Le pétrole est la seule ressource de l’État islamique, désigné comme le seul ennemi de la France en Syrie, par François Hollande, devant tous les parlementaires français, réunis ce lundi à Versailles.
Des chasseurs français ont bombardé le 31 octobre dernier un centre d’approvisionnement pétrolier du groupe Daech près de Deir Ezzor, dans l’est de la Syrie. Une 1ère que le ministre français de la Défense Jean-Yves Le Drian avait lui-même annoncé : « En Syrie nous sommes intervenus par une frappe sur un point de délivrance pétrolier aux environs de Deir Ezzor à la frontière entre l’Irak et la Syrie », avait-il déclaré lors d’un point de presse en marge du Forum international de Dakar sur la paix et la sécurité en Afrique.
Cette opération faisait partie des nouvelles frappes aériennes après la décision de François Hollande d’engager son offensive contre Daech en Syrie. L’objectif était nouveau : les centres pétroliers exploités par l’État islamique, là où « l’on prend du pétrole pour le délivrer ailleurs », comme l’indiquait Jean-Yves Le Drian. Divers médias internationaux (la chaine M6 en France, le Financial Times…) avaient attiré l’attention sur le fait que le financement de Daech reposait essentiellement sur la manne pétrolière, sur d’importantes réserves qui se trouvait principalement en Irak mais qui transitait via la Syrie vers d’autres destinations.
Des vols de reconnaissance aérienne ont permis d’évaluer le nombre de camions qui font la navette entre les forages et la frontière turque : plus d’un millier de véhicules qui forment un défilé incessant sur les routes irakiennes et syriennes. Pourtant, Les frappes aériennes de la coalition internationale ne semblaient pas privilégier cette cible.
Pour le Financial Times, l’État islamique produirait ainsi entre 34 000 et 40 000 barils de brut par jour sur le territoire qu’il contrôle, en Syrie et en Irak. Sur un an, les revenus pétroliers avoisineraient l’équivalent de 440 millions d’euros.
Les articles et reportages montrent également que l’organisation terroriste sait faire preuve d’un très bon sens de l’organisation pour gérer sa production pétrolière. Le reportage de M6 mettait ainsi en avant le fait que l’État islamique s’est fixé pour objectif de dégager des rendements deux fois supérieurs à ceux obtenus dans les champs de pétrole avant qu’ils en prennent possession. Il est vrai que pour parfaire son appareil industriel, Daech n’hésitait pas à acheter les compétences étrangères, voire « croisées » : ingénieurs, logisticiens, chimistes étrangers trouveraient ainsi l’occasion de salaires de rêve…
Et Daech sait casser les prix : selon les agences de renseignement, l’organisation de l’État islamique vendrait le baril de pétrole aux environs de 10 dollars, contre 45 au cours officiel. De quoi séduire les acheteurs aussi riches que discrets.
Mais à qui l’État islamique vend-t-il son or noir, alors qu’un immense et croissant nombre de pays condamnent sévèrement le mouvement djihadiste et que la grande coalition semble en train de s’élargir diplomatiquement, voire peut-être militairement , à bon nombre d’entre eux ?
« Dans le cadre d’une stratégie commune, il faudrait que tout le monde tire dans le même sens, que le président turc Erdogan mette fin, par exemple, aux trafics de pétrole à la frontière turco-syrienne, ce qui assècherait les finances de Daech. Là encore, il faut une stratégie globale, militaire, sociétale, et diplomatique », commente le général Vincent Desportes, ancien directeur de l’École de guerre française.
Pour transporter son pétrole, Daech utilise les mêmes recettes que Saddam Hussein à son époque. Confronté à un blocus, le dictateur irakien avait su trouvé la faille : la corruption de certains responsables turcs qui ferme les yeux mais pas leurs poches, sur les transactions qui se déroulent dans leur pays. Car Daesh ne fait pas que vendre, il achète en Turquie des biens stratégiques : selon Associeted Press, Washington aurait exprimé aux autorités turques ses inquiétudes quant aux moyens dont dispose Daech pour l’extraction de l’or noir. Des moyens qui passeraient, eux aussi, par la Turquie.
Pour John Kiriakou, ancien analyste de la CIA, ancien enquêteur du Comité sénatorial chargé des affaires étrangères, et cité par le site Points chauds, Daech s’appuie sur « des éléments corrompus de l’armée turque et des fonctionnaires des gouvernements locaux et régionaux du sud-ouest de la Turquie. Daech a enrichi les bonnes personnes… ».
Mais si la Turquie sert de bazar, les vrais acheteurs finaux se trouvent ailleurs. Il est assez curieux que les très importants et très compétents services de renseignements occidentaux n’aient pas eu l’idée de creuser cette piste alors que Daech ne possède que les ressources pétrolières pour financer son territoire, son armée et bien sûr les groupes terroristes qu’elle envoie hors de ses frontières. Et si les agences ont fait le travail (ce qui est à peu près certain), leurs conclusions n’ont pas eu l’air d’émouvoir les états-majors politiques.
Pas de bombardement systématique des puits de pétrole de l’État islamique, pas « d’amicales pressions » sur les acheteurs. Mystère. Il est vrai que les mystérieux acheteurs occidentaux des antiquités irakiennes et syriennes que Daech brade à bas prix quand le mouvement ne les fait pas exploser, ne sont nullement inquiétés. Mystère et boule de gomme… Mais tout ça va certainement changer.
Extension constitutionnelle de l’État d’urgence
« Notre ennemi en Syrie, c’est Daech » a déclaré aujourd’hui François Hollande devant l’ensemble des députés et sénateurs français réunis à Versailles, minorant ainsi l’obstacle al Assad. Le président français a même l’ambition de fédérer l’ensemble des opposants à l’État islamique. Il va rencontrer dans les prochains jours, Vladimir Poutine et Barak Obama pour constituer, selon ses dires, une « coalition » militaire unifiée. De même une réunion entre les partenaires européens se tiendra à la demande de la France vendredi pour tenter d’unifier la politique de l’UE sur des dossiers aussi divers que l’afflux des réfugiés, le contrôle aux frontières, la lutte contre les mouvements terroristes : «Si l’Europe ne contrôle pas ses frontières extérieures, alors c’est le retour aux frontières nationales, quand ce ne sont pas les murs ou les barbelés qui sont annoncés, soit une déconstruction de l’Union européenne », prévient-il.
Le Président n’a pas évoqué l’arme pétrolière mais il a sans surprise, annoncé des moyens supplémentaires à la police et à la justice. Plus surprenant, l’assignation à résidence et les perquisitions sur décisions administratives sont des outils très utiles de l’État d’urgence décrété, a estimé le Président de la République. Il a proposé d’étendre cet État d’urgence à trois mois mais également qu’une nouvelle loi organique élargisse le cadre juridique de cet État d’urgence et ses modalités d’application, en facilitant par exemple la déchéance de la nationalité française à des terroristes du cru qui posséderaient une bi-nationalité. C’est en tout cas le souhait de François Hollande, qui a appelé les parlementaires à voter rapidement cette modification de la constitution française. « Notre démocratie a triomphé d’adversaires bien plus redoutables (…) nous éradiquerons le terrorisme », a-t-il martelé à la fin de son discours.
source: http://www.tsa-algerie.com/20151116/mai-a-qui-daeh-vend-t-il-son-petrole/