Au Mali où la gomme arabique est produite dans 6 des 8 régions du pays, c’est dans la région de Kayes où la filière est la plus développée, même si le Mali reste loin derrière le Soudan, le Nigeria et le Tchad. La France est le leader des importateurs et exportateurs, agissant comme plaque-tournante sur la scène mondiale.
Oumar Balla Sissoko, président de l’Union locale des coopératives de producteurs de gomme arabique de Kayes, livre son analyse à CommodAfrica.
Que représente Kayes dans la production de gomme arabique au Mali ?
Kayes est la plus grande zone de production de gomme arabique du Mali, surtout de la première qualité qui est le Grade 1. La campagne dernière, notre production a atteint 12 000 tonnes (t) sur une production nationale de 16 000 t. Ces chiffres sont ceux du terrain, qui reflètent la réalité. Les chiffres du ministère du Commerce de 2 500 tonnes de gomme friable et les 2 000 tonnes de gomme dure sont en réalité les volumes d’exportation vers l’Europe et non de production. Or, il faut tenir compte des volumes qui partent vers les pays voisins, dont la Mauritanie et le Sénégal.
La gomme arabique est une filière majeure car elle est source d’emplois et permet d’atténuer les migrations vers les grandes villes et l’Europe ; la gomme arabique peut diminuer l’immigration de plus de 50%.
Comment ?
L’acacia Sénégal permet d’enrichir le sol en azote. Quand on a une plantation d’acacias, on peut tout faire en dessous, les cultures vivrières, les légumineuses, etc. Il existe des projets pour développer l’élevage, les petits ruminants, car tant que le gommier ne perd pas ses feuilles, il ne produit pas de gomme. Et le petit feuillages est très prisé par les petits ruminants. Il existe donc de nombreuses possibilités mais il faut s’y intéresser. Il faut mettre de l’argent ce qui n’est pas simple chez nous. Les banques ne prêtent pas.
Quelles sont les difficultés majeures auxquelles se heurte la filière ?
Précisément l’accès des producteurs aux financements directs. Les producteurs de gomme arabique sont habituellement petits et ont besoin d’être appuyés pour améliorer leurs volumes et la qualité de leur produit. C’est un problème récurrent depuis des années. Il existe un projet du ministère du Commerce, le Cadre intégré renforcé, qui essaie de booster la production.
D’autre part, le Soudan, qui est le premier producteur mondial, a vu sa production quasiment diviser par deux en raison de leurs difficultés intérieures. Cette année, des opérateurs soudanais viennent acheter de la gomme au Mali car il leur manque des volumes, puis ils revendent sous le label Soudan et captent la valeur ajoutée.
Lorsque nous aurons notre label, vous verrez que certains “pays producteurs” ne seront plus producteurs ! Car, en fait, actuellement, ils importent du Mali, labellisent la gomme et l’exportent sous leur label.
Où en êtes-vous en matière de certificats et de label ?
La gomme arabique du Mali ne sort pas sans certificats d’origine et phytosanitaire. Ceci la différencie des autres gommes. Car la qualité produite au Mali, surtout à Kayes, n’a pas la toxine qui existe un peu plus au Nord, au Tchad et au Soudan. Notre gomme peut donc être utilisée directement dans l’alimentation, les boissons, la pharmacie.
Mais il nous faut maintenant un label qui nous permettra de certifier notre gomme. Les travaux avancent bien et nous pourrions avoir le label Mali d’ici la fin de l’actuelle campagne.
Comment voyez-vous l’évolution de la demande ?
Il y a toujours des intermédiaires et on essaie de faire en sorte que certains se regroupent . On ne veut pas les éliminer mais il faudrait qu’ils se regroupent pour que les producteurs captent un peu plus de la valeur ajoutée.
En fait, dans la gomme arabique, il n’y a pas véritablement de transformation ; il faut débactériser rendre stérile et moudre, c’est tout. Nous avons au Mali deux usines de pré-transformation, dont Produits du Sud, qui nettoient et granulent.
Aujourd’hui, on vend le kilo à FCFA 1500. Or, les 100 gr débactérisés et transformés en poudre se vendent à € 13 en France. Vous voyez la différence alors que la transformation est mineure. Donc il nous faut récupérer un peu de valeur ajoutée.
Des investisseurs sont intéressés mais ce n’est pas la même chose qu’en Europe. Les banques n’ont pas les mêmes gabarits. L’accès au financement est vraiment difficile, les banques ne prennent pas assez de risques alors que c’est un produit qui se vend bien ! L’offre n’a jamais pu couvrir la demande depuis la nuit des temps.
Où exportez-vous essentiellement ?
Partout, en Europe, en Amérique, en Asie. Notre principal marché est la France puisque le plus grand exportateur de gomme arabique du monde est français.
Comment se déroule la campagne actuelle ?
Au début de la campagne, les prix étaient bons mais avec la fluctuation du dollar les prix ont baissé.
La campagne dernière, le prix moyen était de FCFA 1750 le kilo de gomme dure. Actuellement, sur le marché international, le prix est tombé à environ FCFA 1500. Mais c’est normal car c’est la période de grande production ; les prix remontent à partir du mois de juin et atteignent un pic en aout.
En terme de débouchés, de nouveaux émergent car nous commençons à transformer au Mali. La Côte d’Ivoire transforme aussi mais ne produit pas ; elle importe de chez nous.
avec commodafrica