Le président sénégalais veut que le continent engage des procédures de renégociation des contrats relatifs à l’exploitation des ressources naturelles avec les multinationales. Macky Sall plaide ainsi pour une révision et une harmonisation des législations en la matière pour que l’Afrique tire enfin pleinement profit de son potentiel. Et pour montrer l’exemple, le chef d’Etat a annoncé une large concertation au Sénégal pour la révision des contrats pétroliers et gaziers.
Ce n’est pas une ONG internationale qui s’indigne une fois de plus ou des activistes africains qui le réclament, mais bien le président sénégalais. « Le moment est venu de renégocier tous ces contrats portant sur les ressources naturelles en Afrique » a estimé le chef de l’Etat sénégalais à l’occasion de l’ouverture, vendredi dernier, de la 3e Assemblée générale de l’Association des autorités anti-corruption d’Afrique (AAACA) à Dakar. Pour le chef de l’Etat, c’est une condition préalable du développement du continent à un moment où plus que jamais, les pays africains ont besoin de tirer pleinement profit de leur potentiel en la matière afin de mieux soutenir leur stratégie de croissance au service de leurs citoyens.
« On vous dira que l’obstacle c’est la stabilité juridique des contrats. Mais si nous ne nous arrêtons pas à un moment donné, l’Afrique continuera à voir ses ressources naturelles partir. Et nous n’aurons plus que le trou béant abandonné après l’exploitation de nos mines, de nos carrières, de notre pétrole et de notre gaz. (…). Donc, il faut des renégociations pour toutes ces conventions. C’est un grand combat. Il faut aussi que l’Afrique harmonise ses législations ». Macky Sall
« C’est un combat! » a certes reconnu le président Sall qui n’a pas manqué de rappeler les obstacles juridiques que cela va engendrer. Cependant, a-t-il estimé, si les pays africains s’engagent à faire front commun, cela est possible et l’enjeu en vaut la peine. « On va vous dire que la Côte d’Ivoire est plus ouverte que le Sénégal en matière de promotion ou bien que le Niger offre telle situation. Evidemment, si nous sommes en compétition entre nous, nous subirons malheureusement la loi de l’offre et de la demande », a laissé entendre le chef de l’Etat sénégalais.
Le Sénégal va montrer l’exemple
Sur la même lancée, le président sénégalais a indiqué que l’enjeu, c’est aussi que l’Afrique doit se battre pour lutter contre l’érosion fiscale. « J’ai fait ce plaidoyer pour que l’OCDE travaille à faire en sorte que la richesse paie les taxes là où elle et produite », a ajouté Sall qui a souligné avoir déjà engagé un plaidoyer en ce sens depuis plusieurs années auprès des principales instances panafricaines et internationales.
« Je mène un combat maintenant depuis 5 ans au G7, au G20 et à l’UA pour dire que l’Afrique doit aussi se battre farouchement contre l’évasion fiscale. Les compagnies internationales agissent sous le couvert du droit international, des codes miniers, des codes pétroliers qui ont été érigés en des contextes où on demandait à l’Afrique de s’ouvrir à l’investissement international, et qu’il fallait tout donner gratuitement. Il n y a quasiment pas de fiscalité ou très peu de fiscalité ». Macky Sall
Afin de donner l’exemple, le président sénégalais a annoncé la tenue, au cours de ce mois, d’une large concertation nationale pour une « gestion transparente des ressources naturelles » du pays qui se prépare à entrer dans le hub des producteurs de gaz et de pétrole. A cette concertation nationale qu’il a annoncée, le président Sall a invité « la société civile, l’opposition et les forces vives de la nation qui doivent trouver les moyens de gérer les ressources gazières et pétrolières, dans l’intérêt exclusif des populations sénégalaises ».
L’annonce du président sénégalais a vite fait d’actualiser le débat au sein de l’opinion africaine qui s’est largement épanchée sur le sujet notamment sur les réseaux sociaux. Ce n’est certes pas la première fois que des voix s’élèvent pour tirer la sonnette d’alarme sur le manque à gagner que les conditions actuelles d’exploitation de ses ressources engendrent pour les pays du continent. A présent que la volonté politique au plus haut niveau des Etats s’affirme, certains espèrent que les choses vont bouger. A condition toutefois que les autres suivent et ne fassent pas bande à part. En tout cas, d’autres pays comme récemment la RDC, ont pris le devant pour réviser leur code minier et pétrolier malgré les réticences des multinationales.
Avec latribuneafrique