Ces managers surdimensionnés aux compétences pointues mettent tout en œuvre pour réussir leur mission, avec un objectif à la clé : des résultats sur le long terme. Une manière flexible de renforcer les équipes de manière temporaire sans recruter.
C’est à la suite de l’échec de sa start-up il y a dix ans qu’Aurélie Giraud a eu l’idée de lancer LouerUnManager.com, système collaboratif de managers qui agissent en entreprise en mode « mission ». « Les entreprises ne s’entourent pas toujours des bons profils au bon moment. Et l’échec est souvent lié à un problème de recrutement », estime la fondatrice. « Après avoir levé 250.000 euros, j’ai fait une erreur de recrutement caractérisée. L’alternative de faire appel à une personne pour une mission temporaire aurait changé l’histoire de mon entreprise. Au lieu de quoi j’ai dû licencier au bout de six mois le salarié que je venais d’embaucher. Cela m’a coûté près de la moitié de ma levée de fonds et cela a créé une ambiance délétère au sein de l’entreprise. »
Objectif : éviter les risques
Pour le même prix, la jeune entrepreneuse aurait pu s’offrir les services d’un manager de transition. Le but : éviter à l’entreprise de recruter avant d’avoir des résultats et donc de prendre des risques. « Si le recrutement justifie certaines levées de fond, c’est une erreur stratégique de vouloir le faire tout de suite et de miser sur des personnes à long terme, alors que la situation de l’entreprise est changeante », avertit Aurélie Giraud. Un manager de transition permet de placer une personne à l’aise, même dans une situation de chaos. Cette personne douée pour les challenges ne sera pas forcément à même de remplir ses objectifs dans l’entreprise lorsqu’elle connaîtra à nouveau une phase linéaire plus calme. « Lors de phases d’accélération extrêmement rapides, le chef d’entreprise doit savoir anticiper. Seul, il n’a pas la prise de recul nécessaire pour estimer s’il prend la bonne décision », estime de son côté Valérie Narcisse, jeune créatrice de Little-travels.com, site de consommation collaborative d’articles de puériculture, sport et voyage.
Une base pour la stratégie
C’est la passion des chevaux qui a animées Phoebé Perdreau et Aurélie Gravereaux et qui a été un véritable moteur pour créer Cavaln’go, tour opérateur de voyages inédits à cheval. Mais au bout de cinq ans, les deux fondatrices se sont interrogées sur l’avenir de leur entreprise. « Après avoir doublé notre chiffre d’affaires tous les ans, passant de 340.000 euros en 2012 à plus d’un million en 2015, nous étions à un carrefour : d’un point de vue économique, il fallait investir pour pouvoir nous projeter sur le long terme. Avec l’aide d’un manager de transition qui a joué un rôle de coach, nous avons analysé notre parcours et exprimé ce que nous souhaitions pour notre entreprise, afin d’élaborer notre stratégie. » Un travail à 360° qui a permis aux deux jeunes femmes de repartir de plus belle en développant de nouvelles thématiques de voyage « zen&go » autour du bien-être. Un an plus tard, l’entreprise fait à nouveau appel à un manager pour se repositionner en termes d’image. «Celui-ci a établi un plan d’actions avec des outils marketing et CRM pour asseoir la marque dans son développement ».
Rassurer et challenger les entreprises
« A tort, trop de chefs d’entreprise pensent que c’est à eux d’avoir les ressources pour trouver les solutions. Ils doivent savoir s’arrêter et oser faire appel ponctuellement à une personne extérieure, dont la mission est de les aider à prendre du recul et à les faire avancer. C’est comme se faire un cadeau, même si cela nécessite de mettre son ego de côté » estime Phoebé Perdreau. Convaincues de leur utilité, les deux fondatrices n’hésiteront plus à faire intervenir une personne extérieure lorsqu’elles auront besoin d’y voir plus clair ou de redonner du souffle à leur entreprise. « C’est comme si on changeait vos lunettes. Une personne vient vous écouter en toute bienveillance, vous aide à voir les choses différemment et ouvre de nouvelles perspectives », analyse la cofondatrice.
Valérie Narcisse l’a également bien compris, estimant qu’elle avait « besoin de confronter son regard auprès d’un expert plus solide » qu’elle pour inventer un nouveau business model pour sa start-up. Un ancien directeur financier et gérant d’entreprise pourvu d’une trentaine d’années d’expérience l’a aidée à construire un business plan. « Il m’a montré comment créer de la valeur pour ma start-up et comment intéresser de futurs investisseurs, explique la jeune femme. Cela m’a permis de ne pas me brider, d’oser, de me pousser à voir loin et à me fixer un cap plus ambitieux. » La start-up a ainsi sollicité des grands groupes français pour monter des partenariats. L’apport de ces personnes d’expérience et de terrain est indéniable : « ils rassurent tout en nous challengeant » reconnaît la jeune femme.
Un manager « plug and play »
Experts des missions qui leur sont confiées, et briefés en amont sur les problématiques des entreprises, les managers de transition prennent rapidement le contrôle des situations, même lorsqu’elles sont complexes. Ils sont opérationnels et performants dès le premier jour dans une entreprise. Bien évidemment cela a un coût. Il faut compter en moyenne 1 000 euros par jour en moyenne pour louer les services d’un top manager, toutes fonctions confondues, avec une possibilité de dégression selon la durée. Pour sa part, LouerUnManager différencie les start-up en pré ou en post levée de fonds. « Nous pratiquons des tarifs préférentiels pour celles qui sont en pré-levée de fonds ou qui sont incubées, soit 650 euros par jour en moyenne » commente Aurélie Giraud. Autre possibilité pour casser les prix : se partager un manager entre plusieurs entreprises. Même une petite entreprise peut donc s’offrir les services de ces managers très expérimentés, le temps d’une phase délicate ou d’une mission.
Passer un cap, en période de crise ou de croissance
Malgré ces expériences positives, le manager de transition souffre encore d’une mauvaise image. Une situation qui se comprend aisément lorsque l’on connait les circonstances de leur apparition dans les entreprises au début des années 2000. « Leur arrivée signifiait que l’entreprise allait mal et avait tendance à déprécier la valeur de l’entreprise. Ils étaient utilisés pour aider les entreprises à sortir de la crise, notamment lors de la fermeture de sites industriels et pour gérer licenciements et restructurations. Leur intervention reste encore souvent confidentielle », explique Aurélie Giraud. Aujourd’hui, il s’agit plus d’aider les entreprises à passer un cap, aussi bien en situation de crise qu’en période de croissance. « C’est la même problématique que lors d’une récession où la taille et l’expertise d’une équipe n’est pas adaptée à la situation, compare la spécialiste. En sus de la gestion de crise, on fait surtout du développement économique ».
Cet expert de haut niveau conduit ces moments de transformation : repositionnement, amélioration de la performance, gestion d’un projet stratégique ou d’une forte croissance, développement à l’international … Loin d’être un simple coupeur de têtes, le manager de transition transforme les obstacles en opportunités et en leviers de performance. Pour le moment, « la France n’est pas encore mûre pour cette culture d’investissement qu’elle voit comme non pérenne. Or c’est tout le contraire puisque le manager remplit un objectif et transmet son savoir-faire aux équipes en place pour rendre l’entreprise autonome » conclut Aurélie Giraud. Le passage de relais est alors assuré.
Avec lesechos