Mélangé à toutes les sauces, le concept de bienveillance se développe aussi au sein de l’entreprise. Simple astuce de com’ ? Non, il peut rendre le management plus efficace, pour le salarié comme pour le patron. C’est en tout cas la thèse défendue par Philippe Rodet, médecin et spécialiste de l’entreprise, auteur de “Le management bienveillant”, livre récemment paru aux éditions Eyrolles. Interview.
C’est quoi le management bienveillant ?
Philippe Rodet: C’est un management qui va permettre de diminuer le stress de ses salariés, et d’augmenter leur motivation. De nombreuses études ont été menées et prouvent qu’en 10 ans, le nombre Français qui se disent stressés au travail est passé de 40 à 60 % ,ce qui fait parallèlement augmenter le nombre de personnes démotivées en entreprise.
Le manager bienveillant n’est pas forcément celui qui va entrer dans une relation amicale avec le salarié. Non, c’est simplement bien se comporter, comme dans tout rapport humain. Cette bienveillance n’est d’ailleurs pas à sens unique: le salarié lui-même est aussi acteur de la bonne relation avec son manager.
Dans votre livre, vous parlez des leviers pour augmenter les émotions positives au travail. Quels sont-ils?
Il y a d’abord le sens accordé au travail. Plus on permet aux salariés de comprendre le pourquoi de leurs tâches, mieux ils se portent. Ainsi, il faut replacer l’action de chaque employé dans la stratégie globale de l’entreprise. Les métiers de cadre mis à part, il est souvent compliqué pour les salariés d’incorporer le sens de leur labeur. Et redonner du sens, c’est aussi une question de santé : Eli Somer, chercheur Israélien spécialisé en psychologie, est ainsi parvenu à démontrer la corrélation entre stress et sclérose en plaque. Mettre du sens sur ses actes, c’est diminuer le stress au quotidien.
Le manager peut aussi générer des émotions positives en définissant des objectifs atteignables au salarié. Ceux-ci doivent être situés légèrement au-dessus des capacités du salarié à l’instant T. Attention, des objectifs trop élevés pourraient avoir un effet néfaste, l’employé ne se sentant alors pas à la hauteur des tâches qui lui sont confiées. Par exemple, si votre manager vous fixe des objectifs annuels, mieux vaut lui demander de déterminer des objectifs intermédiaires, pour que votre progression puisse se faire par paliers, une idée développée par le psychologue hongrois Mihály Csíkszentmihályi.
Vous insistez aussi sur l’importance de la gratification du bon travail…
Oui, si le collaborateur remplit ses tâches avec brio, il est important de lui montrer de la gratitude. Je l’ai vécu moi-même. Il y a quelques années, je travaillais dans l’humanitaire. Un jour, au Burkina Faso, j’ai réussi à soigner une jeune femme gravement malade. Quelques temps plus tard, un vieux monsieur s’est approché de moi: je pensais que c’était un patient. C’était en fait le grand-père de la jeune femme. Il souhaitait me remercier chaleureusement. Je peux vous dire que cela m’a fait un bien fou ! Je peux vous citer le même cas en entreprise : j’ai connu un dirigeant qui, lorsque ses salariés avaient effectué du bon travail, leur collait le soir un post-it d’encouragement sur leur écran d’ordinateur. Ca a très bien marché.
Vous dénoncez aussi les émotions négatives, très destructrices pour le salarié. Comment les éviter ?
Il faut d’abord dire stop au mépris et passer à la considération. Je me souviens d’une jeune employée qui avait réussi à séduire un nouveau client que l’entreprise souhaitait récupérer depuis bien longtemps. Le PDG lui a répondu par mail avec ces deux lettres, “TB”, pour “très bien”. Autant vous dire que la salariée s’est sentie vexée.
Diminuer les émotions négatives, c’est aussi passer de l’incohérence à la cohérence. Les entreprises demandent souvent à de grands groupes de communication de repenser leurs slogans pour humaniser l’entreprise : si ces messages ne sont pas concrètement appliqués en interne, cela créera forcément de la frustration. Pour changer la donne, il faut que les valeurs soient portées au sommet de l’entreprise, que l’on soit dans dans un groupe du CAC 40 ou dans une PME
Le manager, comme le salarié, se doivent enfin de reconnaître leurs maladresses. Il faut prendre le temps d’en parler calmement. Les erreurs sont humaines : si elles sont explicitées oralement et reconnues, elles pourront être pardonnées.
Avec capital