Nous sommes aux prémices de la quatrième révolution. L’explosion des nouvelles technologies transforme les défis en opportunités. Avec plus de 70% de la population africaine âgée de moins de 35 ans et une pénétration du smartphone estimée à 725 millions d’ici 2020 – soit trois fois plus qu’en 2015 –, beaucoup parlent d’une «seconde révolution mobile» ou d’une «révolution digitale». Le terrain parfait pour des startups qui répondent à des besoins de base touchant une population jeune, en forte croissance et de plus en plus connectée.
L’industrie du capital-risque en Afrique, nécessaire à la croissance des futurs poulains africains, en est encore à ses débuts, mais celle-ci promet un développement rapide dans les prochaines années. La preuve, en l’espace de quatre ans, le montant investit dans les startups technologiques en Afrique a été multiplié par 8,7 en 2016, ce qui représente 366,8 millions de dollars en 2016 contre 42,1 millions en 2012, d’après une étude publiée par le fonds Partech Ventures (qui n’a retenu que les transactions supérieures à 200.000 dollars).
Les plus grands investisseurs au niveau mondial s’intéressent aujourd’hui à l’Afrique. Ainsi, Marc Zukerberg, le fondateur de Facebook, a investi 24 millions de dollars dans la startup de codage nigériane Andela avant d’effectuer sa première tournée africaine au Nigeria et au Kenya. Jack Ma, le milliardaire chinois, fondateur d’Alibaba, a, quant à lui, lancé un fonds de 10 millions de dollars dédié aux startups technologiques africaines lors de sa première visite au Kenya en juillet dernier. Aussi, Orange Digital Ventures a récemment annoncé la mise en place d’un fonds de 55 millions de dollars pour les startups africaines.
Trois pays anglophones en tête du peloton
Enfin, Michael Seibel, patron du YCombinator, l’accélérateur le plus prisé de la Silicon Valley, derrière le succès de Airbnb et de Dropbox, marque également son intérêt en investissant dans plusieurs startups africaines et en étant un des premiers investisseurs du fonds de capital-risque, Outlierz Ventures, premier fonds de capital marocain dédié aux startups africaines.
Dans cette effervescence, trois écosystèmes se distinguent: le Nigeria, l’Afrique du Sud et le Kenya. En effet, sur l’ensemble des fonds levés en 2016, ces trois pays cumulent la grande majorité: le Nigeria avec plus de 100 millions de dollars, l’Afrique du Sud avec 96 millions de dollars et le Kenya avec 92 millions de dollars, illustrant ainsi la longueur d’avance non discutable des pays anglophones africains. Si les deux géants continentaux, nigérian et sud-africain, sont aujourd’hui en difficulté sur le plan macroéconomique, cela n’empêche pas un dynamisme entrepreneurial grandissant, porté par les technologies, la digitalisation et la montée en puissance d’une génération de talents connectés.
Les plus grands challenges que tentent de résoudre ces jeunes entrepreneurs se trouvent notamment dans le secteur des fintech qui attire de plus en plus d’investisseurs internationaux. Outre le secteur financier, la digitalisation touche tous les besoins de bases et transforme des secteurs traditionnels comme l’agriculture, le commerce, la santé et l’éducation.
D’autres pays ont aussi bien compris l’importance de la technologie et prennent une longueur d’avance. C’est le cas de l’impressionnant Rwanda, et son visionnaire président Kagamé, qui met la technologie au cœur de sa stratégie 2020 et investit massivement dans ses infrastructures: 4.500 kilomètres de fibre optique pour un accès Internet gratuit pour ces citoyens, des drones pour livrer des médicaments ou encore le wi-fi à bord de RwandAir, qui devient la première compagnie aérienne à lancer ce service en Afrique. Pour toutes ces raisons, le continent s’impose comme le marché de l’avenir pour le capital-risque. Les acteurs les plus avisés l’ont déjà compris. Il suffit d’une seule success-story pour que d’autres suivent. Le train est en marche… mais où en est le Maroc?
Le Maroc: Un rôle stratégique à jouer
L’écosystème entrepreneurial marocain a connu un dynamisme grandissant ces quatre dernières années, porté principalement par des acteurs privés qui ont posé les bases d’un écosystème innovant. Cependant les «success-stories» manquent. Il y a encore du travail à faire en matière d’accompagnement des entrepreneurs, d’accès au financement, de relations entre grands groupes et startups, ainsi qu’au niveau du cadre réglementaire et fiscal.
Quelques startups tirent cependant leur épingle du jeu: WaystoCap, une startup marocaine qui digitalise l’import-export en Afrique, a ainsi levé 3 millions de dollars auprès d’investisseurs américains, après un passage dans le prestigieux accélérateur YCombinator de la Silicon Valley en 2017. D’autres startups innovantes comme Omniup, Dabadoc ou encore MaNavette connaissent une croissance prometteuse. Il y a du potentiel!
Alors, que faire pour catalyser ce potentiel et positionner le Maroc sur l’échiquier de l’innovation africain? Le financement en capital-risque semble enfin arrivé pour renforcer l’offre insuffisante de MNF (Maroc Numeric Fund), jusque-là seul fonds de capital-risque actif, adossé aux quatre grandes banques marocaines. L’initiative de fonds de la CCG (Caisse centrale de garantie), Innov Invest, entend créer deux fonds de capital-risque pour les projets innovants au Maroc. Des initiatives privées comme Outlierz Ventures, voient également le jour.
Il y a une vraie opportunité à saisir au niveau africain, et cela se joue maintenant: le Maroc doit miser sur CFC (Casablanca Finance City) pour se positionner comme hub des startups et de l’investissement en capital-risque en Afrique. En effet, un nombre grandissant de fonds ciblant l’Afrique, soutenus par des bailleurs de fonds internationaux comme la BEI (Banque européenne d’investissement), la BAD (Banque africaine de développement) ou encore IFC (Société financière internationale), vont voir le jour dans les prochaines années et choisissent aujourd’hui, par défaut, l’île Maurice, le Luxembourg ou encore l’Etat du Delaware aux Etats-Unis, pour créer leur structure.
Les startups africaines qui lèvent des fonds se voient contraintes de créer une nouvelle structure à Maurice ou au Delaware pour recevoir les fonds de «business angels» ou de Capital risquers (VCs) internationaux. Et cela car le cadre juridique de leurs pays, y compris le Maroc, ne répond pas aux critères de ces investisseurs. De ce fait, le Maroc a réellement une carte à jouer en faisant de CFC, au-delà de sa vision de place financière traditionnelle, un hub financier technologique des startups africaines. L’infrastructure de base est déjà présente, il reste à adapter la réglementation et les avantages fiscaux.
Le Maroc captera ainsi tous les flux d’investissements allant vers les startups africaines et se positionnera naturellement comme hub à la croisée de l’Europe, des Etats-Unis, des pays du Golfe et de l’Afrique.
Avec leconomiste.com