LE CERCLE/POINT DE VUE – Simple logique économique ou stratégie délibérée d’un géant soucieux d’étendre son influence ? Le boom des investissements chinois nourrit les fantasmes et inquiète, surtout lorsque ceux-ci concernent des fleurons de l’économie française.
L’année 2015, durant laquelle les investissements directs à l’étranger (IDE) en France ont connu un rebond, clôt un cycle de dix années de morosité et succède à une annus horribilis en 2014. La crise financière est en partie responsable de ce ralentissement, mais l’environnement juridique et fiscal français est également pointé du doigt. Sa complexité et son instabilité chroniques alimentent le “french bashing”. S’y ajoutent les déclarations de responsables politiques.
On se souvient du conflit par médias interposés entre Arnaud Montebourg, alors ministre du Redressement productif, et Maurice Taylor, le patron de l’entreprise américaine Titan, à propos de la reprise de l’usine Goodyear d’Amiens . L’intérêt de la Chine prouve au contraire que notre pays demeure attractif. En 2015, les flux financiers chinois à destination de l’Hexagone ont atteint le niveau record de 3,6 milliards de dollars, plaçant notre pays au deuxième rang européen, selon une étude de Backer & McKenzie.
Des investissements à fort potentiel
Dans son livre Investissements chinois – Mythes et réalités, Camille-Yihua Chen affirme que ces investissements ne sont pas le fruit d’une stratégie délibérée et coordonnée de la part de Pékin. Selon elle, ils reflètent la réorientation d’une partie de la croissance chinoise vers la consommation et le souhait de la Chine de ne plus simplement être “l’atelier du monde”. Ils sont également la conséquence d’une domination économique qui devrait s’accentuer.
On accuse souvent les rachats d’entreprises françaises de participer à la désindustrialisation du pays, comme celui de la branche électricité d’Alstom par General Electric qui connaît une suite dramatique. C’est oublier le potentiel industriel de ces investissements étrangers. Ainsi, le groupe chinois Inesa ouvre une usine de fabrication de LED dans la Meuse. D’autres s’apprêtent à investir dans la filière du lait en Bretagne .
Contrôle des investissements étrangers
Loin de tomber dans l’angélisme, la France dispose des moyens de contrôler les investissements qui pourraient nuire à ses intérêts. Si les flux financiers sont libres, une autorisation administrative préalable est nécessaire pour prendre le contrôle d’une entreprise française située dans un secteur considéré comme “stratégique”. Prévu pour les secteurs de la défense et de l’armement, un décret d’Arnaud Montebourg de 2014 en a étendu le principe à des activités comme l’énergie, l’eau, les transports, les télécoms ou la santé.
On peut s’interroger sur l’efficacité d’un tel élargissement qui conduit, de facto, à protéger une bonne partie de l’économie française, tout en adressant un signal de méfiance aux investisseurs qui doivent de fait s’entourer des meilleurs conseils. Il a cependant le mérite d’introduire dans la réflexion des critères “non-économiques” et de privilégier une approche au cas par cas. Pas sûr qu’il faille par exemple laisser des infrastructures essentielles de transport, comme l’aéroport de Toulouse maintenant détenu par un consortium chinois , aux mains d’actionnaires étrangers.
Il faut travailler avec ses partenaires commerciaux
Au-delà, c’est plutôt vers la réciprocité que l’activisme des pouvoirs publics devrait se tourner. En Europe, l’idée fait son chemin, notamment dans le domaine des marchés publics où l’Union européenne (UE) demeure par son degré d’ouverture, une exception mondiale et songe à conditionner l’accès à ses marchés.
Au lieu de regretter l’afflux d’investissements étrangers porteurs de croissance et d’emploi, il conviendrait de travailler avec nos partenaires commerciaux pour que les investissements français puissent, eux aussi, trouver des débouchés. C’est le cas en Chine avec le développement de nombreux groupes français dans des domaines aussi variés que le luxe, les télécoms, les transports et la grande distribution.
avec lesechos