Le sport, un marché ? oui ! Un véritable secteur devenu pourvoyeur de croissance. Le marché mondial du sport génère en effet jusqu’à 700 milliards de dollars par an, soit près de 1% du PIB mondial, avec une croissance moyenne annuelle de 4%, selon le cabinet de conseil en stratégie situé à Chicago, AT Kearney. La répartition régionale de ce chiffre d’affaires mondial donne l’Amérique du nord ténor du secteur avec 40% des recettes. Généralement, les études réalisées forment un bloc Europe Moyen-Orient Afrique (EMOA) qui serait la seconde région sur le marché du sport avec 34% du chiffre d’affaires global (tandis que l’Asie du pacifique est à 15% et l’Amérique du Sud 4%). Mais en réalité, l’Afrique est à peine présente dans ces statistiques. Preuve en est que les données détaillées que ce soit dans les rapports d’AT Kearney comme PricewaterhouseCoopers peuvent parfois mentionner distinctement l’Europe et le Moyen-Orient, mais jamais l’Afrique.
L’Afrique subit la mondialisation du sport
Et pour cause, selon une étude de PricewaterhouseCoopers, le marché du sport fait d’abord référence à la billetterie, au sponsoring, aux droits médias et au merchandising (principalement les ventes de licences par les clubs, fédérations, …). Tout cela est relatif aux différents événements sportifs internationaux et ensuite à la vie des clubs sportifs qui s’est carrément mondialisée. Or, l’Afrique est peu active en termes d’événements, exceptée la Coupe du monde 2010 organisée en Afrique du Sud ou sa traditionnelle Coupe d’Afrique des Nations (CAN). Dans une étude publiée en 2010 sur le portail scientifique Revues et intitulée «l’Afrique au cœur du sport mondial», Jean-Pierre Augustin, géographe du sport et professeur émérite, relève : «La Coupe d’Afrique des Nations (CAN) reste la compétition la plus médiatisée du continent». Cependant, les revenus engrangés ne permettent pas au continent de rivaliser sur le marché mondial, occidental en l’occurrence.
De plus, l’évolution du sport ces dernières décennies est telle que la mondialisation du sport a relégué l’Afrique à l’arrière-plan. Alors qu’il constitue une importante pépinière de talents, le continent peine encore à tirer profit du dynamisme économique engrangé par le sport. Intervenant en mai 2012 aux 17èmes conférences stratégiques annuelles portant sur les enjeux stratégiques du sport organisées par l’Institut de relations internationales et stratégiques de Paris (IRIS), Le Franco-sénégalais Pape Diouf, ancien journaliste sportif et président de l’OM (2005‐2009) s’était montré plus cru :
«La mondialisation du sport n’a […] pas servi l’Afrique».
Il dénonçait à l’occasion la «fuite de talents à un âge toujours plus précoce» vers les clubs européens, appauvrissant «fortement» les championnats locaux africains. L’ex-président des Olympiens s’interrogeait alors sur la nécessité de «redéfinir la mondialisation».
Avant d’y arriver, certes l’Afrique voit partir un nombre important de talents sportifs, mais ils sont également nombreux à rester. La plupart des pays africains disposent de plusieurs dizaines de fédérations sportives actives (53 en Côte d’Ivoire). Pour ne citer que le seul exemple du football (sport de prédilection en Afrique), les 54 pays du continent disposent tous de championnats nationaux auxquels participent au moins une vingtaine de clubs. Dans des pays très actifs comme le Cameroun, les compétitions nationales réunissent pas moins d’une trentaine de clubs professionnels.
Rattraper le temps et les opportunités
D’autre part, les amateurs de sport ont clairement élargi le business ces dernières années avec l’émergence de l’équipement sportif à usage commercial ou privé (appareils, vêtements, accessoires…) ou encore la nutrition sportive (compléments alimentaires, conseils…). Des entreprises de ce type naissent de plus en plus à travers le monde, étoffant ainsi une industrie qui monte. En Afrique également, on en voit de plus en plus, au Maroc notamment où investisseurs étrangers et locaux tentent de se partager ce petit gâteau. Outre les grandes enseignes internationales telles que City Sport, Airness du Franco-malien Malamine Koné ou encore des marques 100% africaines comme Tovio du Burkinabè Thomas Olivier Viho, le marché africain, est encore dominé par l’informel et la contrefaçon. Et pour cause, le business du sport à travers le continent est généralement dépourvu de toute structuration.
Quelques consciences s’éveillent peu à peu et les Etats commencent à penser à rattraper le temps, mais aussi et surtout les opportunités perdues.
C’est le cas du Sénégal. Le gouvernement local a organisé, en décembre 2013, un forum sur la contribution du secteur du sport à la croissance de l’économie et la création d’emplois.
«C’est certainement une évidence, il [le sport, ndlr] constitue un levier de développement économique. Mais, autant nous pouvons l’affirmer, autant il est difficile d’établir, dans les comptes nationaux, la part de contribution réelle du sport aux agrégats macroéconomiques. Tout le défi du Gouvernement, dans sa quête de croissance et d’émergence, c’est d’identifier toutes les niches de création de valeur et d’aider à leur promotion par une meilleure structuration», déclarait Mme Aminata Touré, alors Premier ministre.
Aucune information ne filtre quant à l’évolution de la démarche sénégalaise, mais depuis, la Côte d’Ivoire voisine, qui reste l’une des économies les plus performantes du continent avec une croissance de 8,4% en 2015, veut également explorer les pistes d’une organisation du business du sport, selon l’étude sur la professionnalisation du sport en Côte d’Ivoire remise début janvier 2017 au ministre des Sports et des Loisirs, François Albert Amichia. Reste à savoir ce qui en découlera concrètement et si d’autres gouvernements à travers le continent se mettront, à leur tour, au pas !