Elle a été la première femme à devenir présidente de l’organisation patronale marocaine. Le dépôt de candidatures pour la succession de Miriem Bensalah Chaqroun s’ouvre ce lundi. Alors que l’élection du prochain patron des patrons marocains est prévue le 22 mai, les deux mandats de l’administratrice d’Holmarcom laisseront certainement une empreinte.
L’appel à candidatures est ouvert pour succéder à Miriem Bensalah Chaqroun à la tête de la Confédération générale des entreprises du Maroc (CGEM). À 55 ans, cette dernière passera le relais à un nouveau président le 22 mai, après représenté le patronat marocain pendant six années. Le règlement intérieur lui interdit de se représenter pour un 3e mandat – de trois ans – sinon elle aurait volontiers rempilé, à en croire quelques adhérents.
« Ce n’était pas toujours facile pour elle à cette fonction, mais elle aime ce qu’elle fait », rapporte l’un d’eux qui l’a côtoyée durant ses années CGEM. Cette héritière est devenue la première femme à s’asseoir sur ce fauteuil, un soir de mai 2012, après avoir obtenu 96,8 % des voix lors de l’Assemblée générale élective.
Très peu médiatisée avant de devenir la patronne des patrons, Miriem Bensalah Chaqroun a fait parler d’elle quotidiennement, ou presque, durant ces dernières années. Elle a été au-devant de la scène pour défendre les siens face au gouvernement, pour négocier avec les syndicats ou pour représenter le secteur privé, à l’étranger très souvent. Elle a su s’imposer comme une véritable femme influente.
Formation anglo-saxonne
Patronne des patrons, Miriem Bensalah Chaqroun est aussi aux commandes de l’une des belles success-story marocaines : les Eaux minérales d’Oulmès, dont elle est la directrice générale. Une entreprise leader dans son secteur, avec 1,7 milliard de dirhams (140 millions d’euros) de chiffre d’affaires en 2016.
Cette société cotée est contrôlée par un groupe familial, Holmarcom, présidé par son frère, Mohamed Hassan Bensalah, et dont l’aînée de fratrie est administratrice. Une holding tentaculaire qui touche à tout. Cela va de l’aviation, avec Air Arabia, à l’assurance, avec Sanad et Atlanta, en passant par les médias, avec la station Radio Plus.
Une diversification voulue par leur père, Abdelkader Bensalah, avant sa mort en 1993, mais c’est Miriem qui a complété et surtout modernisé le travail. Cette dernière est passée par l’École supérieure de commerce de Paris en 1984, avant d’aller décrocher un MBA à Dallas, au Texas en 1986.
« C’est certainement grâce à sa formation à l’anglo-saxonne et au fait qu’on l’a mise dans le bain rapidement qu’elle est devenue une grande bosseuse et quelqu’un de très pragmatique », nous explique notre interlocuteur.
Des hauts et surtout des bas avec Abdelilah Benkirane
On raconte dans les couloirs de la CGEM, que « Mme la Présidente » sait tout ce qu’il se passe dans « ses » locaux et qu’elle a une maîtrise parfaite des dossiers en cours. Elle a mené plusieurs « combats » durant ses deux mandats, face à deux chefs de gouvernement : Abdelilah Benkirane, puisSaaeddine El Othmani. « Elle aura travaillé bien plus avec le premier, avec lequel il y avait des hauts et surtout des bas. Je pense qu’elle est dans les affaires ce qu’il est dans la politique. Pas facile généralement », raconte une source au sein de la CGEM, qui préfère garder l’anonymat.
Malgré cette relation chaotique, elle a gagné quelques batailles, comme celle du remboursement de la TVA par l’État, présenté comme un vrai fardeau pour l’ensemble du secteur privé. Elle a aussi obtenu l’instauration de l’impôt sur les sociétés progressif, la mise en place de l’ICE (Identifiant commun de l’entreprise) ou encore la réécriture de la loi sur les délais de paiement.
Coup de force
Elle a également fait parler d’elle et de la CGEM pour ses positions fermes. Par exemple lors du boycott, en juin 2013, du Forum économique maroco-turc organisé en marge de la visite officielle au Maroc du Premier ministre turc Recep Tayyip Erdogan. Le patronat n’avait en effet pas été intégré dans les préparatifs des rencontres, ni des accords. « C’était un coup de force et elle a montré qu’elle n’était pas là pour faire de la figuration. À partir de là, le gouvernement a compris qu’il devait changer d’approche », se rappelle notre interlocuteur.
Elle avait promis lors de sa première élection de faire de l’organisation « un rassemblement du patronat dynamique et participatif ». Là encore, pari tenu. La CGEM a retrouvé force et voix, ce qui a été apprécié au plus haut sommet de l’État. « Elle a accompagné le roi lors de toutes les tournées africaines ou presque. Sous son ère, le patronat a tissé des liens avec un grand nombre de pays africains », se réjouit ce patron, dont les affaires fleurissent dans quelques marchés au sud du Sahara. Il semble en tout cas que la succession ne sera pas des plus simples.