Le chef de la diplomatie marocaine a annoncé le 1er mai la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran. Rabat accuse Téhéran d’avoir facilité une livraison d’armes au Front Polisario (Sahara occidental), par le biais du Hezbollah.
Le Maroc a annoncé le 1er mai la rupture de ses relations diplomatiques avec l’Iran, qu’il accuse d’avoir facilité une livraison d’armes au Front Polisario, mouvement indépendantiste au Sahara occidental, via son allié du Hezbollah libanais.
Lors d’une conférence de presse à Rabat, le ministre marocain des Affaires étrangères Nasser Bourita a assuré qu’une «première livraison d’armes avait été récemment fournie au Polisario», le mouvement indépendantiste sahraoui soutenu par l’Algérie, via un «élément» à l’ambassade iranienne à Alger.
«Le Maroc dispose de preuves irréfutables, de noms identifiés et de faits précis qui corroborent cette connivence entre le Polisario et le Hezbollah contre les intérêts suprêmes du royaume», a affirmé le chef de la diplomatie marocaine. Il a annoncé que l’ambassadeur du Maroc en Iran avait quitté Téhéran le 1er mai et qu’il allait demander au chargé d’affaires de l’ambassade d’Iran de «quitter le royaume sans délai», selon Nasser Bourita, qui s’exprimait à son retour de Téhéran, où il dit avoir informé son homologue iranien Mohammad Javad Zarif de la décision marocaine.
L’Iran rejette des accusations «mensongères»
L’Iran a qualifié le 2 mai les accusations du Maroc sur une coopération entre un diplomate iranien et le Front Polisario de «mensongères», selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères iranien. Téhéran dément «fermement» ces accusations et déplore qu’elles servent de «prétexte» à une rupture diplomatique, selon le ministère des Affaires étrangères iranien. Les autorités iraniennes «considèrent que cette affaire est totalement dénuée de fondement» et assure que l’Iran a toujours eu comme ligne de conduite le «respect» de la «souveraineté et la sécurité» des pays avec lesquels la République islamique entretient des relations diplomatiques, et «la non ingérence dans [leurs] affaires intérieures».
Le Front Polisario défie le Maroc de fournir des preuves
Le Front Polisario a lui aussi qualifié de «grand mensonge» l’affirmation du Maroc selon laquelle il entretiendrait des relations dans le domaine militaire avec l’Iran, défiant Rabat de présenter des preuves de ses «fausses allégations».
M’hamed Khaddad, coordinateur du Front Polisario avec la Mission des Nations unies pour l’organisation d’un référendum au Sahara occidental (Minurso), a déclaré que l’action de Rabat obéissait à un «petit opportunisme politique» visant à «contourner la reprise des négociations politiques directes demandée par l’ONU» pour le règlement du conflit du Sahara occidental à travers un référendum d’autodétermination du peuple sahraoui, un processus en cours depuis le cessez-le-feu de 1991. M’hamed Khaddad s’exprimait dans une déclaration à l’agence de presse espagnole, EFE, reprise par l’agence de presse algérienne APS. Il a réfuté l’existence de tout lien militaire avec l’Iran, en affirmant que «le Front Polisario n'[avait] jamais eu de relations militaires et n'[avait] pas, non plus, reçu d’armes et entretenu des contacts militaires avec l’Iran ou le Hezbollah».
«Nous mettons au défi le Maroc de fournir la moindre preuve, le Maroc vit dans la folie et ne sait pas comment sortir de son obligation de dialogue», a conclu le responsable sahraoui.
Pressions internationales ?
Le Hezbollah, qui a lui aussi rejeté les accusations de Rabat, a imputé la décision marocaine à des «pressions» étrangères. Il a jugé «regrettable que le Maroc lance des accusations infondées sous pressions américaines, israéliennes et saoudiennes». «Il aurait été préférable que les Affaires étrangères marocaines trouvent un prétexte plus convaincant pour rompre leur relations avec l’Iran», a ajouté le mouvement chiite libanais, soutenu par Téhéran.
Le chef de la diplomatie marocaine a pour sa part précisé que cette décision n’avait rien à voir avec «les développements régionaux ou internationaux» actuels, en référence notamment aux tensions entre l’Arabie saoudite et l’Iran. Ces deux pays ont rompu leur relations diplomatiques en janvier 2016 et sont engagés dans une lutte d’influence régionale soutenant des camps opposés en Syrie, au Yémen ainsi qu’au Liban.
L’Arabie saoudite soutient Rabat
L’Arabie saoudite a quant à elle déclaré le 2 mai se tenir aux côtés du «royaume frère» du Maroc face à «tout ce qui menace sa sécurité, sa stabilité et son intégrité territoriale». Une source officielle au ministère saoudien des Affaires étrangères a abondé dans le sens de Rabat, selon une déclaration diffusée par le ministère de l’Information à Riyad. «Le gouvernement saoudien condamne fermement l’ingérence iranienne dans les affaires intérieures du Maroc via son instrument, la milice terroriste du Hezbollah, qui entraîne les éléments du soi-disant groupe “Polisario” en vue de déstabiliser la sécurité et la stabilité [du Maroc]», affirme cette source.
Israël et l’Arabie saoudite, deux alliés historiques de Washington, n’ont de cesse de critiquer les ingérences et «l’ambition» dominatrice de l’Iran au Moyen-Orient.
Le Maroc avait déjà rompu ses relations avec l’Iran début 2009, pour protester notamment contre «l’activisme» religieux de Téhéran dans le royaume. Ces liens avaient été rétablies en 2014.
Des négociations pilotées par l’ONU en 2018
Le Sahara occidental, étendue désertique de 266 000 kilomètres carrés, est le seul territoire du continent africain dont le statut post-colonial n’est pas réglé. Il est revendiqué par le Maroc qui en contrôle la majeure partie et par le Front Polisario, qui réclame un référendum d’autodétermination. Rabat rejette toute solution autre qu’une autonomie sous sa souveraineté. Un cessez-le-feu était intervenu en 1991 après des années de conflit armé.
Le Conseil de sécurité de l’ONU avait adopté le 27 avril une résolution appelant les parties en conflit au Sahara occidental à des «négociations sans préconditions» et prolongeant de six mois seulement le mandat de la Minurso.
L’émissaire de l’ONU pour le Sahara occidental, l’ex-président allemand Horst Koehler, a promis au Conseil de sécurité un nouveau round de négociations pour 2018, mais sans donner de dates. Il a été nommé en août 2017 et a effectué en octobre de la même année sa première tournée dans la région. Le dernier round de négociations entre le Maroc et le Front Polisario remonte à 2008.