L’annonce de la mort de ce monument de l’histoire africaine replonge le pays dans l’incertitude, alors que les pourparlers de paix avaient fait de grandes avancées ces derniers mois.
Afonso Dhlakama, chef historique de la guérilla puis du principal parti d’opposition au Mozambique, la Renamo (Résistance nationale mozambicaine), est mort jeudi 3 mai à l’âge de 65 ans. Il a succombé à une crise cardiaque, dans le centre du pays, alors qu’un hélicoptère s’apprêtait à l’évacuer vers un hôpital, a annoncé la chaîne de télévision d’Etat TVM.
« C’est un très mauvais moment, surtout pour moi. Nous étions en train de résoudre les problèmes de ce pays », a déclaré le président mozambicain Filipe Nyusi, lors d’une allocution téléphonique sur TVM. « Nous avons tout fait pour le faire transférer à l’étranger, mais nous n’avons pas réussi. Je suis très déprimé », a t-il ajouté, visiblement ému.
La nouvelle de sa mort survient à un moment crucial pour ce pays pauvre d’Afrique Australe, alors que la Renamo et le gouvernement sont engagés dans des pourparlers de paix. L’ancienne guérilla de la guerre civile (1976-1992) a repris les armes en 2013 pour contester la mainmise sur l’appareil d’Etat du Frelimo (Front de libération du Mozambique), l’ex-parti marxiste au pouvoir depuis l’indépendance en 1975. Ces derniers mois, les négociations enregistraient des progrès significatifs.
Anticommuniste
L’un des plus vieux chefs rebelles toujours en activité sur le continent africain, Afonso Dhlakama dirigeait la Renamo d’une main de fer depuis presque quarante ans. Né en 1953, issue de l’ethnie Ndau, il a servi un temps dans l’armée coloniale portugaise, avant de rejoindre les rangs du Frelimo, alors en guerre contre l’indépendance.
Viscéralement anticommuniste, il rejoint la guérilla de la Renamo à sa formation, et en prend les rennes dès 1979, à seulement 26 ans. Un temps financée et entrainée par les régimes racistes de Rhodésie du Sud puis de l’apartheid en Afrique du Sud, la Renamo s’est faite connaître pour les atrocités commises lors de la guerre civile, qui, avec un million de morts et 4 millions de déplacés, reste l’un des conflits les plus sanglants d’Afrique.
Avec la chute du régime de l’apartheid et la fin de la guerre froide, Afonso Dhlakama signe les accords de paix en octobre 1992, à Rome, aux côtés du président Joaquim Chissano, après de longs mois de négociations. La Renamo devient la première force politique d’opposition, et domine toujours la vie politique au Mozambique.
Fraude électorale
Candidat à toutes les élections présidentielles depuis 1994 et l’introduction du multipartisme, Afonso Dhlakama n’est jamais parvenu à s’imposer face au Frelimo. Il a toujours contesté le résultat des élections, systématiquement entachées de fraudes.
En octobre 2015, après avoir survécu à deux attaques contre son convoi et alors qu’il menaçait de prendre le pouvoir dans le centre du pays, il a repris le maquis, qu’il n’a plus quitté depuis. Fin 2016, il avait annoncé une trêve militaire unilatérale, et négociait depuis sa base dans les montagnes du Gorongosa (centre), directement avec le président Filipe Nyusi.
D’après les détails fournis par le chef de l’Etat, Afonso Dhlakama, atteint de diabète, se trouvait dans un état de santé critique depuis plus d’une semaine. Selon les médias locaux, sa dépouille doit être transférée vendredi à Beira (centre), la deuxième ville du pays, où les cadres de la Renamo sont arrivés jeudi. Le décès de leur chef intervient un peu plus d’un an avant les prochaines élections présidentielles. Afonso Dhlakama était naturellement candidat.
Avec lemonde