La récente annonce par le ministre nigérian de l’aviation, Hadi Sirika de la création d’une nouvelle compagnie aérienne nationale, Nigeria Air, d’ici à la fin de l’année, suscite dans le pays des réactions très mitigées.
Dans une conférence de presse au Salon international de l’aéronautique de Farnborough mercredi M. Sirika a expliqué que son gouvernement avait “une responsabilité morale et sociale de créer un nouveau transporteur aérien”.
Le pays est sans compagnie aérienne nationale depuis la fermeture de Nigeria Airways en 2003, compagnie criblée de dettes qui a fini par succomber à ses difficultés financières.
Supo Atobatele, rédacteur en chef d’Air Transport Quarterly et ancien porte-parole de l’Agence nigériane de gestion de l’espace aérien, a estimé que ce changement était attendu depuis longtemps.
“Une compagnie aérienne battant notre pavillon à travers le monde renforcera l’image internationale de notre pays”, a-t-il déclaré à l’AFP.
Mais les réactions à l’annonce sont loin d’être toutes positives cependant, étant donné le bilan peu enviable du Nigeria dans le domaine de l’aviation.
Plus de 40 compagnies aériennes ont fait faillite au Nigeria au cours des 30 dernières années, notamment Nigeria Airways, qui s’est effondrée sous le poids de la dette en 2003.
Quinze ans plus tard, de nombreux anciens employés n’ont toujours pas reçu leur salaire et leurs pensions, selon les syndicats.
Supo Atobatele estime que le nouveau transporteur doit être à l’abri d’interférences politiques pour survivre. “La principale raison pour laquelle Nigeria Airways a échoué est qu’il s’agissait d’un service social et non d’une entreprise. Nigeria Air ne devrait pas subir le même sort”, a-t-il ajouté.
Le secrétaire général du Syndicat national des employés du transport aérien, Olayinka, Abioye, a déclaré qu’il s’inquiétait de l’utilisation des fonds publics pour financer la nouvelle compagnie aérienne.
“Qu’adviendra-t-il du sort des compagnies aériennes nationales qui se sont vu attribuer les routes de la défunte Nigeria Airways”, a-t-il ajouté. “Seront-elles exclues de ces routes lorsque le nouveau transporteur national entrera en service ?.”
Pour Abolaji Odumesi, fréquent voyageur de Lagos, il n’est cependant pas nécessaire de lancer une nouvelle compagnie aérienne.
“Nous aurions dû ressusciter Arik Air et Aero Contractors pour former le noyau de Nigeria Air puisqu’ils ont été repris par le gouvernement en raison de leurs énormes dettes “, a-t-il ajouté.
D’autres enfin estiment que le Nigeria avait des questions plus urgentes à résoudre.
L’ancien ministre de l’éducation Oby Ezekwesili a déclaré qu’une compagnie aérienne nationale était “clairement une mauvaise priorité” et un “gaspillage” d’argent qui pourrait être mieux dépensé ailleurs.
Quelque 86,9 millions des plus de 180 millions d’habitants du Nigeria vivent aujourd’hui dans l’extrême pauvreté et cette proportion pourrait augmenter à mesure que la population augmente.
Seule une infime minorité a bénéficié des milliards de dollars générés par la production pétrolière. La corruption et la mauvaise gestion ont laissé les services publics en lambeaux et les infrastructures inadéquates.
Le président Buhari, qui voudrait se faire réélire en février 2019 avait fait de la relance d’une compagnie nationale aérienne une promesse de campagne en 2015.
Mais pour la plupart des Nigérians, l’avion reste un luxe.
Avec AFP