L’ONCF garde encore le suspense sur la date de sa mise en circulation officielle.
TRANSPORT – 10h40, vendredi 16 novembre, sur le quai de la gare Rabat-Agdal. Les curieux se pressent à l’arrivée du nouveau train à grande vitesse inauguré la veille par le roi Mohammed VI et le président français Emmanuel Macron. Design épuré, le flanc frappé de deux lignes aux couleurs du drapeau national, Al Boraq entre en gare. Cette créature fantastique ailée connue pour avoir porté le prophète Mohammed de La Mecque jusqu’au ciel, selon la tradition islamique, ouvre ses portes aux journalistes invités à tester la LGV avant sa mise en circulation officielle, très probablement à la fin du mois de novembre – l’ONCF garde encore le suspense.
Le train, composé de deux motrices et huit voitures, peut accueillir sur deux étages jusqu’à 532 personnes (1.064 dans le cas où deux trains sont jumelés) et offre le confort d’un TGV classique: une deuxième classe équipée de rangées de fauteuils de couleur verte, d’une prise électrique pour deux places, de range-bagages et portes coulissantes. Et une première classe, plus spacieuse, qui se distingue par ses larges fauteuils rouges inclinables et permet de brancher plusieurs appareils électroniques en même temps grâce à sa double prise pour deux places. Pas encore de wifi à bord, mais ça serait en discussion, selon un responsable de l’ONCF.
Au wagon n°4, une cafétéria offre aux voyageurs la possibilité de se restaurer. Viennoiseries, cornes de gazelles, thé à la menthe et café attendent aujourd’hui les premiers invités qui se pressent derrière le bar. Ici et là, des écrans renseignent sur l’heure prévue d’arrivée d’Al Boraq à chaque prochaine gare et la vitesse atteinte par le train.
Une vitesse qui dépasse les 320 km/h pour le tronçon Kénitra-Tanger (sur une distance de 200 kilomètres), et permet aux voyageurs d’effectuer ce trajet en un temps record de 50 minutes contre 3h15 pour la ligne conventionnelle. Il faudra désormais compter 1h20 entre Tanger et Rabat au lieu de 3h45, et 2h10 entre Tanger et Casablanca au lieu de 4h45. Un gain de temps non négligeable, surtout quand on connaît la propension des trains classiques à arriver en retard.
“La voie unique entre Tanger et Kénitra est saturée. On a des difficultés à faire passer les trains, qu’il s’agisse de lignes de voyageurs ou de fret”, admet Mohamed Rabie Khlie, le directeur général de l’ONCF, lors d’une conférence de presse. “La LGV permettra de libérer de la capacité sur la ligne conventionnelle et de désengorger le trafic”, fait-il valoir. À long terme, le prolongement de la LGV jusqu’à Agadir mais aussi la fin des travaux de doublement voire de triplement des voies ferrées classiques dans le royaume permettra de gagner des heures précieuses de trajet. Pour la LGV, entre Tanger et Casablanca, 13 trains circuleront chaque jour de 6h à 21h dans les deux sens, soit 26 trajets quotidiens.
Un train par et pour les Marocains
10h58, arrivée à bon port en gare de Tanger. “Pour une fois, le train est pile à l’heure”, sourit un passager. Dans la gare flambant neuve, Al Boraq déverse son flot de voyageurs. Un espace lounge, avec connexion wifi, presse du jour et boissons attendra bientôt les voyageurs “premium”, comme dans les aéroports. Le nouvel espace billetterie, dessiné par le designer Hicham Lahlou, permettra aux voyageurs de passer plus rapidement aux guichets ou aux distributeurs pour retirer leurs billets à des prix que l’ONCF a voulu “compétitifs”.
“La LGV n’a pas été faite pour les riches”, se défend M. Khlie. “C’est un train fait, avec une expertise étrangère, par les Marocains et pour les Marocains, en adéquation avec le pouvoir d’achat des usagers”, explique-t-il. Il faudra compter un minimum de 79 dirhams pour un trajet entre Tanger et Kénitra hors période de pointe, et un maximum de 364 dirhams pour un trajet Tanger-Casablanca en première classe pendant les périodes de forte affluence ou si le billet est pris à la dernière minute. Les prix des billets varient généralement entre 100 et 300 dirhams, en fonction des jours et horaires de voyage, de la classe choisie, de la date d’achat et des éventuelles réductions ou choix de flexibilité (échange ou remboursement).
Des prix plutôt bas au regard de ce qui était attendu, et qui s’expliquent par la rationalisation des coûts du projet de la LGV, notamment au niveau de la main d’oeuvre. “Nous pouvons fixer des prix moins chers qu’en Europe pour le même service car on dégage une marge, par exemple au niveau des salaires qui ne sont pas les mêmes que dans les pays européens”, explique M. Khlie.
Le projet de la LGV, initié en 2007 entre le Maroc et la France, a coûté 22,9 milliards de dirhams, dont 50% financés par la France, 30% par le Maroc (budget de l’État) et 20% par les fonds arabes, notamment de l’Arabie saoudite, du Koweït et des Emirats arabes unis. Dans le détail, 13,4 milliards de dirhams ont été alloués aux études et infrastructures, 5,1 milliards de dirhams au matériel roulant et 4,4 milliards de dirhams aux équipements ferroviaires. Le Maroc est le 18e pays dans le monde à accueillir une ligne à grande vitesse sur son territoire.
Avec huffpost