Parler des nouvelles tendances en économie de fonctionnalité, en co-working, en économie coopérative ou encore en crowdfunding, est au goût du jour. Sans aucun doute! Et il en existe des dizaines, parfois avec des noms relativement connus tels que le logiciel libre et d’autres plus exotiques, par exemple l’économie de l’innovation frugale.
La première question que l’on peut se poser est “pourquoi en entend-on autant parler?”. Plusieurs réponses sont possibles, dont la première est purement logique : internet, tablettes et smartphones nous donnent beaucoup plus d’accès à l’information et il est aussi immensément plus aisé de publier pour toutes celles et ceux qui s’y intéressent.
Si l’on pousse un peu la réflexion, on s’aperçoit que le contexte leur est favorable : les préoccupations actuelles sur le réchauffement climatique, l’inclusion de plus en plus fréquente de thèmes sur l’écologie dans la politique, la lame de fond à propos de la responsabilité sociétale des entreprises et les dangers planant sur la biodiversité, leur sont de véritables catalyseurs.
Mais, dans la suite des réflexions, nous nous retrouvons aussi dans une situation alarmiste, ou alarmante si vous le préférez, à propos d’une économie traditionnelle en bout de souffle, sautant allègrement de crise financière en crise de chômage, ballottée par des crises politiques et des conflits religieux. Bref, une perte de sens devant les bulles consécutives d’une économie agonisante à force d’exagérations extrêmes?
Ceci nous amène à la deuxième question : “Sont-elles des révolutions?”. Sont-elles présentes pour bouleverser l’ordre établi et créer une nième révolution ou cherchent-elles à remettre du sens dans une globalité économique?
En regardant de près, la deuxième option est plus probable que la première. Même si notre histoire s’est souvent déroulée par l’insensé, l’adversité a toujours été génératrice de mouvements pleins de bon sens : comment peut-on faire mieux avec ce que l’on a?
L’économie coopérative est née officiellement il y a plus de cent cinquante ans, avec la société des équitables pionniers de Rochdale en Angleterre, suivie de près par la coopérative de crédit mutuel Raiffeisen, puis par les coopératives agricoles et laitières, entre autres.
Le crowdfunding, ou financement par la foule, n’est-il pas une version technologique de la bonne vieille cagnotte? L’économie de fonctionnalité a plus de quarante ans, avec des acteurs de poids tels que Xerox, Michelin et maintenant Mobility, pour n’en citer que quelques-uns. Le co-voiturage n’est-il pas une version améliorée de l’auto-stop? L’économie circulaire n’a-t-elle pas ses racines dans l’agriculture où une partie de ce qui sort des étables retourne ensuite dans la terre des champs?
Ce qui est certain, c’est que ces économies de “bon sens” ont souffert de la course à la compétitivité et de dures lois de la concurrence prônées par l’économie dominante. Elles se sont parfois éteintes devant la formation de monopoles écrasants.
Mais la donne a changé progressivement depuis une vingtaine d’années, avec l’avènement de nouvelles technologies dans de nombreux domaines, ainsi que du web avec ses communications globalisées et instantanées. L’information est devenue facilement accessible, partageable et transférable, favorisant exponentiellement les échanges d’expériences. Les limites de l’imagination ont été repoussées, l’impossible remplacé par le probable et possible, le local est devenu élargi ou même global.
Des applications sur smartphone vous permettent d’échanger votre outillage avec d’autres personnes que votre voisin direct, des secteurs industriels entiers se penchent sur l’économie de ressources en matière première par l’économie circulaire et l’écologie industrielle, le crowdfunding étend le principe de la cagnotte vers de nouveaux horizons, parfois même internationaux.
Ces “nouvelles” logiques économiques sont bien plus des adaptations d’anciennes logiques du bon sens à un nouveau contexte plus favorable, ce qui leur permet de reprendre des forces et regagner le terrain perdu.
Assistera-t-on à un combat idéologique acharné entre elles et l’économie dominante jusque dans leurs derniers retranchements? Probablement pas. Le futur est certainement dans l’équilibre de la place de chacune dans la globalité économique, avec des échanges et des apprentissages mutuels.
Avec Monde Economique