Plus de quinze ans après sa création, la société parisienne Nanobiotix est en passe de réussir son pari: utiliser les propriétés uniques des nanotechnologies pour améliorer le traitement du cancer par la radiothérapie. Après avoir validé à l’été 2018 la dernière phase d’essais cliniques dans le sarcome des tissus mous, l’entreprise a reçu jeudi l’autorisation de mise sur le marché de son produit phare, désormais baptisé Hensify.
C’est un jalon encore rarement atteint parmi les entreprises françaises de biotechnologies: Nanobiotix a fait état jeudi après Bourse de l’attribution du marquage CE -autorisant la mise sur le marché dans les 27 pays de l’Union- à son produit phare NBTXR3, en tant que “radioenhancer” (amplificateur de radiothérapie) dans le traitement des sarcomes des tissus mous (STM), un groupe de tumeurs hétérogènes -touchant les muscles, les ligaments, le tissu adipeux, les vaisseaux sanguins ou lymphatiques- difficiles à traiter. Dans ce cadre, le produit phare de la société fondée en 2003 par Laurent Levy recevra le nom commercial de Hensify.
“Nous ne pourrions être plus fiers de recevoir l’autorisation de mise sur le marché en Europe pour Hensify. Cela valide plus de 15 ans de travail acharné, une recherche scientifique de pointe, et un engagement fort pour changer la vie de nos patients. C’est une réussite majeure qui représente une étape de plus dans notre mission d’améliorer la vie de millions de gens à travers le monde”, s’est félicité le fondateur et PDG de Nanobiotix.
Le feu vert européen se fonde notamment sur l’étude de phase 2/3 “Act.In.Sarc” qui avait réuni 180 patients atteints de STM localement avancés (au niveau d’un membre ou du tronc), répartis en deux groupes.
Annoncés en juin 2018, les résultats avaient montré un taux de réponse complète au traitement (quasi-disparition des cellules tumorales viables) de 16,1% dans le groupe traités par radiothérapie + Hensify, soit deux fois plus important que dans le groupe traité par radiothérapie seule (7,9% de patients en réponse complète). De plus, dans le sous-groupe de patients ayant une maladie plus avancée (grade histologique 2 et 3), une réponse complète avait été observée chez quatre fois plus de patients dans le groupe avec Hensify que dans le bras contrôle (17,1% contre 3,9%). En outre, l’utilisation du produit de Nanobiotix a permis une diminution plus importante du volume de la tumeur, un facteur de pronostic favorable.
L’avantage de la technologie de Nanobiotix est de se combiner facilement à la radiothérapie, qui constitue depuis des décennies un standard de soin: tous cancers confondus plus de la moitié des patients reçoivent une radiothérapie à un moment ou un autre du protocole. En théorie, les rayons X sont capables de tuer toutes les cellules tumorales, quel que soit le type ou le profil génétique du cancer. Mais la puissance même de la radiothérapie constitue sa limite : comme les rayons détruisent également les cellules saines, les patients ne peuvent pas supporter de doses trop importantes et répétées.
Sur la base de recherche qu’il a menées à la State University of New York (Buffalo), Laurent Levy a développé le concept de nanoparticules activées par les rayons X: ces nanoparticules, injectées dans la tumeur par un geste médical banal avant le cycle de radiothérapies, ont la propriété de concentrer localement la puissance de la radiothérapie. Elles permettent donc à niveau d’irradiation équivalent d’obtenir une meilleure efficacité en termes de destruction du tissu tumoral (ou bien une destruction équivalente avec des doses moindres de rayons pour préserver les tissus sains entourant la tumeur). Ceci, sans nécessiter de nouveaux équipements ou de formation spécifique des radiothérapeutes.
La plate-forme de Nanobiotix pourrait potentiellement s’adresser à l’ensemble des indications habituelles de la radiothérapie, en particulier en première intention. A l’heure actuelle, NBTXR3 est en cours d’essai cliniques pour différentes indications telles que le cancer du poumon, le cancer de la tête et du cou, le cancer du foie et le cancer de la prostate, des indications beaucoup plus larges que le sarcome des tissus mous. Nanobiotix a notamment conclu un accord de collaboration avec le MD Anderson Cancer Center, l’un des plus importants centres anti-cancer des Etats-Unis, pour mener neuf essais différents, dont les premiers doivent débuter cette année.
En Bourse, l’action Nanobiotix a clôturé jeudi à 11,83 euros, correspondant à une capitalisation de 232 millions d’euros ce qui en fait l’une des plus importantes biotechs tricolores après Genfit (cotée au Nasdaq depuis peu) et Valneva (déjà en stade de commercialisation). L’entreprise a par ailleurs indiqué en janvier dernier avoir déposé auprès du gendarme boursier américain un projet de document de base en vue d’une possible introduction à Wall Street.
avec : tradingsat