Tout en saluant la dynamique qui se dessine dans le secteur de l’industrie automobile au Maroc, une étude, menée par OCP Policy Center, ne manque pas de pointer le nombre limité de partenariats entre fournisseurs locaux et internationaux.
L’étude intitulée «La complexité de la remontée des chaînes de valeur mondiales : cas des industries automobile au Maroc et en Tunisie», à l’initiative du think tank marocain, OCP Policy Center, part d’un constat simple, celui du basculement de la demande et de l’offre mondiales dans le secteur automobile vers les pays émergents, comme en témoigne le rôle croissant que joue l’Asie-Océanie dans la production mondiale de véhicules (61% en 2016) et plus particulièrement la Chine. Cette nouvelle restructuration a suscité un important redéploiement des capacités de production et des marchés entre les grandes zones géographiques. «Le Maroc et la Tunisie s’évertuent à prendre une part de ce déploiement de la chaîne de valeur», observe l’étude menée par deux économistes marocains, Larbi Jaidi et Yassine Msadfa. Ces derniers décrivent avec précision la position du Maroc dans la chaîne de valeur mondiale de l’automobile, rappelant à ce titre que le royaume est devenu le deuxième producteur de véhicules en Afrique, après l’Afrique du Sud.
Les exportations de cette industrie se sont raffermies en devenant le premier poste des ventes extérieures, surclassant les activités phosphatières. De même, l’emploi qualifié, généré par le secteur a évolué de 17% par an durant la même période. Cette dynamique s’est appuyée sur le développement d’un tissu industriel diversifié autour de grands projets en tant que locomotives, en vue de hisser le secteur industriel dans ces domaines, à travers l’intégration industrielle de nouvelles filières dans divers domaines (emboutissage, tôlerie fine, traitement de surface, injection plastique, ingénierie, etc.). Par conséquent, les exportations de l’industrie automobile marocaine ont connu un taux de croissance annuel moyen de 34% de 2005 à 2015. Les exportations de produits finaux (véhicules automobiles) en constituent la grande partie, évoluant d’une part de 2% dans les exportations totales de l’industrie automobile marocaine en 2005 pour atteindre les 61% en 2015.
Liaison industrielle faible
En comparant le Maroc et la Tunisie, l’étude s’arrête sur une différence entre le poids du secteur automobile dans l’industrie mécanique et métallurgique. En effet, entre 2009 et 2013, la production ainsi que la valeur ajoutée du secteur automobile tunisien variaient, en moyenne, autour de 60% de la production et de la valeur ajoutée de toute l’industrie mécanique et métallurgique dans ce pays, témoignant de ce fait de l’importance que revêt ce secteur pour l’économie tunisienne.
Concernant le Maroc et jusqu’en 2012, son secteur automobile représentait près de 13% de la production et 15% de la valeur ajoutée dans l’industrie mécanique et métallurgique. Ce n’est qu’en 2013, laisse-t-on remarquer, que ce secteur a dépassé la barre des 20% dans la production ainsi que la valeur ajoutée de l’industrie mécanique et métallurgique marocaine. Une autre dynamique se dessine lorsqu’on regarde l’évolution de la part de l’investissement du secteur automobile dans l’industrie mécanique et métallurgique marocaine et tunisienne. «Le bond réalisé par le Maroc est considérable, puisque les investissements du secteur auto constituaient en moyenne 40% de l’investissement de l’industrie mécanique et métallurgique sur la période 2009-2013, grâce notamment à des investissements massifs durant les années 2011 et 2013», estiment les deux économistes. Évoquant l’usine Renault de Tanger, avec son rôle d’assembleur international à grande échelle, l’étude d’OCP Policy Center rappelle que ce projet a attiré au Maroc un grand nombre d’entreprises déjà fournisseuses du groupe. En revanche, nuance-t-on, le niveau actuel de liaison industrielle (chaîne de valeur de fabrication) est encore faible : seules quelques PME locales qui fonctionnent comme fournisseur de premier ou second rang dans la chaîne de valeur. «La promotion des industries connexes composées de PME locales est un enjeu majeur dans l’établissement de liaisons industrielles entre les fournisseurs locaux et les investisseurs potentiels et existants, y compris les constructeurs automobiles mondiaux et fabricants de pièces automobiles», soutient l’étude. Et d’ajouter, «Le montage de partenariats entre fournisseurs locaux et internationaux est limité. Trois projets de co-entreprises (joint-ventures) ont été amorcés. L’approvisionnement en composants et matières se fait presque exclusivement depuis l’étranger, les fournisseurs de rang 2 et 3 étant peu présents au Maroc.
Dans les chaînes mondiales de valeur des industries automobile, les grandes entreprises leaders exigent de leurs partenaires locaux, qui sont leurs fournisseurs, qu’elles améliorent le coût et la qualité des produits et les conditions de livraison et qu’elles adaptent leurs processus de production. Il est donc indispensable, conclut l’étude du think tank marocain, de comprendre les caractéristiques des chaînes mondiales de valeur et les conditions qu’elles imposent pour identifier les difficultés auxquelles les entreprises nationales se heurtent pour participer à ces chaînes ainsi que les possibilités qu’elles ont de s’y intégrer et d’y progresser.
Avec leseco.ma