Comment préparer les entreprises aux grands choix qui les attendent demain ? Les réponses de Caroline Lebrun, directrice engagement et coopérations chez Harmonie Mutuelle, qui a planché sur le sujet pour faire évoluer la mutuelle à l’horizon 2020.
Repli sur soi ou ouverture sur le monde ?
C’est une question cruciale pour les décideurs : “A quoi sert mon entreprise ?” “Quelles sont les retombées de ses actions sur la société ?” “Quel est mon rôle au sein de mon écosystème, local ou mondial ?” Cette question de l’impact de l’entreprise sur la société est fondamentale pour donner un sens au travail de chacun et susciter l’engagement des collaborateurs.
Intelligence artificielle ou émotion humaine ?
Il y a trois ans, les experts ne parlaient que de disruption, de révolution numérique… Aujourd’hui, on a compris que l’on ne réussira pas à transformer l’entreprise sans prendre en compte l’humain. Les enjeux sont énormes : pour se réinventer, les entreprises auront besoin de compétences qui n’existent pas aujourd’hui. Elles ont donc besoin d’être attractives et exemplaires en ce qui concerne l’humain et la qualité de vie.
Confiance ou contrôle ?
La confiance est essentielle pour prendre tous ensemble le virage de la transformation. Chez Harmonie Mutuelle, nous avons lancé un programme visant à manager par la confiance, avec un outil, la “fabrique de la confiance”. Concrètement : nous avons mis en place un baromètre anonyme en posant 70 questions à nos 4.500 collaborateurs sur le salaire, le sens et la qualité de vie au travail, le manager… Nous avons eu 80% de répondants, car la parole est libre et écoutée. Cette transparence génère de la confiance.
Autonomie ou process ?
L’année 2018 marque l’entrée dans une vraie guerre des talents. On ne captera les meilleurs que si on leur laisse une vraie autonomie : il faut lutter contre le micro-management et les procédures de triple validation ! Mais cela implique un chantier énorme : formation des managers, redéfinition du contenu de certains jobs, création d’outils pour passer du modèle vertical à un modèle privilégiant l’autonomie… Ça perturbe bon nombre de fonctions.
Révolution ou évolution ?
“Révolution digitale” : cette expression est source d’angoisse pour la majorité des gens ! Pour expliquer concrètement les choses, nous avons mis en place un passeport numérique, avec des parcours de sensibilisation et de formation interactifs, des quiz vidéo sur la façon dont le digital va modifier notre métier… L’objectif est de permettre à tous de comprendre les changements et d’évoluer.
Vie professionnelle ou vie privée ?
L’articulation vie professionnelle-vie privée est déjà un sujet majeur pour l’avenir. Moi qui ai l’habitude de “chasser” des directeurs à très haut niveau, je vois leurs demandes évoluer. Dernièrement, lors d’un entretien, un candidat de 32 ans m’a posé des questions pendant trois quarts d’heure sur la culture managériale, les valeurs de l’entreprise, l’équilibre des temps professionnel et personnel… Les entreprises qui survivront demain seront celles qui auront changé leur manière de voir les collaborateurs, les partenaires…
Gestion de carrière ou gestion de temps de vie ?
Si on veut des collaborateurs qui s’impliquent dans l’entreprise, il faut repenser la façon dont on les fait grandir. Par exemple, par la création d’espaces de développement des compétences dans le temps de travail. Il est aussi important de prendre en compte les moments de vie particuliers qu’ils peuvent rencontrer tout au long de leur carrière : un jour on est jeune parent, et puis on peut se retrouver malade ou aidant… C’est en les accompagnant dans ces différentes étapes que l’on crée du sens et de l’engagement.
Manager ou coach ?
L’entreprise n’est plus une pyramide, comme dans les années 1980. La fonction du manager a complètement changé. Autrefois simple supérieur hiérarchique, il devient aujourd’hui coach, porteur de sens, leader, développeur de compétences. Nous avons créé un “pass manager” pour 600 chefs d’équipes intermédiaires : réunis en promos de 70 personnes, ils travaillent en communauté sur la connaissance de soi, le développement, le leadership… Des compétences qui nous aideront à transformer la mutuelle.
Compétences ou comportement ?
Les talents dont on aura besoin demain ne seront plus techniques mais comportementaux : curiosité, empathie, ouverture d’esprit, gestion de la complexité… Les deux tiers des métiers que l’on exercera n’existent pas encore. Chez Harmonie Mutuelle, nous démarrons un programme pilote, My trajectoire, pour travailler sur le développement personnel grâce à des outils comme Wiser SKILLS, qui étudient de façon prédictive les envies des collaborateurs pour les aider à évoluer. Il faudra aussi apprécier les compétences acquises hors de l’entreprise et utilisables dans le monde du travail. Le temps gagné avec les outils numériques doit être consacré à l’épanouissement des collaborateurs !
Salarié ou collaborateur ?
On apprend beaucoup grâce à l’ouverture sur l’extérieur. Il faut permettre aux salariés de sortir de l’entreprise, d’effectuer une mission ailleurs, de travailler chez un partenaire, et valoriser ces échanges… Les salariés devront circuler dans un écosystème plus large que l’entreprise, pour y faire des expériences où ils auront l’occasion d’exercer leur curiosité et de penser hors du cadre.
Apprendre à réussir ou apprendre à échouer ?
Le décideur doit faire preuve de largeur d’esprit : sortir de ses habitudes, être capable de s’entourer, d’écouter, de rester humble… Nous ne sommes pas des “sachants”. Il est impossible de prévoir ce qui va se passer demain. Il faut expérimenter au maximum, agir sur tous les cercles, pousser plusieurs feux en même temps, oublier tous les codes de conduite existants. Et accepter que certaines choses marchent et d’autres pas.
Avec capital