Le Maroc et le Nigéria viennent de signer de nouveaux accords de partenariats destinés à la mise en œuvre des projets convenus lors de la dernière visite du roi Mohammed VI à Abuja. Il s’agit notamment du très stratégique et ambitieux projet de réalisation d’un gazoduc qui devrait relier les deux pays en desservant toute la côte ouest-africaine, ainsi que celui relatif au renforcement de la coopération dans le domaine des engrais.
Après les bonnes intentions, place aux actes. Sous la présidence du roi Mohammed VI, le Maroc et le Nigéria ont signé lundi à Rabat, deux nouveaux accords destinés à renforcer leur coopération qui a pris un nouvel élan il y a quelques mois, à la suite de la visite effectuée par le souverain marocain à Abuja.
Le premier accord est relatif au projet du gazoduc Nigeria-Maroc, alors que le second porte sur le renforcement de la coopération maroco-nigériane dans le domaine des engrais. La cérémonie de signature, qui s’est déroulée en grande pompe au palais royal de la capitale du royaume chérifien, a enregistré la participation d’une importante délégation du Nigeria conduite par son chef de diplomatie, Geoffrey Onyeama, et composée de plusieurs responsables d’établissements publics intervenant dans le secteur de l’industrie pétrolifère du pays et des représentants du secteur privé.
«La conclusion aujourd’hui de ces accords, après seulement quelques mois de la visite du roi au Nigéria, est une preuve de la réussite du partenariat Rabat-Abuja, une réussite à attribuer à la volonté des dirigeants des deux pays à assurer l’implémentation des projets bilatéraux», a expliqué dans ce sens Geoffrey Onyeama, rappelant ainsi le contexte dans lequel intervient la signature des nouveaux accords.
A ce sujet, son homologue marocain, Nasser Bourita, qui a présenté les grandes lignes du projet du gazoduc, a ajouté qu’il ne s’agit là, que «de l’expression de la vision commune des dirigeants des deux pays, en faveur d’un co-développement durable, agissant et solidaire du continent africain, basé sur une coopération Sud-Sud».
Un gazoduc pour un marché régional de l’énergie
Le projet de réalisation d’un pipeline qui devrait relier le Nigéria au Maroc a été entériné en décembre dernier à l’occasion de la visite officielle effectuée par Mohammed VI à Abuja. D’une longueur totale estimée à quelque 5 000 kilomètres, la prochaine infrastructure devrait prolonger le «West African Gas Pipeline» qui, depuis 2010, relie déjà le Nigéria au Ghana en passant par le Bénin et le Togo.
Selon les premières estimations, il devrait nécessiter une enveloppe minimum de 10 milliards de dollars. Et si l’option sous-marine est retenue à la suite de la fin des études de faisabilité, la facture devrait monter à 20 milliards de dollars. Initialement, le financement est porté par deux fonds souverains des deux pays, le marocain Ithmar Capital et la Nigeria Sovereign Investment Authority (NSIA). Le Maroc a déjà fait appel à des fonds arabes pour accompagner la réalisation de ce gigantesque et ambitieux projet qui, à terme, concernera un marché sous-régional ouest-africain de plus de 300 millions d’habitants.
En plus de permettre l’accélération des projets d’électrification dans toute la région de l’Afrique de l’Ouest, servant ainsi de base pour la création d’un marché régional compétitif de l’électricité, comme l’a indiqué le ministre marocain des Affaires étrangères, le gazoduc est annoncé comme un outil privilégié d’intégration et un instrument de développement régional. «C’est aussi un projet viable qui vient répondre au besoin croissant de l’Europe de diversifier ses sources d’énergie», a également annoncé Nasser Bouritta qui a mis en avant l’expertise du Maroc en matière d’infrastructures et de logistique et qui sera d’une importante contribution à la réalisation du projet.
La convention signée à cet effet entre la compagnie pétrolière nationale nigériane NNPC et l’Office national marocain des hydrocarbures et des mines (ONHYM) a ainsi porté sur les modalités de gouvernance du projet du gazoduc Nigéria-Maroc, le planning des études de faisabilité et d’ingénierie, ainsi que les droits et obligations des parties à ce partenariat gagnant-gagnant.
De l’engrais pour booster la production agricole
La deuxième convention signée entre les deux pays a porté sur la coopération dans le domaine des engrais. Le Maroc est en effet le premier pays producteur de phosphates et a développé au fil des années une importante expertise en matière de production d’engrais et de produits dérivés, ce qui intéresse particulièrement le Nigéria.
Le pays vise en effet à booster sa production agricole et compte sur le savoir-faire marocain conformément à ce qui a été décidé également à Abuja par les chefs d’Etat des deux pays. La nouvelle convention signée entre l’Office chérifien des phosphates (OCP), leader mondial du secteur, et l’association nigériane des producteurs et fournisseurs d’engrais, la FEPSAN, vise ainsi à renforcer les échanges entre les deux institutions qui ont déjà à leurs actifs plusieurs réalisations.
En plus de la livraison d’engrais au profit des professionnels nigérians, la coopération entre le groupe OCP et la FESPAN a permis, dans une première phase, «un réel transfert du savoir-faire en matière de développement de structures de blending, de stockage et de transport», selon le Thomas Etuh, le président de la FESPAN.
Pour la seconde phase qui a fait de la convention signée lundi dernier à Rabat, elle «participera également à la modernisation du secteur de l’agriculture, à travers notamment le développement d’une plateforme de produits chimiques basiques, l’utilisation d’engrais de qualité, adaptés aux sols et aux cultures nigérians».
L’objectif visé est le renforcement des capacités de production et de distribution d’engrais au Nigéria en s’appuyant sur l’expérience marocaine. D’après le PDG de l’OCP, Mostafa Terrab, la convention porte sur l’ensemble de la chaîne de valeur agricole, c’est-à-dire de la mise en place de solutions fertilisantes adaptées à la nature des sols et des cultures nigérianes, à la disponibilité des engrais sur le marché nigérian et à la mise en place de mesures d’accompagnement auprès des agriculteurs locaux (Mobile school labs, Agribooster).
De manière générale donc, le Maroc va accompagner le Nigéria à développer son secteur des phosphates et d’améliorer par conséquent sa production agricole. En plus de la fourniture d’engrais à travers notamment la sécurisation sur plusieurs années de l’approvisionnement du marché nigérian en engrais à des prix compétitifs, l’OCP accompagnera la NSIA à la mise en valeur des ressources du pays dans le domaine, notamment la prospection et la valorisation des réserves de phosphates existant dans plusieurs Etats du Nigéria (Sokoto, Ogun, Edo, Imo).
Avec latribune