de les utiliser. «Alors que l’entreprise n’était avant qu’un fabricant, elle offre aujourd’hui également un service : elle peut suggérer des améliorations à ses clients pour optimiser leurs opérations», explique Mme Mosconi. Il peut s’agir d’interventions, comme ajuster un paramètre de la machine, mais aussi réduire la température de la pièce ou offrir une formation spécifique à l’opérateur.
Éviter les trips technos
Repenser son modèle d’affaires est crucial à l’intégration de nouvelles technologies. Mme Mosconi raconte par exemple l’histoire d’un propriétaire d’entreprise de la Beauce. En 2017, celui-ci a assisté à une foire commerciale où étaient présentées de nouvelles technologies sophistiquées.
«Il a décidé d’acheter un certain équipement parce qu’il estimait que celui-ci l’aiderait dans sa production, dit Mme Mosconi. Sauf que, deux ans plus tard, sa machine n’est toujours pas fonctionnelle. Elle est pourtant moderne, puissante et dernier cri.» C’est que l’entreprise n’a pas les compétences à l’interne pour manipuler cet équipement et que les employés se sentent menacés. Certains ont même quitté la société.
Les transformations numériques, qu’elles concernent l’implantation de fabrication additive, la récolte et l’analyse de données, ou la mise en place de robotique, ne doivent donc pas être de simples «trips technologiques», avise Mme Mosconi. La création de valeur et le modèle d’affaires doivent être considérés dès le départ. La technologie doit rester un moyen, pas une fin.
Son organisme, le CEGEMI, conseille donc vivement aux entreprises de se demander comment les technologies pourraient transformer leur proposition de valeur. Le ministère de l’Économie et de l’Innovation peut à cet égard les aider : il offre aux firmes la possibilité de faire un audit ou un diagnostic pour mieux comprendre l’état de leur situation technologique. «L’entreprise reçoit ensuite un plan d’action, dit Mme Mosconi. Celui-ci devrait être un bon premier pas dans l’analyse de sa proposition de valeur.»
Développer différemment
L’implantation de nouvelles technologies signifie souvent, aussi, de revoir le processus de développement de produit, explique Alexandre Paré, cofondateur de Revtech Systèmes, une entreprise spécialisée dans le déploiement de solutions robotiques dans le secteur manufacturier.
Il devient alors important, selon lui, pour une entreprise, de demander conseil à des gens – à l’interne ou en consultation – qui connaissent bien ces technologies. «Souvent, une entreprise développera un beau produit qui répond bien aux besoins du client, mais le conçoit de telle manière qu’il est ensuite bien difficile à fabriquer par des robots ou par d’autres processus technologiques ou automatisés.» L’entreprise doit ensuite retourner à la planche à dessin et concevoir de nouveau son produit du début, de sorte qu’il peut être fabriqué facilement.
«De simplement changer un type d’alliage ou de peinture peut parfois faciliter de beaucoup la fabrication grâce à certains outils technologiques», dit M. Paré.
La fabrication de pierres de revêtement extérieur est un bon exemple. Celles-ci peuvent être colorées de deux façons : en profondeur, en mélangeant une couleur avec la poudre de béton qui forme la pierre, ou en surface, en appliquant une peinture avec un robot.
«La peinture en surface risque de sauver de la matière première, et donc de réduire les coûts, en plus d’accélérer la cadence de production», dit M. Paré. C’est aussi un processus plus facile à automatiser. Mais si l’entreprise avait d’abord choisi de fabriquer ses pierres en les teignant en profondeur, et veut ensuite automatiser sa production, le défi sera plus grand parce qu’elle devra repenser la conception de son produit. Produire différemment, c’est aussi développer différemment.
avec : lesaffaires