Air France-KLM s’est résolu à mandater deux cabinets pour trouver l’oiseau rare qui acceptera de reprendre les manettes d’un groupe en proie à des fortes turbulences sociales. Une mission d’autant plus complexe que chez Ryanair ou chez Lufthansa, les PDG sont bien mieux payés.
Urgent: grande entreprise franco-néerlandaise de transport recherche PDG. Date de prise de fonction: septembre 2018. Rémunération: 50.000 euros par mois plus variable pouvant atteindre 510.000 euros par an. Si vous êtes intéressés, envoyez votre CV aux deux cabinets de chasseurs de tête mandatés par la société pour remplacer Jean-Marc Janaillac contraint de démissionner en mai dernier après le référendum perdu au sein de la compagnie.
Sauf que si sur le papier le poste peut sembler alléchant, ça ne semble pas se bousculer au portillon. Après un premier cabinet de chasse de tête mandaté par le conseil d’administration Egon Zehnder, c’est le cabinet américain Heidrick & Struggles qui vient d’être missionné pour trouver la perle rare d’ici fin août pour une entrée en fonction à la rentrée scolaire.
Les syndicats promettent un été houleux
La tâche s’avère donc ardue. Déjà parce que trouver un PDG en si peu de temps sans y avoir été préparé n’est pas facile. Surtout en ce moment où le marché du recrutement est tendu. “Le métier de dirigeant est devenu de plus en plus difficile et de plus en plus exigeant, expliquait en novembre dernier dans Les Echos Raymond Bassoulet, le patron du cabinet Egon Zehnder en France. Il faut des profils capables de développer les capacités à intégrer les évolutions économiques et les changements de business models, venant notamment du numérique.”
A cela s’ajoute le contexte particulier d’Air France. La société sort de plusieurs mois de grève dont le coût financier est estimé à 300 millions d’euros. Et si le mouvement social a momentanément pris fin avec la démission de l’ancien PDG, les syndicats promettent déjà un été houleux. Car aucune solution n’a toujours été trouvée concernant le conflit sur les hausses de salaires.
Le futur PDG est donc prévenu. Il est attendu au tournant par les syndicats. Et s’il compte demander un délai de quelques mois pour se familiariser avec l’entreprise, il risque d’essuyer un refus de la part du syndicat des pilotes et une grève pour “fêter” son arrivée. “Cela ne va pas se passer comme ça, assure ainsi à l’AFP Philippe Evain, l’intransigeant patron du SNPL, le principal syndicat de pilotes qui reproche à Anne-Marie Couderc, présidente par intérim de ne pas reprendre les négociations sur les revendications salariales.
Ses homologues allemands et anglais gagnent 4 fois plus
A défaut d’arriver aux commandes d’une entreprise à l’abri des turbulences, le futur PDG peut-il au moins compter sur une rémunération attractive? S’il a déjà piloté avec succès des groupes privés de taille comparable, il risque d’être déçu. Sur l’année 2017, Jean-Marc Janaillac a touché 1,1 million d’euros selon le document de référence déposé à l’AMF. 600.000 euros en rémunération fixe et 510.000 euros en variable, soit 91.600 euros par mois sur l’année. Dans le secteur du transport aérien et à ce niveau de responsabilité, cette rémunération est loin d’être attractive. A titre de comparaison, en 2017, Michael O’Leary, le patron de Ryanair a touché 2 millions d’euros (plus 1,25 million d’euros de dividendes du fait de sa participation au capital de l’entreprise), soit près du double de celui d’Air France.
Et parmi les groupes aériens jouant dans la même catégorie qu’Air France-KLM, Lufthansa se montre encore plus généreux avec son patron Carsten Spohr a touché 4,193 millions d’euros en 2017 (dont 1,38 million de part variable) selon le rapport annuel de la compagnie. Mais c’est outre-Manche que les patrons de compagnies aériennes sont les mieux payés puisque Willie Walsh, le patron d’IAG (British Airways, Iberia…) a perçu lui 4,53 millions d’euros l’année dernière dont 974.000 euros de fixe. Chez IAG, même le directeur financier touche plus que le PDG d’Air France puisque ce dernier a gagné 2,2 millions d’euros en 2017, peut-on lire dans le rapport annuel de la compagnie.
Voilà pourquoi attirer chez Air France-KLM un cadre dirigeant qui a de l’expérience chez Air France relève de la gageure. D’autant qu’à l’international, l’épisode très médiatisé de la chemise arraché de l’ancien directeur financier est encore dans toutes les mémoires.
Avec bfm