Jean-Louis, directeur de division dans un groupe international, rentre de cinq jours aux Seychelles, où il était invité par sa boîte, avec 300 collaborateurs qui ont explosé leurs objectifs cette année. Parmi ces top performers, tous les directeurs rattachés à sa division !
– “En arrivant, il y a trois ans, je les ai reçus individuellement et je leur ai dit : “Je peux t’aider à développer tes forces et à atténuer tes faiblesses mais, in fine, c’est toi qui as la réponse. Tu arrives aux limites de ta façon de manager ; il faut aller chercher en toi les ressources pour changer.”
– J’ai toujours été hyperdisponible pour les faire progresser sur les sujets qui les sortaient de leur zone de confort. Mais, surtout, je leur ai demandé de se concentrer sur la relation et en particulier sur l’émotion qu’elle produit. J’ai offert à ceux qui le souhaitaient une formation et un coaching sur ces sujets.
– Je ne leur parle pas comme un boss, mais comme un individu doué de sensibilité, avec ses espoirs, ses rêves et ses faiblesses. “C’est la première fois qu’on investit sur nous en tant que personnes”, m’a dit l’un d’entre eux. Cela a bouleversé ma relation avec eux.
– Je leur demande de travailler ensemble et de s’entraider. Je veille à ce qu’ils n’aient pas d’objectifs contradictoires comme c’est trop souvent le cas dans les grands groupes, où les managers, à partir d’un certain niveau, ont plus tendance à s’opposer au changement qu’à le vivre activement et avec curiosité.
– Le truc consiste à recréer de l’instabilité quand on est au top d’une dynamique, car la stabilité est une illusion, au même titre qu’une pièce lancée en l’air semble un instant immobile à l’apogée de sa trajectoire. Par peur de la chute, les managers se réfugient souvent dans la croyance que cet apogée peut être prolongé, soit en ralentissant le film, soit en regardant ailleurs que vers le bas.”
Jean-Louis n’a rien d’un maître zen, même s’il s’est mis à la méditation depuis quelques années, avec beaucoup d’assiduité. Pourtant, recréer de l’instabilité tout en renforçant la capacité de ses collaborateurs à nouer des relations profondes, signifiantes et solides avec leurs propres collaborateurs est bien dans l’esprit des koan, ces anecdotes absurdes et paradoxales du bouddhisme zen destinées à provoquer le doute et donc à remettre la personne en position d’apprentissage. En accordant la priorité à l’émotion dans la relation, on la replace en position centrale dans un monde où elle est au mieux déniée, au pire, socialement indésirable.
L’entreprise se raconte à elle-même qu’elle est un lieu rationnel où l’on prend des décisions logiques après mûre réflexion. Rien de plus faux. Comme tout groupe humain, n’en déplaise à ses dirigeants, elle s’apparente en fait beaucoup plus à la cour de récré qu’à la salle de classe. Les émotions humaines, colère, peur, tristesse, joie, y tiennent le haut du pavé et influencent chaque décision. Ignorer cette vérité, c’est se tromper de compétences. Les ex-premiers de la classe finissent souvent experts, car c’est dans la cour de récré que se forgent les grands managers.
Avec capital