Nouvelle loi sur la presse, le Conseil constitutionnel saisi par trois organisations professionnelles et de la société civile ivoirienne. Voici ce qu’elles dénoncent. Lire ci-dessous les arguments développés par Christophe Kouamé, président de Civis-Côte d’Ivoire (Citoyens et participation, organisation de la société civile).
Le vendredi 05 mai 2017 a été voté en commission le projet de loi portant régime juridique de la presse en Côte d’Ivoire. Ce projet de loi vient modifier en profondeur la loi n°2004-643 du 14 décembre 2004, obtenu à la suite d’un consensus national et qui dépénalisait les délits de presse (…)
Le Conseil constitutionnel saisi
La rédaction de l’article 90 du projet de loi portant régime de la presse, vu l’utilisation du terme « quiconque », constitue une généralisation des délits qui au départ devraient être spécifiques à la presse, à tout citoyen (jeunes, femmes, enfants, politique, blogueur, activiste, toute personne vivant en Côte d’Ivoire) et non aux seuls journalistes que ladite loi est censée viser.
De même, l’utilisation dans le même article 90 du groupe nominal « ou par tout autre moyen de publication » étend la répression à tout utilisateur des réseaux sociaux (Facebook, twitter, etc.)
La présente communication s’articule autour de trois axes: l’analyse comparative du projet de loi 2017 avec la loi de 2004, les enjeux et impacts et enfin nos recommandations et perspectives.
ANALYSE COMPARATIVE DU PROJET DE LOI 2017 ET DE LA LOI N°2004-643
D’une manière générale, les modifications de lois se font dans un esprit progressiste, en améliorant l’existant pour l’adapter aux exigences du moment. Dans le cas précis de la loi portant régime juridique de la presse, cette règle a-t-elle été observée ?
Le projet de loi comporte 108 articles, notamment 26 articles (Art 40 à 65) consacrés à l’Autorité de régulation de la presse (Conseil national de la presse) ; 7 articles (Art 77 à 83) consacrés aux sanctions de la violation des dispositions relatives aux entreprises de presse ; 2 articles (art 87 et 88) consacrés à l’aide publique à la presse et 18 articles (art 89 à 106) consacrés aux dispositions pénales.
« L’UTILISATION DANS LE MÊME ARTICLE 90 DU GROUPE NOMINAL « OU PAR TOUT AUTRE MOYEN DE PUBLICATION » ÉTEND LA RÉPRESSION À TOUT UTILISATEUR DES RÉSEAUX SOCIAUX (FACEBOOK, TWITTER, ETC.) »
À l’analyse, on peut retenir les dispositions nouvelles suivantes :
– Le Directeur de publication, journaliste professionnel comme personnel permanent obligatoire d’une entreprise de presse (art. 6) ;
– La qualification juridique de la production d’informations numériques (art. 1 et Titre 3) ;
– La reconnaissance de la protection juridique d’un titre (art. 10) ;
– Les conditions de reprise de la publication d’un titre tombé dans le domaine public (art. 10) ;
– Obligation de dépôt légal pour la production d’informations générales (art 18) ;
– Est puni d’un emprisonnement d’un à cinq ans (…), quiconque par voie de presse ou par tout autre moyen de publication (…) (art.90).
ENJEUX ET IMPACTS DU PROJET DE LOI 2017
Si l’on note la volonté de l’exécutif de renforcer la professionnalisation des journalistes et des entreprises de presse, l’article 90 constitue néanmoins un net recul des libertés d’expression, d’opinion et de presse. Pour rappel, le projet de loi objet de nos échanges porte régime juridique de la presse, c’est-à-dire que c’est un projet de loi adapté ou spécifique à la presse.
Cependant, la rédaction de l’article 90 du projet de loi portant de la presse, vu l’utilisation du terme « quiconque », constitue une généralisation des délits qui devraient être spécifiques à la presse, à tout citoyen (jeunes, femmes, enfants, politique, blogueur, activiste, toute personne vivant en Côte d’Ivoire) et non aux seuls journalistes que ladite loi est censée viser.
Par ailleurs, l’utilisation dans le même article 90 du groupe nominal « ou par tout autre moyen de publication » étend la répression à tout utilisateur des réseaux sociaux (Facebook, twitter, etc.)
Cet article 90 fait obstacle à plusieurs dispositions juridiques reconnues par la Constitution ivoirienne : L’article 11 de la déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789, L’article 19 de la déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, L’article 19 de la Constitution de la IIIème République de Côte d’Ivoire.
RECOMMANDATIONS ET PERSPECTIVES
À l’évidence, selon l’exposé des motifs du projet de loi 2017, l’Exécutif a voulu adapter la loi 2004 aux exigences du moment (professionnalisation de la presse, émergence des TIC). Cependant à la lecture de certaines dispositions restrictives des libertés fondamentales, il est impératif que le législateur procède à des amendements qualitatifs de ces dispositions susvisées.
Aussi, à l’heure de la mondialisation et de la globalisation, tous les pays sont régulièrement classés à l’aide de multiples indicateurs. Le développement économique, social, culturel et environnemental s’apprécie de plus en plus à l’aune de la démocratie et de l’État de droit du pays.
En clair, les investisseurs ne vont que là où la justice est excellente, la gouvernance est bonne et la corruption faible.
Avec andresilverkonan