Le « shopper » n’est plus un animal marketing comme les autres. Il est devenu « une bête intelligente » au parcours d’achat unique et compliqué, qui ne va pas se priver d’aller voir ailleurs s’il ne trouve pas ce qu’il désire.
Zappeur hyperconnecté, de plus en plus difficile à cerner, le nouveau consommateur a intégré toutes les possibilités qui s’offrent à lui. Il ne se renseigne plus une à deux fois sur un produit qu’il veut acquérir mais utilise jusqu’à 10 sources pour se décider, et ce jusqu’à la dernière minute grâce à la connectivité des smartphones. Le premier observatoire du parcours d’achat par Solocal Network et GroupM, publié en juin 2014, confirme cette tendance : 80 % des consommateurs effectuent des recherches en ligne avant de réaliser un achat en point de vente.
Des nouvelles habitudes de consommation
On parle désormais d’achat ROPO, Research Online, Purchase Offline (recherche en ligne, achat en magasin) et il ne faut pas en négliger le levier de puissance. 65 % des consommateurs indiquent y recourir plus souvent qu’avant. L’étude effectuée sur 14 secteurs de consommation souligne les 5 profils de consommateurs ROPO : « le coup de cœur », « l’idée fixe », « l’expérience », « la réassurance », le « sos » et leurs enjeux marketing respectifs pour les produits : être désirable, être disponible, être essayé, être le plus recommandé, être trouvé immédiatement. Le consommateur achète, aujourd’hui, autant en ligne qu’il continue de se rendre en magasin et ne recherche plus simplement une nouvelle expérience d’achat mais une reconnaissance, un service personnalisé, un produit qui lui corresponde, à la manière de sites en ligne qui proposent des offres adaptées à ses internautes. Il est un enfant gâté, exigeant tout et son contraire, la possibilité de zapper et la relation avec un conseiller, la faculté d’être écouté et entendu et le droit à l’oubli. Mais alors comment lui faire dire « oui » à vous plutôt qu’à un autre ?
Le marché du Big Data pour l’analyser
L’enjeu grandissant pour les marques est donc de comprendre cet animal particulier pour répondre en état de cause à ses attentes. « Je continue à dire que le métier le plus sexy dans les 10 prochaines années sera statisticien. Et je ne plaisante pas ! ». La citation d’Hal Varian, le « ChiefEconomist » de Google a beau dater de 2009, elle n’en reste pas moins d’actualité aujourd’hui. La matière première de demain, c’est la « data », ces données qui s’échangent sur Internet.
Selon IBM, 2,5 trillions d’octets de données (rajouter 18 zéros) sont conçus chaque jour dans le monde et 90 % d’entre elles, à ce jour recueillis, correspondraient aux seules données des deux dernières années. Une manne si précieuse qu’au Japon, une bourse d’échange de données sur les consommateurs était dans les starting-blocks dans le courant de l’année 2014 pour échanger, analyser et exploiter les petits « cailloux » laissés par les consommateurs un peu partout sur la toile. En France, le marché des technologies et des services lié à ces données représente 387 millions d’euros en 2013 et devrait peser 16,9 milliards au niveau mondial en 2015. La richesse de ce que beaucoup considèrent comme un « or noir » ne réside non pas tant dans ce qu’il a de « big » et d’impressionnant, mais dans ce que les entreprises peuvent exploiter de cette « data ».
L’enjeu économique n’est pas moindre. En suivant ce qui est communément appelée la règle des cinq V (variété, volume, vitesse de traitement, valeur et vérification), elle commence à bouleverser les prédictions du futur et à élargir les domaines de développement des stratégies marketing et commerciales. Selon une étude du cabinet Markess, les entreprises françaises seraient de plus en plus volontaires pour prendre part à des projets en lien avec le Big Data. Ils seraient 37 % des décideurs à mentionner des réflexions et des projets en marche, au cours du deuxième trimestre. Dans le monde, ce sont 90 % des 500 entreprises les plus importantes qui assurent avoir au moins une initiative en cours.
Une vie de plus en plus connectée
En sommes-nous arrivés au web 3.0 ? L’évolution a permis, selon une formule, de transformer l’Internet du « nom » en Internet du « verbe », espace de partage et de pouvoir que se sont octroyés les internautes, notamment avec l’utilisation des réseaux sociaux. Aujourd’hui, la Data explose et les objets connectés s’apprêtent à envahir tout notre quotidien dès que le stade de l’innovation sera dépassé par celui de l’industrialisation. Alors, après les humains, est-ce le tour des objets de dialoguer sans nous et de prendre leur indépendance ?
Selon une étude publiée cet « été » par le cabinet PwC, 20 % des entreprises interrogées disent qu’elles investissent ou ont prévu d’investir dans l’Internet des objets, contre 17 % l’année passée. Selon PwC, pour 14 % des sociétés, les capteurs qui utilisent la technologie IdO (« Internet des objets ») auront une importance stratégique dans les 3 à 5 prochaines années. Pour qu’ils fonctionnent, les objets ont besoin de réseaux qui supportent l’échange d’informations.
Connectés à un « hub » comme le smartphone, ils deviennent des « devices » qui offriront, comme c’est envisagé par les théoriciens de « la smart city », progrès et utilité. Le champ d’application (montre, réfrigérateur, lunettes, pèse-personne) risque de dépasser l’imagination et provoquera des profonds changements dans l’industrie et les services et jusque dans nos modes de vie et d’action. Les entreprises restent encore frileuses à repenser les business models traditionnels. Pourtant, rien n’est plus certain que la part des objets connectés sera de plus en plus croissante dans le marché de demain. S’étonne-t-on alors qu’une entreprise comme Google rachète en début d’année NestLabs, une start-up spécialisée dans les objets connectés de la domotique, pourtant bien éloignée de son domaine d’action ? Les experts du secteur estiment à 500 millions d’euros le marché des « devices » en France en 2016, contre 150 millions en 2013.
La sécurité des données : l’historique de Google
C’est une boucle. Les objets connectés créent davantage de data que pourront utiliser les marques pour connaître davantage les consommateurs. Face à la perspective d’un marché qui explosera à l’horizon 2020, les Français émettent des craintes concernant les risques de dépendance et de piratage et la sécurité des données personnelles. « Bigbrother » n’est pas loin avec des services comme « l’Historique des positions Google » qui, si vous avez un compte Gmail et Google connecté à une application mobile, est susceptible de vous montrer l’ensemble de vos déplacements et des positions enregistrées sur les 30 derniers jours… Le G29, groupe de travail européen de la directive sur la protection des données à caractère personnel, travaille actuellement à la publication d’un rapport et de lignes directrices à donner aux responsables des plus gros moteurs de recherche.
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